Toute la musique qu’on aime est passée par le Palais d’Hiver. En 65 ans d’existence, la salle de spectacle mythique a tout connu : le succès immense, les changements de mode, les soucis financiers, les drames… jusqu’à la fermeture définitive en décembre 1985. Il y a 40 ans presque jour pour jour.
Cette histoire faite de multiples rebondissements méritait bien un livre. Pour « Le Palais d’Hiver, 1920-1985, la folle histoire », Le Progrès a puisé dans ses archives photos inédites, a retrouvé des images rares signées Mario Gurrieri, célèbre photographe lyonnais attitré du Palais d’Hiver.
Ce hors-série raconte l’histoire du lieu, retrace les grands concerts, rapporte des anecdotes. Il donne la parole à des artistes, comme le chanteur lyonnais de Starshooter, Kent, à des acteurs de la vie culturelle d’alors, à d’anciens spectateurs. Et surtout à Ludovic Lamour, fils cadet de Roger Lamour et petit-fils du fondateur des lieux Pierre Lamour, qui a accepté de confier ses souvenirs personnels et familiaux.
65 ans d’une folle histoire
Édith Piaf, Georges Brassens, Jacques Brel, Johnny Hallyday, Dalida, Eddy Mitchell, Julien Clerc, Mireille Mathieu mais aussi les Beatles, les Rolling Stones ou Tina Turner ; puis, dans les années 1980, Talking Head, The Stranglers, Iron Maiden, Simple Minds ou The Cure… La liste des artistes passés par le Palais d’Hiver donne le vertige… La dresser de manière exhaustive est quasi impossible.
« Cette salle avait une énergie folle, c’était aussi l’une des préférées de Johnny »
Julien Clerc, au Progrès le 7 avril 2022
Tout le gratin du music-hall, des yé-yés puis du rock a foulé cette haute scène installée non loin du parc de la Tête d’Or, au bord du boulevard de Stalingrad, entre Lyon et Villeurbanne.
En son temps «plus grand music-hall d’Europe», la salle a vécu une folle histoire avec plus de six décennies de fêtes et de concerts. Claude François y donne son dernier spectacle en 1978.
Mireille Mathieu : « Le Palais d’Hiver, c’est mon premier concert »
La chanteuse aux 60 ans de carrière est de retour sur scène. Après plusieurs dates à l’Olympia, à Paris, Mireille Mathieu était le 15 novembre dernier à Lyon dans le cadre de sa tournée « 60 ans d’amour ».
L’occasion de parler avec elle de Lyon… et du Palais d’Hiver. « Oh oui, le Palais d’Hiver de Roger Lamour, bien-sûr, génial, je me souviens. C’était une salle célèbre et c’était surtout mon tout premier concert. C’était au début de décembre 1965, je n’étais même pas annoncée!» se remémore Mireille Mathieu.
« J’avais chanté en lever de rideau de Hugues Aufray grâce à mon manager de l’époque, Johnny Starck, qui a tout fait pour moi et qui était très ami avec le patron du Palais d’Hiver, Roger Lamour, quelqu’un qui était d’ailleurs adorable. Cela m’a ouvert ma première scène. Ce sont de très beaux souvenirs. »
Après cette « première fois », Mireille Mathieu a chanté régulièrement au Palais d’Hiver.
Propos recueillis par Delphine Givord
Une piscine, des bals et des rencontres
Dès les Années Folles et jusqu’au milieu des années 1970, les bals au Palais d’Hiver avaient la réputation d’être toujours très élégants. Ils étaient aussi un lieu incontournable de rencontres pour la jeunesse locale.
Avant de conquérir ses lettres de noblesse en accueillant les concerts de toutes les stars nationales et internationales, le Palais d’Hiver a longtemps été un temple de la fête. Les corporations et les associations locales en avaient fait leur antre. Notamment pour y organiser des bals. Fox-trot, tango, rock, charleston et autres flonflons font danser les foules depuis les années 1920 lorsque Pierre Lamour, en visionnaire, transforme l’ancienne piscine du boulevard de Stalingrad en salle de bals.
Des concours en tous genres
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Palais d’Hiver accueille des galas de boxe. Les bals sont interdits. Après la guerre, Roger Lamour, le fils de Pierre, modernise la salle, la positionnant comme la plus grande d’Europe. L’incendie de 1962 conduit à une reconstruction, et, en 1963, le Palais d’Hiver renaît avec une renommée internationale.
Le Palais d’Hiver a également été le lieu de tous les concours. Celui du sacre, chaque année, de la Reine du Palais d’Hiver. Les manifestations étaient très variées : nuits du camping, défilés de modes, soirées des Catherinettes ou de la Saint-Valentin, concours des écoles de danse…
La préface de Salvatore Adamo
Qui n’a pas chantonné les succès de Salvatore Adamo? De «Tombe la neige» à «Vous permettez, Monsieur» en passant par «Les Filles du bord de mer», ses chansons accompagnent le public depuis des décennies.
Salvatore Adamo a accepté de signer la préface du livre sur le Palais d’Hiver, rapportant ses souvenirs et le trac qui était le sien lorsqu’il s’agissait de monter sur cette scène lyonnaise singulière, réputée pour son public exigeant.
«Les 3 000 spectateurs attablés pouvaient porter les artistes aux nues, littéralement… ou leur tourner le dos, et boire leur verre en bavardant entre eux, dans un brouhaha qui pouvait couvrir le chant et la musique. J’ai eu le privilège d’y passer plusieurs fois, dans les années 1960 et 1970, avec, je l’avoue, toujours beaucoup d’appréhension. Dieu merci, je ne m’en tirais pas mal à chaque fois! J’y ai même vécu des soirées euphoriques, qui sont restées parmi mes meilleurs souvenirs», rapporte le chanteur.
Salvatore Adamo est en concert au Radiant-Bellevue de Caluire, le samedi 29 novembre à 20h30. Prix des places : 65 €.
Les heures sombres
A la fin des années 1970, début 1980, les nuages s’accumulent au dessus du Palais d’Hiver. Peu à peu, l’activité décline en raison d’une mauvaise gestion et de la concurrence des nouvelles salles de concert. Après le décès de Roger Lamour en 1974, puis la mort de son fils Pierre-Yves Lamour en 1981, la situation empire.
Malgré ces drames, les festivités se poursuivent vaille que vaille quelques années encore avec un West Side Club qui revit et réunit la jeunesse amatrice de décibels. Le Palais devient plus rock sous l’impulsion de Jean-Pierre Pommier, qui reprend un temps les rênes du site.
Mais, accablé par les dettes, le Palais d’Hiver ferme définitivement ses portes fin 1985. Les projets de protection au titre des monuments historiques échouent, et, en 1988, le bâtiment est démoli, mettant définitivement fin à cette grande scène musicale de Lyon et Villeurbanne.
Le Palais d’Hiver est aujourd’hui un immeuble de bureaux, situé au début du boulevard Stalingrad. L’ensemble immobilier a conservé, affiché sur une plaque, le nom du célèbre établissement qui l’avait précédé à cet endroit jusqu’en 1985.
La Palais d’Hiver, 1920-1985, la folle histoire, édité par Le Progrès, 144 pages. En vente 24 €, chez les marchands de journaux et sur la boutique en ligne du journal.