Par

Marie Lamarque

Publié le

26 nov. 2025 à 11h26

Après les « Bons taxi » – ce dispositif qui offre un transport d’urgence aux femmes victimes de violences conjugales – le Département lance un nouveau service, également « unique en France », souligne le président Sébastien Vincini : une brigade de garde mobile. Elle permet à ces femmes de prendre en charge leurs enfants, le temps qu’elles effectuent leurs démarches administratives, comme un dépôt de plainte. Un service assuré sur tout le territoire de la Haute-Garonne, bien que porté par une association toulousaine : L’Enfanfare.
Constance* a quitté son domicile et son conjoint violent il y a six ans. Maman d’un petit garçon qui n’avait que quatre ans et demi à l’époque, elle aurait aimé profiter de ce service. « Il m’aurait permis de reculer d’un an mon départ », explique-t-elle. Pour Actu Toulouse, elle a accepté de témoigner.

« Un jour, je me suis regardée dans la glace »

« Je suis partie parce que j’avais mon fils. La force, je l’ai eue par instinct maternel. Un jour, je me suis regardée dans la glace et je me suis dit : ‘c’est ça que tu veux offrir comme image de l’amour, comme image du couple, comme image de la mère ?’. Ça m’a donné une force pour ouvrir les yeux ».

Avec émotion, Constance* se replonge six ans en arrière. Elle voit en ce service de garde « une bouée de sauvetage« . « Quand on est victime, on a besoin d’aide. On se sent isolé, traqué. On ne sait pas en qui on peut faire confiance. On a trop honte pour en parler à sa famille. Après plusieurs années de vie partagées, on a des amis qui sont communs. Et sans m’en rendre compte, je m’étais isolée moi-même des gens les plus sûrs », souligne-t-elle.

« Cela permet d’agir plus vite »

Se tourner vers une association, « c’est plus facile, on perd moins de temps. Quand on a des enfants, on ne veut pas rajouter du stress au stress ». Constance* s’estime chanceuse. Elle avait pu solliciter « trois amis de confiance qui ont été un relais ».

Avec ce nouveau service, les femmes sauront que leurs enfants restent près d’eux, le temps de cette garde. « Il n’y a pas la peur que le père puisse les retrouver, par exemple. Cela permet aussi d’agir plus vite, de faire constater les blessures avant qu’elles ne disparaissent. »

Un sac équipé pour se tenir prêt

Depuis 2008, L’Enfanfare propose garde et accueil à domicile auprès de familles monoparentales ou en difficulté. En moyenne, elle aide 150 familles et 200 enfants par an.

Laïla, éducatrice spécialisée, fait partie des huit volontaires pour constituer « la petite brigade » comme elle l’appelle. Munie de son sac à dos, elle se tient prête en cas d’intervention.

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire

À l’intérieur, livres, trousse de premiers secours, couverture, peluche, mais aussi des crayons de couleur, de la pâte à modeler… « Des objets qui aident l’enfant à s’exprimer, même s’il ne parle pas », explique l’association toulousaine. « J’ai aussi mes propres outils éducatifs. En fonction de l’âge et du profil de l’enfant, je peux compléter », ajoute Laïla.

Dans le sac d'intervention, différents matériels, comme des crayons de couleur.
Dans le sac d’intervention, différents matériels, comme des crayons de couleur. (©Marie Lamarque / Actu Toulouse)« Créer une bulle » de sécurité pour l’enfant

Pour elle, il ne s’agit pas d’un simple service de garde. Car elle se déplace directement sur le lieu administratif où se rend la victime : un commissariat par exemple. Des espaces généralement peu adaptés pour les enfants. Pour les professionnelles, « qui sont toutes certifiées », insiste L’Enfanfare, tout l’enjeu est de « créer une bulle pour donner un sentiment de sécurité« . « Il faut aider l’enfant à poser des mots sur ce qu’il se passe, l’accompagner, dédramatiser », témoigne Laïla.

Pour profiter du service, les victimes doivent prendre contact avec une assistante sociale d’une Maison des solidarités. Le délai de réponse peut varier de 48 heures à une semaine en fonction du lieu de l’intervention (Toulouse, Toulouse Métropole ou ailleurs dans le département). « On intervient auprès d’enfants de tous âges, avec handicap ou non », précise L’Enfanfare.

Trois féminicides chaque année en Haute-Garonne

L’idée de ces brigades spéciales est née à la suite du rapport dressé par l’observatoire départemental des violences faites aux femmes, crée en 2021. Ses conclusions sont « glaçantes », souligne Sébastien Vincini : en Haute-Garonne, trois féminicides sont commis chaque année et une femme sur six est victime de violences conjugales. « Il faut s’attaquer frontalement à ce fléau. 80% des féminicides sont commis par un conjoint ou ex-conjoint », ajoute le président.

Comme pour les « Bons taxi » qui, en un an et demi, ont assuré 400 transports, Sébastien Vincini redoute le succès de ce nouveau service. Pour un coût de 15 000 euros, cofinancé par le Département et l’État, la brigade de garde mobile est un dispositif pérenne. « Tant qu’il y aura des femmes victimes de violences, il sera maintenu », souligne le président.

*prénom d’emprunt

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.