Sur le mur des services municipaux, une première plaque en mémoire de la victime.

Sur le mur des services municipaux, une première plaque en mémoire de la victime.

Y.D.

Ce mardi 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, la mairie de Cenon a organisé un rassemblement solennel dans son tout nouveau parc jouxtant l’hôtel de ville. Au sommet de l’espace de détente et de jeux, au sommet d’une stèle d’acier et sous un olivier, une photo et ces mots : « En mémoire de Nasrine, mère de trois enfants, agente municipale engagée dans le service public. Victime d’un féminicide le 9 janvier 2025. » Ses trois enfants sont là en cette fin d’après-midi, accompagnés par les deux sœurs de la défunte.

Près de 200 personnes ont assisté à la cérémonie.

Près de 200 personnes ont assisté à la cérémonie.

Y.D.

« Nous devrions être des milliers ici ! »

« Nous viendrons chaque 25 novembre nous recueillir ici », annonce le maire Jean-François Égron. « Pour se souvenir de Nasrine, de ce féminicide, expression la plus tragique des violences faites aux femmes. » Lui et Naïma Charaï, directrice de l’Apafed, association qui protège et accompagne des femmes victimes, via notamment des hébergements à Cenon, rappellent les 152 féminicides recensés depuis le début de l’année en France. La présidente du collectif, Catherine Abeloos, finit de sidérer encore et toujours en citant les 906 femmes qui se sont suicidées ou ont tenté de se suicider en 2024 à la suite de harcèlement et violences conjugales.

Le dévoilement de la plaque à la mémoire de Nasrine Bensalem s’est déroulé ce mardi en fin d’après-midi.

Le dévoilement de la plaque à la mémoire de Nasrine Bensalem s’est déroulé ce mardi en fin d’après-midi.

YD.

Près de 200 personnes sont venues dans le froid venteux. Bernadette Bonnac-Hude, présidente du Centre information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) lit un extrait de « La nuit au cœur », prix Fémina au début du mois pour Nathacha Appanah, victime elle aussi. « Nasrine, Nelly, Luciana ou Mélina sont mortes parce qu’elles étaient femmes », tonne Naïma Charaï, en référence aux victimes girondines de féminicides en 2025. « Le patriarcat fabrique et reproduit ces violences. Nous devrions être des milliers ce soir ! » Et de réclamer une loi-cadre comme l’Espagne s’en est dotée et qui a fait reculer depuis les féminicides de 25 %. En amont du dévoilement de la plaque, plus d’une centaine d’agents municipaux ont assisté à une formation sur le thème dans l’Espace Simone-Signoret voisin.

Le collage sur le pôle administratif municipal de Cenon, présent depuis près d’un an.

Le collage sur le pôle administratif municipal de Cenon, présent depuis près d’un an.

Y.D.

Se souvenir des belles choses

Le soir, dans cette même salle, six femmes adhérentes du centre social de la Colline sont au cœur d’un « banquet radiophonique » concocté par la journaliste-cuisinière Stéphanie Labadie de La bouche à l’oreille. « Des femmes aux vies compliquées », résume celle qui leur a demandé de confier un souvenir de bonheur. Montage, habillage musical et un plat en lien avec chaque témoin. « J’ai raconté ma première nuit de garde en tant que sage-femme titulaire dans une maternité rurale en Algérie », dit Sara Bouregaa. « Beaucoup de pression, un cas délicat et finalement tout s’est bien passé. »

Sara Bouregaa et Kaltouma Skouri avec Stéphanie Labadie et Justine Lafaye (conseillère en économie sociale et familiale).

Sara Bouregaa et Kaltouma Skouri avec Stéphanie Labadie et Justine Lafaye (conseillère en économie sociale et familiale).

Y.D.

Souffrant du déracinement « mais très heureuse avec mon mari et mes enfants », elle dit avoir trouvé au centre social « la chaleur d’une famille ». Même expression chez Kaltouma Skouri, au passé plus sombre. « J’aurais pu mourir comme Nasrine », dit-elle, racontant le couteau sous la gorge que lui a mis son mari. À Cenon depuis deux ans, elle revit et respire. « J’ai parlé de la naissance de ma fille en 1995, qui m’a donné un but après quatre ans d’isolement complet. » Ce dernier est aujourd’hui brisé.