A Rouen, comme dans de nombreux cimetières de France, des chapelles funéraires érigées au XIX siècle sont à l’abandon. Un problème pour les communes car ce sont des propriétés privées.
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Elle monte ici trois fois par an. Josiane Hurard est l’héritière de l’unique chapelle du cimetière d’Orival (Seine-Maritime), près de Rouen.
Un monument funéraire en pierre blanche, surplombé d’un toit en zinc, niché au creux de la falaise avec une vue imprenable sur la Seine en contrebas. Soumise à l’humidité, au gel et aux affres du temps, la chapelle est encore débout. Presque intacte.
Cette sépulture, Josiane Hurard l’a toujours entretenue. Petite avec sa grand-mère. Et aujourd’hui encore à 82 ans. « Je viens mettre des fleurs, changer le napperon et faire ce petit ménage » explique-t-elle balayette à la main.

A Orival (Seine-Maritime), c’est l’unique chapelle du cimetière. Aujourd’hui, Josiane Hurard continue de l’entretenir.
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Ici reposent son mari, ses parents et les ancêtres de son grand-père. « Ma grand-mère, Madeleine, a épousé en seconde noce Roger Blay » poursuit Josiane Hurard. « Il est le dernier descendant d’une famille d’industriels d’Elbeuf qui a fait fortune dans le textile ».

Détails de l’intérieur de la chapelle d’Orival (Seine-Maritime)
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La chapelle a été bâtie en 1850. « 17 personnes sont inhumées ici » détaille Josiane Hurard, tenant dans sa main un plan des différentes sépultures. « Comme il n’y avait pas de place pour tout le monde, certains corps, certains ossements ont été rassemblés dans une même boîte ».
Si l’édifice est si bien conservé, c’est que Josiane Hurard y est très attentive. Récemment, elle a fait réaliser d’importants travaux. « J’en ai eu en tout pour environ 1200 euros. J’ai fait intervenir un couvreur parce que la toiture n’était plus étanche. Et une entreprise a également fait un nettoyage des pierres et la peinture des portes »
Cette chapelle fait partie de la famille. J’espère qu’après moi, quelqu’un prendra la suite.
Josiane Hurard, propriétaire de l’unique chapelle du cimetière d’Orival
Voyez le reportage d’Angele De Vecchi et Emmanuelle Partouche
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Voir la video (3 minutes 26 secondes).
3 min 26 s
Dans beaucoup de cimetières en France, des milliers de chapelles érigées au milieu du XIXème siècle sont laissées à l’abandon. Les héritiers n’entretiennent plus ces édifices historiques, soit parce qu’ils ne vivent plus près de la chapelle, soit parce qu’ils ignorent leur existence. Un problème pour les communes. Avec les interviews de : Josiane Hurard / Guillaume Gohon, guide-conférencier et chargé de valorisation du patrimoine – Métropole Rouen Normandie / Matthieu de Montchalin, adjoint aux Affaires funéraires à la ville de Rouen
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©FTV / Angèle de Vecchi / Emmanuelle Partouche
Des chapelles tombées dans l’oubli, que personne n’entretient plus, il en existe des centaines de milliers dans les cimetières français. Impossible d’en faire un inventaire précis.
Au Monumental, à Rouen, cimetière classé remarquable, ces silhouettes imposantes sont alignées le long de nombreuses allées. Apparues au début du XIXème siècles, ces monuments funéraires sont pour les notables un moyen d’exposer au monde leur puissance et leur richesse, au-delà de la mort.

Sur cette allée du cimetières monumental de Rouen, trônent les chapelles des plus grandes fortunes de la ville.
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Guillaume Gohon est chargé de valorisation au service du patrimoine de la Métropole Rouen Normandie. Le long d’une des allées, il nous fait découvrir les chapelles funéraires érigées par les grands noms de Rouen. « Ici, par exemple, il y a la famille Lafond, fondatrice du journal de Rouen, ancêtre du Paris Normandie » décrit-il. « La chapelle est installée sur ce qu’on appelle entre nous les Champs Elysées. C’est la zone la plus chère du cimetière »
Plus les monuments sont grands, plus la fortune de celui qui a été enterré est grande aussi. Les grands industriels, les médecins, les professions libérales vont ainsi montrer leur réussite par un édifice monumental.
Guillaume Gohon, chargé de valorisation au service du patrimoine de la Métropole Rouen Normandie.
Ces chapelles font leur apparition au début du XIXème siècle et prennent leur essor dans les années 1840.

Une chapelle du cimetière Monumental de Rouen
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Comme pour la construction d’une maison, les familles les plus fortunées font appel à un architecte pour ériger à leur goût ces monuments funéraires, adapter la porte ou le vitrail. On compare alors les chapelles comme on compare la façade des maisons. Celles qui ont moins de ressources travaillent avec un entrepreneur sur catalogue.

Vitrail d’une chapelle.
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Symboles de richesses, elles sont aussi un lieu de confort pour les familles.
Il faut bien imaginer que les veuves notamment sont obligées d’aller régulièrement sur la tombe de leur défunt. Grâce à ces monuments funéraires, elles vont être à l’abri de la pluie, du vent, du soleil. Elles vont pouvoir installer du mobilier, des chaises pour la prière. C’est plus intime et plus confortable que de venir se recueillir sur une tombe.
Guillaume Gohon, chargé de valorisation au service du patrimoine de la Métropole Rouen Normandie.
Malheureusement, ces grands industriels, ces grandes fortunes n’imaginaient pas à l’époque que leurs descendants auraient peut-être changé de lieu de résidence, de niveau de vie. Ou pire qu’il n’y aurait pas d’enfants.

Vestiges d’une vie passée – cimetière Monumental de Rouen
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Résultat, aujourd’hui, certaines d’entre elles ne sont plus entretenues. La nature a repris ses droits. Les matériaux ont vieilli et se sont abîmés. « Le temps passant, la pierre devient poreuse, absorbe l’humidité. Elle finit pas se se déliter » poursuit Guillaume Gohon. « Les portes se dégondent et tombent. Souvent, si la toiture n’est pas réparée, il suffit d’une fissure pour que des graines s’y déposent, germent et qu’un arbre pousse à l’intérieur. »

Un vitrail cassé dans une chapelle du cimetière Monumental de Rouen
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Se pose alors la question de l’avenir de ce patrimoine. Qui pour entretenir et réparer ces vestiges du passé ? Légalement, ce travail revient aux propriétaires des chapelles. Mais avec les années, leur trace a souvent été perdue, laissant la ville de Rouen impuissante.

La porte d’une chapelle rongée par l’humidité – cimetière Monumental de Rouen
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Si une chapelle menace de s’effondrer sur le public dans une allée, un arrêté de péril peut être pris. Tant que la concession est active, c’est à peu près le seul cas de figure où la mairie peut intervenir. Il s’agit d’une propriété privée.
Matthieu de Montchalin, adjoint au maire de Rouen en charge des affaires funéraires.
Une fois la concession échue, la Ville de Rouen peut la reprendre si aucun descendant ne se manifeste. » Mais dans le cas de nos chapelles, la mairie n’aura pas les moyens d’entretenir toutes celles qui vont mal » précise l’élu.

Une chapelle fissurée par le temps qui passe et les conditions météorologiques
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Pour tenter de les sauver, la municipalité a donc lancé le dispositif « Adopte une chapelle ». Elle propose aux particuliers de racheter une concession à un tarif normal, en échange de son entretien.
« Aujourd’hui, nous avons eu plusieurs candidats. Mais tous ont reculé devant le devis des travaux à mener pour restaurer les chapelles » déplore Matthieu de Montchalin.
La question de la préservation de ces monuments funéraires reste entière. Car si elles restent une propriété privé, elles sont aussi un patrimoine commun qui fait le charme de nos cimetières.