Les Britanniques n’échapperont pas à des hausses d’impôts. La ministre des Finances, Rachel Reeves, l’a confirmé ce mercredi en présentant le budget du Royaume-Uni devant les députés de la Chambre des communes. Comme attendu, le texte contient son lot de nouvelles taxes, dont les effets ne se ressentiront toutefois pas immédiatement mais au fil du temps, a prévenu le Bureau de la responsabilité budgétaire (OBR), l’organisme britannique chargé de la surveillance des finances publiques.
Ces hausses d’impôts sont censées rapporter 26,1 milliards de livres (29,8 milliards d’euros) par an d’ici à la fin de la mandature, à cheval sur 2029-2030, puis 29,8 milliards de livres (34 milliards d’euros) en 2030-2031. Les recettes fiscales atteindraient alors un record, passant de 34,7 % du PIB sur l’exercice actuel 2024-2025 à un pic de 38,3 % du PIB en 2030-2031. Dans le même temps, les dépenses supplémentaires représenteront un coût annuel de presque 12 milliards de livres (plus de 13 milliards d’euros).
« Ce sont mes choix : ni austérité, ni endettement, ni aveuglement face à l’injustice », a défendu la Chancelière de l’Échiquier – titre officiel du ministre des Finances Outre-Manche.
Taxes à foison
S’il n’y aura pas de hausse de l’impôt sur le revenu – l’exécutif britannique y a renoncé pour ne pas rompre avec l’une de ses promesses de campagne – les seuils de cet impôt resteront gelés au-delà de 2028. Mise en place par les conservateurs sous la précédente majorité, cette mesure est vue par certains comme une taxe déguisée, car elle fait payer davantage ceux dont le salaire augmente et franchit une tranche supérieure. Elle devrait en tout cas renflouer les finances britanniques à hauteur de 12,7 milliards de livres (14,5 milliards d’euros) en 2030/2031.
Parmi les nouveautés : un supplément de taxe d’habitation à partir d’avril 2028 pour les habitations de luxe – celles d’une valeur supérieure à deux millions de livres (2,3 millions d’euros) – qui devrait rapporter 400 millions de livres par an. Et une taxe sur les voitures électriques et hybrides rechargeables : les conducteurs seront soumis à une contribution, fixée à 3 pence par mile pour les électriques (soit presque trois centimes d’euros par kilomètre). Elle doit aussi entrer en vigueur en avril 2028 et représenter 1,4 milliard de livres de recettes.
En parallèle, le gouvernement va renforcer certaines taxes déjà en place. Il prévoit ainsi d’augmenter celles sur les jeux d’argent, pour faire rentrer environ 1,1 milliard de livres d’ici 2029-2030 dans les caisses de l’État, et celles sur l’alcool en ligne. Le taux d’imposition des dividendes va être relevé de deux points de pourcentage à partir d’avril 2026, passant à 10,75% pour le taux d’imposition de base et à 35,75% pour les taux d’imposition plus élevés.
Enfin, le gouvernement a opté pour le statu quo concernant les taxes sur les carburants. Comme ses prédécesseurs depuis 2011, Rachel Reeves a choisi de les maintenir à leur niveau actuel, redoutant d’attiser le mécontentement des Britanniques en cas de hausse. Elles rapportent actuellement quelque 25 milliards de livres par an aux finances publiques.
Mesures sociales
Puisque la Chancelière de l’Échiquier a promis un budget conforme aux valeurs sociales du parti travailliste, Rachel Reeves y a aussi inclus des mesures en faveur du pouvoir d’achat.
La plus importante : la suppression, dès avril 2026, du plafond de deux enfants pour toucher les allocations familiales. Instauré par le gouvernement conservateur en 2017, il est responsable, selon les travaillistes, d’avoir fait augmenter la pauvreté infantile. D’où la volonté de le rayer de la liste, même s’il en coûtera 3 milliards de livres aux finances publiques d’ici à 2029-2030.
Comme précédemment annoncé, les pensions de retraite et le salaire minimum vont bien être augmentés au-dessus du niveau de l’inflation. S’agissant du salaire minimum, il passera de 12,21 à 12,71 livres de l’heure à partir d’avril 2026 pour les plus de 21 ans, soit 2,4 millions de personnes concernées.
D’autres mesures, telles que le gel des tarifs ferroviaires et des frais de prescription ou l’allègement de contributions payées sur les factures énergétiques, se révèlent plus symboliques que franchement impactantes pour les ménages britanniques. Elles ont surtout pour but d’appuyer le caractère social de ce budget et du gouvernement de Keir Starmer, malmené dans les sondages alors que les prochaines élections locales se profilent dans un an.
La faute au Brexit
À l’image de la France, dont le projet de budget est en cours d’examen, le gouvernement britannique n’a d’autre choix que de chercher des économies et recettes supplémentaires pour remettre le pays sur la trajectoire de l’équilibre budgétaire et de la croissance. L’économie du Royaume-Uni cumule croissance faible (+ 0,1 % au troisième trimestre) et inflation élevée (3,6 % en octobre), qui nourrissent le déficit et la dette publique, gravitant respectivement autour de 5 % et 95 % du PIB.
Une réalité dont les travaillistes, arrivés au pouvoir en juillet 2024, estiment avoir hérité des précédents gouvernements conservateurs. La ministre britannique des Finances a encore blâmé ce mercredi les « décisions néfastes » de ses prédécesseurs, à la tête du pays pendant 14 ans avant le retour des travaillistes. Rachel Reeves a aussi pointé du doigt « l’héritage du Brexit et de la pandémie », alors que jusqu’à très récemment le parti évitait toute allusion au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne pour ne froisser personne.
Quelles que soient les raisons, les travaillistes peinent en tout cas à redresser la barre depuis plus d’un an. Le durcissement fiscal du précédent budget et premier sous l’ère de Keir Starmer – 40 milliards de hausses d’impôts, dont 25 concernant les entreprises – n’a pas produit les effets escomptés. Reste à voir désormais l’impact de celui à venir.