Un casse-tête pour ceux qui veillent à la conservation du château et devront s’accommoder des contraintes, mais aussi une source d’inspiration. Ce sont les aléas de cette « vie quotidienne » liée à l’accueil…
Un casse-tête pour ceux qui veillent à la conservation du château et devront s’accommoder des contraintes, mais aussi une source d’inspiration. Ce sont les aléas de cette « vie quotidienne » liée à l’accueil du public, à la restauration, à l’intégration des normes qui ont fait émerger l’idée de la nouvelle exposition « Projets et merveilles – Architecture et dessin d’architecte (vers 1820–1920)» proposée par le château de Pau, explique Paul Mironneau.

Le château de Pau a aussi été transfiguré par les artistes.
Pernot François Alexandre (1793-1865)
La rédaction vous conseille
Bernard Arbus, le passeur d’âme
Le pianiste et conférencier installé en vallée d’Ossau ressuscite la musique de compositeurs oubliés et joue de toute la gamme pour montrer son importance dans la religion, la peinture… et le cerveau.
Il en est l’un des trois commissaires, avec Rachel Boustta, cheffe du service maintenance et travaux du Musée national et domaine du château de Pau et Claude Menges-Mironneau, conservatrice des Antiquités et Objets d’art des Pyrénées-Atlantiques, et chargée de mission au Musée national et domaine du château de Pau.
« Une histoire culturelle »
Depuis le samedi 22 novembre et jusqu’au dimanche 22 février 2026, cette exposition éclaire le travail des architectes, envoyés au chevet du château de Pau pour le restaurer. La visite de Napoléon Ier en 1808 dans ce château délabré, marquera le coup d’envoi des restaurations, dont l’exposition replace les projets dans un contexte plus large. Il mêle message et symbolique politiques, sociologie de la ville de Pau, impératifs économiques, évolution critique de l’histoire, encadrement plus rigoureux et scientifique de la restauration, et même tendances de la mode architecturale… « C’est une histoire culturelle, une histoire de la sensibilité », résume Paul Mironneau, qui insiste : « L’architecture est un moyen de faire passer un sens ! »

Pour Louis-Philippe, le château de Pau devait affirmer son lien direct avec les Bourbons.
Jean-Yves Chermeux/Buste de Louis-Philippe, d’après Jean-Jacques, dit James, Pradier
Les bustes de Louis-Philippe et de Napoléon III illustrent ses propos. Le premier voulait affirmer qu’il descendait en ligne directe d’Henri IV, et le château de Pau devenait un objet de propagande. La proximité avec l’Espagne lui permettait ainsi « de montrer sa politique extérieure dynamique », continue Paul Mironneau. Durant le règne du second, des travaux spectaculaires continuent.
Escalier à double révolution
Au fil des ans et des remous politiques, des architectes bardés de prix se succèdent avec des projets plus ou moins « délirants », avant que ne s’instaure une « approche plus conservatoire au XXe et XXIe siècle ». Les trois commissaires de l’exposition ont sorti des dessins d’architectes des archives, et les ont confrontés à ceux d’amateurs et d’artistes. « Projets et merveilles » se déploie aussi en volume, avec des moulages de chapiteaux, réalisés en plâtre et résine entre 1820 et 1870, à partir de dessins.
Ces objets et dessins racontent de quelle façon « les architectes sur le terrain se sont confrontés à la réalité… Celle qu’ils voient ou celle qu’ils voulaient voir », démontrant qu’aucune représentation n’est neutre. Les uns sont traversés par l’influence romantique du « château mystérieux », d’autres par une volonté de mise en ordre et de lisibilité du bâti. Ce dessin de 1824, par exemple, de la main d’un architecte auréolé du Grand prix de Rome. Venu à Pau également en 1808 et 1920, ce passionné d’architecture italienne avait pour projet de donner au château de Pau des allures de Palais-villa florentin, avec entrée majestueuse et colonnades. Sur son dessin, le donjon a disparu. « Dynamité ! » Le coût pharaonique du chantier a permis au château d’échapper à cette catastrophe.

Un escalier à double révolution dans ce projet de restauration de la façade ouest…
Jean-Yves Chermeux/(Aquarelle sur papier calque Dépôt de la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie au Musée national et domaine du château de Pau)
Dans un autre dessin, l’entrée du côté ouest était métamorphosée : elle proposait un monumental escalier à double révolution, et une niche pour accueillir une statue, ou bien une fontaine. Le but était d’orienter la vue vers la partie boisée du domaine. Là, c’est la transformation de Pau en lieu chic de villégiature des Anglais qui a eu raison de ce projet : le point de vue avait changé, et regarder vers la ville devenait tendance.
« Une vie de chantier »
L’un des architectes s’affiche en peinture : Vincent Latapie, l’enfant du Pays, natif de Jurançon, « qui a survécu un peu à tous les régimes… » Tout dans son portrait est symbolique depuis son tire-ligne à la main droite, jusqu’à la vue du château de Pau après restauration, en passant évidemment par le carnet où il a croqué le château « avant restauration »…
L’une des plus emblématique est celle du portique d’entrée, érigé en 1862 après la démolition de « l’aile de la Chancellerie des rois de Navarre ». C’est aussi « une vie de chantier » que l’exposition met au jour : Rachel Boustta a ainsi retrouvé les factures de pharmacie des ouvriers blessés sur ce chantier.
Les différents travaux sont passés au tamis de l’évolution historique. Raymond Ritter, qui incarne « l’expression de l’histoire critique du XXe siècle » n’hésite pas à parler de « vandalisme ! » lorsqu’il juge certains d’entre eux. Et dans son beau livre à visée populaire intitulé « Le château de Pau. Histoire et description sur les travaux du château de Pau », publié à la fin de la période charnière du XIXe siècle, l’architecte Auguste Lafollys se désole : « Henri IV aurait beaucoup de mal à reconnaître sa chambre s’il revenait… »
La restauration se veut aujourd’hui « plus participative », soucieuse du « dialogue avec les visiteurs, les partenaires, l’environnement ». Un élément demeure immuable: le château reste indissociable de Pau. « Quand on touche une ardoise, on touche à la ville… » exagère à peine Paul Mironneau. Il y a parfois de quoi en faire… toute une histoire.
Pratique
Exposition « Projets et merveilles, Architecture & dessin au château de Pau (vers 1820-1920) » depuis le 22 novembre 2025 au 22 février 2026 au Musée national et domaine du château de Pau. Tous les jours de 9 h 30 à 11 h 45 et de 14 heures à 17 heures. Gratuit. Peut être visitée indépendamment de la visite avec un billet spécifique.
Pau Béarn Habitat est partenaire de cette exposition.
Visite libre du château et de l’exposition. La présentation succincte de l’exposition fait suite au parcours de visite commentée des collections permanentes (sans supplément tarifaire), la visite en autonomie est ensuite possible. Tarif : 7 euros en plein tarif.
« Zoom sur » : vendredi 28 novembre : dessins d’architectes, destin d’architecte : Joseph Auguste Lafollye. Présenté par la bibliothécaire du Musée national et domaine du château de Pau et la commissaire de l’exposition.
Un regard sur l’exposition : lundi 1er décembre et jeudi 11 décembre : « Projets et Merveilles ». Une approche détaillée de l’exposition avec une conférencière du Grand Palais – RMN.
Visite à deux voix : vendredi 12 décembre, vendredi 9 janvier 2026 et vendredi 6 février 2026 : Des architectes pour un château ! Mise en regard des œuvres et des livres présentés par la bibliothécaire et la conférencière Grand Palais-Rmn.
Les mercredis de l’exposition : mercredi 21 janvier 2026 : Le Château de Pau et le rêve des architectes au XIXe siècle.
Mercredi 18 février 2026 : Le goût ou la folie du château de Pau chez les artistes et les amateurs de la fin du XVIIIe au XIXe siècle. Visite privilège accompagnée des commissaires de l’exposition.
