Par

Emilie Dudon-Fournier

Publié le

25 nov. 2025 à 12h42

L’image a fait le tour des réseaux depuis 3 jours : Charles Ollivon est en tribunes, l’oeil gauche tuméfié. Et les commentaires vont bon train concernant le fait que le 3e ligne du XV de France n’ait pas été sorti dès sa première blessure. Y a-t-il vraiment eu manquement, et de la part de qui ? Que s’est-il passé avec le TMO et les médecins du match ? Les infos d’Actu Rugby.

Concrètement, voilà les faits : à la 6e minute de jeu, le Toulonnais subit un choc avec le numéro 8 australien Harry Wilson. Le jeu se poursuit tandis qu’il met près de 10 secondes à se relever, mettant genou à terre après une première tentative. Il reprend ensuite sa place, s’impliquant dans un maul. Immédiatement, au moment de l’action, l’arbitre, Luke Pearce, indique « all chest », ce qui signifie qu’il s’agit seulement un contact à la « poitrine » selon lui. Charles Ollivon va le voir et lui demande des explications. L’Anglais lui répond qu’il échange avec son TMO, le Sud-Africain Marius van der Westhuizen, sur le sujet.

On sent qu'on va s'en prendre plein la gueule.
Le contact entre Wilson et Ollivon. (©TF1)

Les images bien visionnées par le TMO et le pourquoi de sa décision

Ce qui est fait. Le TMO a bien visionné la séquence sous plusieurs angles et estimé qu’il n’y avait « pas de contact clair à la tête ». Si on voit la tête touchée sur le images, il a selon nos informations considéré que le choc avait d’abord eu lieu à la poitrine puis était remonté. Après avoir donné une pénalité aux Australiens qui tapent en touche, M. Pearce confirme au Français que c’est un contact à poitrine qui est retenu. Il n’y a donc aucune raison, sur le plan arbitral, de sanctionner le 3e ligne australien et d’engager un protocole commotion, le protège-dents du joueur n’ayant pas bipé manifestement. Pour rappel, un arbitre évalue la règle et pas la blessure.

A ce moment-là, Oscar Jégou commence à s’échauffer. Mais Charles Ollivon garde sa place et continue de jouer pendant 9 minutes. On voit qu’il est hagard, sur un saut en touche notamment. Il sort finalement à la 15e minute, après avoir pris un nouveau choc, accidentel : sur un déblayage australien, il se cogne avec Maxime Lucu. C’est ce 2e choc qui lui occasionne l’impressionnant cocard qu’il affichera après.  Le Toulonnais passe ensuite le protocole commotion, qu’il ne réussit pas.

Un sacré cocard pour Charles Ollivon à l'œil gauche.
Charles Ollivon est apparu en tribunes l’œil gauche tuméfié. (©TF1)

La responsabilité de qui ?

Pour rappel, une commotion cérébrale est « une blessure invisible causée par un coup direct à la tête ou par un impact sur toute autre partie du corps qui transmet une force impulsive à la tête ». Charles Ollivon aurait-il dû être sorti dès son premier choc ? Il semble clairement que oui. Qui, alors, aurait pu (dû) prendre cette décision ? Le staff tricolore, qui avait identifié le problème en faisant s’échauffer Jégou. L’arbitre qui, malgré la décision du TMO, peut déclencher le protocole HIA s’il constate des signes de commotion (désorientation, trouble de l’équilibre, perte de connaissance, mouvement incontrôlé ou après un fort impact). Contacté, le patron des arbitres mondiaux Joël Jutge n’a pas souhaité répondre à nos questions.

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Mais aussi et surtout les médecins présents, bien sûr. 6 médecins sont déployés sur les matchs internationaux : 2 docteurs indépendants nommés par la FFR, 2 urgentistes et les staffs médicaux de chaque équipe. Nous avons tenté de joindre la Fédération pour contacter le médecin indépendant qui officiait, sans succès.

Ses coéquipiers auraient également pu signaler qu’il y avait un problème, ayant vu ce qu’il se passait ainsi qu’en témoignait Maxime Lucu sur TF1 à la fin de la rencontre : « C’est toujours à l’appréciation de la règle et du contact. Charles Ollivon ne se sentait pas bien dès qu’il a reçu le choc. Il en a fait part à l’arbitre. Il était KO pendant 5 minutes. Quand on voit qu’il sort blessé et qu’il est KO, il y a des doutes derrière ».

Les commotions cérébrales, un sujet pris très sérieux par les instances du rugby

S’il s’avère que le premier choc est bien une commotion cérébrale, ainsi que tendent à le montrer les images, les témoignages et le comportement du joueur de 32 ans durant les minutes suivantes, il s’est trouvé en réel danger en étant resté sur le terrain. Car, si le Toulonnais a communiqué depuis sur les réseaux sociaux en rassurant tout le monde, subir un 2e choc alors qu’on est déjà commotionné peut avoir des conséquences très graves. Selon le règlement, il a dû voir un neurologue deux heures après le match puis sous 48 heures, pour suivre les éventuelles avancées de la lésion. 

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Les commotions sont en tout cas un sujet pris très au sérieux depuis des années par les instances dirigeantes du rugby, au niveau national via les Fédérations, et international via World Rugby. Des protocoles commotion ont été mis en place, le phénomène est scruté à la vidéo (beaucoup de cartons rouges ont été distribués pendant ces tests pour contact à la tête, à l’image de celui de De Jager sur Ramos), un protège-dents connecté est désormais fourni aux joueurs pour s’allumer et obliger à la sortie du joueur en cas de choc.

En France, une enveloppe d’1 million d’euros est débloquée chaque saison pour soutenir ces démarches.  « Dans le rugby professionnel, on a pratiquement une commotion tous les deux matchs », expliquait Olivier Capel, président du comité médical de la Fédération française de rugby, sur RMC  il y a quelques semaines.

Il y précisait : « Nous, on plaide pour diminuer la ligne de plaquage, un jeu beaucoup plus en sécurité, peut-être avec plus d’évitements aussi, et qui sera tout aussi joli à regarder. On a certaines divisions en France qui plaquent plus bas que les épaules, et on s’est aperçu qu’il y avait pratiquement une baisse de 50% des lésions à la tête et au cou quand on plaque plus bas. » La mesure est en cours d’étude par World Rugby et l’abaissement de la ligne de plaquage pourrait être appliqué pour les prochains championnats du monde U20, selon RMC.

Des chiffres qui évoluent

Interrogé sur les commotions lors d’un entretien accordé à Actu Rugby en octobre dernier, le président de la commission médicale de la LNR, assurait qu’une forte prise de conscience a eu lieu. « Quand on a commencé à parler de commotions cérébrales, les gens nous regardaient bizarrement. Avant, c’était un coup d’éponge sur la tête, on repart. Ça, ça a complètement évolué et ce n’est plus du tout le cas. Aujourd’hui, sur le terrain, si un joueur voit que son copain ne va pas bien, il va voir le coach, le médecin, et dit qu’il faut le sortir. C’est quelque chose qu’on voit à chaque journée. C’est une prise de conscience globale, l’arbitre peut le voir aussi ».

Pour le Dr Dusfour, joueurs et entraîneurs « ont compris : ils savent que leur corps est leur outil de travail, alors il font attention. Par exemple, lors du Grand Chelem dans le Tournoi des 5 Nations 1977, ce sont les mêmes 15 joueurs qui ont fait tous les matchs, et qui étaient dans des états extrêmement difficiles. Jacques Fouroux avait fini dans un état catastrophique. Ce serait un truc inimaginable aujourd’hui ».

Alors que près d’1 sportif sur 2 qui est commotionné dans n’importe quel sport continue de pratiquer alors qu’il devrait sortir, ce chiffre a été abaissé à 15% dans le rugby professionnel grâce au protocole commotion. Charles Ollivon faisait donc partie de cette minorité, au vu et su de tout le monde.

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