Par
Lucas Farcy
Publié le
26 nov. 2025 à 20h50
« Nous voulons devenir une référence dans la restauration ». Quand nous avions rencontré William Goos en avril 2025, il affichait des ambitions débordantes pour les deux restaurants qu’il avait ouverts avec sa compagne Cassandra Goos à Eu et au Tréport, en Seine-Maritime. Six mois plus tard, ces ambitions tombent à l’eau, après la liquidation judiciaire des deux restaurants, prononcée le 21 novembre 2025 par le tribunal de commerce de Dieppe. Des fermetures qui interrogent.
En moins d’un an, ce qui aurait pu être une success story se transforme en désastre commercial, avec des salaires, des loyers ou des fournisseurs qui sont à ce jour impayés, selon plusieurs témoins que nous avons pu interroger. Quatre personnes qui ont été en lien avec le restaurant Objectif burger à Eu ou Objectif Moules frites au Tréport et qui préfèrent rester anonymes, une procédure étant encore en cours autour de la fermeture des deux établissements.
« Nous avons le droit d’être en liquidation judiciaire »
« Nous avons tenté, ça n’a pas marché. Maintenant, des lois existent, nous avons le droit d’être en liquidation judiciaire. Nous avions d’ailleurs demandé un redressement, mais ça n’a pas été possible », justifie William Goos.
Pour sa compagne Cassandra Goos, dirigeante de l’entreprise, la fermeture des restaurants est liée à « plusieurs employés qui se sont mis en arrêt maladie en même temps. Je ne pouvais plus exploiter. On préfère donc arrêter ». Le couple met aussi en avant un contexte économique difficile, des retombées liées au chantier de l’EPR qui ne viennent pas. « Personne ne nous a aidés. Et nous avons peut-être trop fait confiance à nos employés », regrette Cassandra Goos, tandis que son mari explique « avoir voulu faire quelque chose, créer du business. On a pris des risques, c’est facile de jeter la pierre à ceux qui essayent ».
Un tout autre son de cloche se fait entendre de la part de ceux qui ont été en lien avec les restaurants, à Eu ou au Tréport : « J’avais confiance en eux, mais c’est un beau parleur » estime Pierre*. « Ils ont eu trop d’ambitions », dit de son côté Aurélie*, tandis que Mélanie*, qui dit avoir « vécu un enfer », estime tout de même que « cela aurait pu être un bon concept, mais il a été élaboré par les mauvaises personnes ».
Des décisions qui interrogent
La fermeture des restaurants Objectif est-elle une conséquence malheureuse de l’aventure entrepreneuriale ou une fuite en avant délibérée, comme l’estiment plusieurs témoins ? A posteriori, certaines décisions interrogent : Alors que deux restaurants existaient au départ à Eu et au Tréport, les deux affaires ont d’abord été regroupées dans la cité portuaire. Le 27 septembre, c’est un troisième restaurant qui a été ouvert à Dieppe, dans le centre commercial du Belvédère – lui aussi placé en liquidation judiciaire. À cette date pourtant, les difficultés étaient déjà visibles, estiment les employés : « il y avait des retards de salaires et il y a aussi des fournisseurs qui venaient pour réclamer des produits qui n’avaient pas été payés », explique Aurélie. Mélanie met en avant les conditions de travail difficiles : « nous avons travaillé dans des conditions qui étaient parfois insalubres, les pieds dans l’eau à cause de fuites. Nous avons plusieurs fois été honteux de servir de telles choses aux clients ». Et toutes deux expliquent avoir dû travailler en sous-effectif ou faire des horaires conséquents. « Il y a encore énormément de choses à dire, on pourrait écrire un livre », conclut Mélanie.

À Eu, le restaurant est fermé depuis plusieurs mois. ©Lucas Farcy
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Des conditions de travail bien loin de ce qu’affichaient William et Cassandra Goos au mois d’avril, qui disaient vouloir mettre en avant le volet social de leur affaire, en proposant des emplois à des personnes en situation de précarité. En mars, ils avaient même accueilli plusieurs restaurateurs du secteur dans le cadre d’un déjeuner mis en place par France travail, pour permettre à des cuisiniers ou des serveurs de rencontrer leurs futurs employeurs. Le couple glissait alors un conseil dans nos colonnes : « pour garder nos employés, nous travaillons sur l’amélioration des conditions de travail ».
« On dort sur nos deux oreilles »
Aujourd’hui, les salariés de l’entreprise Objectif demandent leur dernier mois de salaire. « Il sera réglé dans le cadre de la liquidation judiciaire », assure William Goos. Certains expliquent par ailleurs ne pas avoir été payés de leurs heures supplémentaires, ou ne pas avoir touché de primes auxquelles ils avaient droit.
« Nous sommes sereins, on dort sur nos deux oreilles », assure malgré tout William Goos. « Nous ne leur devons pas grand-chose et ça va être réglé par les assurances. Nous avons pris des risques, je trouve ça facile de jeter la pierre à des gens qui ont fait les choses bien ».
La suite de ce redressement pourrait se régler dans les semaines qui viennent devant le conseil des prud’hommes. Aujourd’hui, le couple dit être « totalement dégoûté » de l’entrepreneuriat : « Je ne prendrai plus d’employés », affirme Cassandra Goos. Ainsi ne devraient-ils pas relancer d’affaires ailleurs en France, une éventualité qui inquiète ceux qui estiment avoir été bernés dans cette histoire.
*Les prénoms ont été changés
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