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La diaphanisation, technique fascinante de conservation, prend une tournure artistique sous les mains de Tiphaine Deterville. Transformant souris et poussins en « chimères », elle interroge notre perception du vivant. Ses créations uniques se vendent jusqu’à 250 euros.
Dans le cadre intime de son appartement toulousain, Tiphaine Deterville, au style gothique prononcé, orchestre d’étranges rituels de conservation. Aide technique dans le secteur médical en journée, elle se mue, une fois chez elle, en une artiste qui manipule la mort avec une précision scientifique pour en extraire une beauté nouvelle. Son atelier, jonché de bocaux aux couleurs vives, est le théâtre de la diaphanisation, une technique qu’elle a adoptée après s’être formée au Muséum d’histoire naturelle.

Tiphaine Deterville
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Diplômée taxidermiste depuis 2014, elle a enrichi ses connaissances par des recherches personnelles pour maîtriser ce processus initialement à visée scientifique. La diaphanisation consiste à rendre les tissus mous des animaux transparents tout en colorant distinctement les cartilages et les os, révélant ainsi l’architecture interne du spécimen.
Le processus est rigoureux : « On part de la souris telle qu’elle est de base, entière, on la dissèque, on l’éviscère, on enlève la peau et les organes, on la fixe et ensuite on passe à la coloration des cartilages en bleu, explique-t-elle. Suivent une phase de réhydratation, puis la digestion des muscles pour les rendre transparents, et enfin la coloration des os en rouge, avant l’étape finale du clearing qui achève la transparence complète des muscles. »
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Tiphaine Deterville
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L’artiste travaille principalement des souris et des poussins, qu’elle trouve « morts et congelés » en animalerie, s’assurant ainsi de respecter la législation française très stricte et de conserver une « bonne conscience ». Si la technique est scientifique à l’origine, l’approche de Tiphaine Deterville est résolument esthétique et artistique. Elle s’écarte de la simple préservation anatomique pour créer des œuvres qu’elle nomme « chimères », mélangeant diverses espèces ou exploitant des malformations pour plonger l’observateur dans un registre onirique. Elle évoque, à titre d’exemple, un corps de souris portant une tête de perruche ou un poussin doté de bras de rat. En veillant à des proportions équivalentes, elle cherche à cultiver le doute chez ceux qui regardent ses créations : « On se demande vraiment si ce sont des vraies espèces ou pas. On a toujours un petit doute, » confie-t-elle.
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Tiphaine Deterville
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Cette quête de conservation permanente est intimement liée à une peur personnelle de la mort, poussant l’artiste à vouloir que ce qui a été vivant le « reste éternellement ». Elle s’amuse d’ailleurs à se comparer à un « docteur Frankenstein », allant jusqu’à découper et coudre au fil de nylon des membres sur d’autres animaux pour composer ses créations. Ces pièces uniques sont commercialisées en ligne, lors de petites expositions ou sur les marchés de Noël, avec des prix variant entre 90 euros pour les plus petits spécimens et 250 euros pour les « monstres » et les chimères.