Six ans après son dernier classement, le cabinet de conseil Copenhagenize a publié en novembre son nouvel index des villes les plus cyclables. Et patatras : Strasbourg dérape, de la 5e à la 13e place. Un coup dur pour l’autoproclamée « capitale du vélo », qui n’a pas manqué d’être utilisé politiquement contre la municipalité. Tentative d’explications d’un tel classement.
À Strasbourg, la « capitale du vélo » a quelque peu déraillé en novembre dans l’opinion publique. Alors que de nombreux projets vélos arrivent à leur terme [La Romaine, La Colmarienne, la quasi-intégralité du Ring Vélo, ndlr], la capitale alsacienne a découvert sa 13e place au classement des villes les plus cyclables dans le Copenhagenize Index 2025 avec un score de 60,3 sur 100. Une place honorable, à première vue.
Là où la roue se voile, c’est qu’en 2019, lors de la dernière publication, Strasbourg était… 5e. Forcément, cette descente en pente raide dans le classement n’a pas manqué de regonfler l’opposition à la municipalité, qui plus est en période de campagne électorale. Qu’est-ce qui explique ce retour dans le peloton ?
© Copenhagenize Index / Capture d’écran
Le changement de méthodologie en cause ?
Avant de s’intéresser aux causes, revenons sur l’index en lui-même. Selon Copenhagenize, l’Index 2025 doit être lu comme un outil de travail autant qu’un classement. Pour cette édition, il prend désormais en compte les aires urbaines de 250 000 habitant(e)s. Un changement par rapport à 2019, où seules les aires urbaines de plus de 600 000 habitant(e)s étaient sélectionnées. Ce qui explique que désormais, ce n’est plus un top 20, mais un top 100.
Une évolution des critères qui pourrait expliquer une certaine dégringolade strasbourgeoise, qui est désormais dépassée par Ghent (Belgique), La Hague (Pays-Bas) et Bonn (Allemagne), des villes qui n’étaient pas prises en compte en 2019. Sauf que, dans le même temps, alors qu’elle était première ville de France en 2019, Strasbourg a été dépassée par Paris, Nantes et Bordeaux, déjà présentes dans le classement d’il y a six ans.
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Quels manquements, et quelles marges de progression, selon l’Index ?
Sur les 13 critères permettant d’établir le classement, Strasbourg a pâti sur plusieurs d’entre eux, et notamment celui sur le pourcentage de Strasbourgeois(es) faisant du vélo. Surtout, alors que Paris, Bordeaux et Nantes ont généralisé les zones 30, Strasbourg pêche largement sur ce point-là selon le rapport. Il est donc nécessaire que la ville se penche sur ce sujet, afin de « créer un meilleur équilibre entre sécurité et confort ».
Dans sa notation, Strasbourg souffre d’ailleurs d’une note de 54,2 sur la sécurité de ses infrastructures cyclables et d’une note de 56,3 sur les usages. Des notes moyennes, qui peuvent servir d’indicateurs sur les points à retravailler. Néanmoins, il faut préciser que ces notes proviennent d’indicateurs plus précis qu’en 2019 et prennent en compte des pistes ou bandes cyclables dangereuses, créées elles par d’autres municipalités (celle le long du tram puis sur le trottoir à l’Esplanade, celle place de Haguenau, celle avenue des Vosges…).
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Ainsi, l’Index recommande à Strasbourg de travailler sur « l’extension des zones apaisées » et « le développement de concepts éprouvés comme les rues scolaires ». Un travail à mener portant moins sur la création de nouvelles pistes, mais plutôt sur davantage d’investissements sur ce qui les entoure, avec la transformation urbaine de l’espace public.
Des investissements dont certains sont déjà en cours, notamment sur les rues-écoles et les zones apaisées, ce malgré le fait que la municipalité ait pris beaucoup de temps avant de lancer ses chantiers, qui se terminent tous en même temps. Et même si l’échec du tram Nord et de son ambition de transformer la ville jouera en la défaveur de Strasbourg dans le prochain classement, il y a fort à parier que le prochain verra Strasbourg remonter dans le top 10.
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Quels points positifs ?
Si l’on a tendance à s’intéresser davantage aux points négatifs, l’Index met tout de même en avant plusieurs points forts de la ville : le taux de places pour vélo/habitant(e) est l’un des meilleurs du monde, tandis que le challenge Au Boulot à Vélo a réussi à faire rentrer la pratique cyclable dans les moeurs des Strasbourgeois(es).
Par ailleurs, l’Index met également en valeur les « programmes logistiques qui réduisent la circulation motorisée en centre-ville et contribuent à la mise en place de pratiques plus durables ».
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Un ensemble d’éléments qui « ont formé un écosystème cyclable solide ». Il n’est donc pas étonnant que la meilleure note de Strasbourg soit celle sur les politiques cyclables et le soutien au vélo, avec un 73/100. Tout n’est donc pas à jeter, surtout que les dernières infrastructures cyclables réalisées en 2025, et il y en a eu un paquet, n’ont pas été prises en compte.
Conclusion : qu’importe le classement, pourvu qu’on puisse l’instrumentaliser politiquement
Finalement, pourquoi ce classement a-t-il eu un certain impact médiatique et politique ? Si un classement est utile pour voir où une ville en est sur un sujet donné, il est bien plus intéressant pour révéler les motivations de celles et ceux qui le mettent en avant.
Ici, le fait que Strasbourg glisse au classement a permis aux oppositions politiques de nourrir leur narratif d’un « déclin » de la ville et de saturer l’espace médiatique. Surtout sur un sujet où Strasbourg a longtemps été un exemple en France. Mais si cet index permet de voir là où Strasbourg pourrait (et devrait) mieux faire, il ne reste qu’une photographie à l’instant T… qui dépend des critères utilisés.
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Car si l’on regarde d’autres classements, Strasbourg est bien plus haute en tant que ville française. Si l’on se réfère à celui de l’initiative citoyenne « villes.plus » et ses données en open source, Strasbourg est la ville la plus cyclable de France en juillet 2025, avec une note de 5,3/10. Quant à celui de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) de septembre 2025, il place Strasbourg en 2e place des villes les plus cyclables de France [bien qu’elle connaisse une légère baisse dans sa note, ndlr]. On notera que peu de monde s’en est félicité.