Que s’est-il passé au 272 avenue de la Californie à Nice, le 6 juin 2022 ? C’est la question que le tribunal correctionnel de Nice a tenté de résoudre hier. Quatre hommes étaient appelés à comparaître pour blanchiment, arrestation, enlèvement et séquestration.

Deux d’entre eux étaient présents : Mohamed Ali Charaabi, vêtu d’un pantalon slim gris et d’une parka noire, comparaissant libre, puis Ben Fredj, lunettes fines chaussées, en détention.

Les faits remontent au début juin 2022. À Marseille, une femme se présente en pleurs dans un commissariat : elle affirme que son mari, Mohamed Ali Charaabi, est séquestré à Nice, au 272 avenue de la Californie.

Obtenir une rançon

Sur son téléphone, une capture montre son conjoint avec une arme sur la tempe. Objectif : obtenir une rançon. Les menaces sont glaçantes : si l’argent n’arrive pas, « on va lui couper les doigts et les envoyer un par un ». La BRI (Brigade de recherche et d’intervention) de Nice se poste devant l’immeuble.

« Mais certains éléments interrogent », note le procureur Fabien Cézanne, évoquant le rapport désignant Monsieur Charaabi au balcon, « fumant et détendu ». Dans le box, Ben Fredj, lui, nie tout lien avec l’affaire ou avec ses co-accusés. Rien ne démontre que mon client est coupable, expose, en substance, Maître Vallier, son conseil.

120 000 euros dérobés à Rome

Rapidement, le tribunal, présidé par Christian Legay, tente de reconstituer les faits, malgré les silences et zones d’ombre. Le président interroge Charaabi : « Vous transportiez des sommes très élevées en Espagne, en Italie et ailleurs en Europe, contre 3 à 4 000 euros par voyage, pour des montants proches de 100 000 euros.  »

Lors d’un dernier déplacement à Rome, 120 000 euros disparaissent de son véhicule. Une perte que la rançon aurait pu venir compenser. « Cela ne vous paraît pas étrange qu’on vous confie de telles sommes ?  », poursuit le président. « Ce dossier, c’est du grand n’importe quoi », a lancé maître Margaux De Cesare, mettant en avant la stabilité de son client Mohamed Ali Charaabi, marié et en CDI.

Ramifications européennes

« À quoi servait cet argent ?  » questionne encore le ministère public. Financer un mariage, une greffe de cheveux, comme l’ont affirmé certains ? Le parquet rappelle qu’il s’agit là « d’un fragment de l’économie souterraine », d’« une criminalité silencieuse » circulant entre l’Italie, les Pays-Bas et l’Espagne, pays clés du trafic de stupéfiants.

Le tribunal a finalement relaxé les prévenus pour la séquestration et les a déclarés coupables de blanchiment d’argent, suivant les réquisitions du procureur. Ils ont été condamnés à des peines jusqu’à 4 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende avec interdiction définitive du territoire français pour trois d’entre eux.