On peut le faire mais ça va vous coûter un bras : c’est grosso modo ce que s’entend répondre le Kremlin, lorsqu’il cherche à se procurer du matériel dont l’exportation en Russie est prohibée par les sanctions internationales. Entre 2021 et 2024, le prix des composants sensibles exportés de la Chine vers la Russie a augmenté de 87%, dévoile une étude du Bank of Finland Institute for Emerging Economies (Bofit).

« L’invasion russe [de l’Ukraine] et les sanctions qui ont suivi ont provoqué un choc notable sur le commerce au printemps 2022, indique-t-elle. La valeur des exportations mondiales vers la Russie a fortement diminué, les produits sanctionnés subissant une baisse plus marquée que les produits non sanctionnés. Après quelques mois, la valeur des exportations, qu’elles soient sanctionnées ou non, a [amorcé un rattrapage]. »

Mauvaise affaire

Au niveau mondial, les prix des biens soumis aux sanctions internationales importés par la Russie ont flambé de façon bien plus conséquente (+ 75 %) que ceux des autres biens (+ 0,2 %). En Chine, ceux-ci ont explosé encore davantage (+ 87 %), contre 9 % pour les produits non-sanctionnés. En Turquie, un autre fournisseur de Moscou, les biens soumis à des contrôles d’exportation ont vu leurs prix augmenté de + 25% à + 55%.

« Un haut responsable occidental chargé des sanctions a déclaré au Financial Times que, même s’ils souhaiteraient voir le complexe militaro-industriel russe « coupé » de ses fournisseurs, le fait que les entreprises chinoises « les arnaquent » constituait un « résultat plutôt positif », indique le quotidien britannique. « Si vous augmentez le prix d’un bien de 80 %, vous réduisez presque de moitié ce qu’ils peuvent réellement acheter. » »

Par exemple, les roulements à billes ont été ciblés par les sanctions européennes. En 2021, leurs exportations de la Chine vers la Russie atteignaient 26 millions de dollars. En 2024, leur valeur avait certes grimpé à 45,8 millions de dollars (+ 76 %), mais leur volume avait décliné de 13 %. Cela signifie que le prix unitaire des roulements à billes à doublé entre 2021 et 2024. Et c’est encore pire pour les roulements à billes coniques, dont le coût unitaire a quadruplé en trois ans.

Les sanctions fonctionnent

« Nous avons démontré que les prix unitaires des importations russes ont augmenté, parfois de façon spectaculaire, depuis l’instauration des sanctions économiques en réponse à l’invasion de l’Ukraine, conclut le Bofit. Cela concerne particulièrement les biens à double usage et les produits de haute technologie visés par les sanctions de l’Union européenne et d’autres pays. Ce constat est particulièrement pertinent pour la Chine, devenue le principal partenaire commercial de la Russie. »

Ce n’est pas pour rien qu’à chaque négociation avec l’Ukraine, Vladimir Poutine exige la fin des sanctions. La Russie paie beaucoup plus cher pour importer certains composants, maintenant qu’ils sont soumis à des contrôle d’exportations, et elle ne peut plus en acheter autant qu’avant. Son accès à ces biens sensibles a donc été entravé, ce qui démontre que les sanctions remplissent leur fonction : pourrir la vie du Kremlin.