Se lever plus tard, c’est vraiment mieux pour les jeunes. Et ce n’est pas votre ado qui le dit pour tenter de lézarder dans son lit, mais la science et même la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Organisée par le CESE, elle a rendu ses conclusions après six mois de travail. Plus de 130 citoyens tirés au sort ont planché sur une question simple : comment mieux organiser les temps de vie des enfants pour favoriser leurs apprentissages, leur développement et leur santé ?
Parmi les vingt propositions validées, une a retenu l’attention : décaler le début des cours à 9 heures pour les adolescents, tout en passant à cinq jours d’école « pleins » par semaine dès l’élémentaire, avec des matinées dédiées aux matières théoriques et des après-midi plus légers tournés vers des activités pratiques, culturelles et sportives.
L’horloge biologique de l’adolescent est décalée contrairement aux adultes
Une idée qui ne sort pas de nulle part et qui trouve un écho très clair chez les spécialistes du sommeil. 20 Minutes a interrogé Jacques Taillard, ingénieur de recherches au CNRS, chronobiologiste et spécialiste du sommeil à l’université de Bordeaux, qui salue la proposition.
« À partir de l’adolescence, et jusqu’à 21-22 ans, l’horloge biologique se décale dans la soirée. L’ouverture du sommeil se fait plus tard. Le sommeil est retardé. À 22 heures, la porte du sommeil n’est pas ouverte. L’adolescent se couche plus tard, vers 23 heures en moyenne, donc de ce fait, il se réveille plus tard », explique en premier lieu le spécialiste pour comprendre cette différence avec le sommeil adulte. « Manque de chance, il a des contraintes sociales : aller à l’école tôt. À cela s’ajoute un réveil encore plus tôt s’il y a des transports à prendre. Certains se lèvent à 6 heures. Les nuits sont courtes, vous ne lui permettez pas de dormir. »
Dette chronique de sommeil, risque pour la santé physique et mentale et impact sur le métabolisme
Résultat ? Une dette chronique de sommeil qui s’installe dès le lundi et empire jusqu’au vendredi. « Au bout du 5e jour, on est fatalement moins bon, moins concentré… », explique Jacques Taillard. Et les conséquences ne sont pas que scolaires : « La santé physique est également impactée avec un possible système immunitaire plus faible. La santé mentale aussi, avec un risque de dépression par manque de sommeil. Enfin, le métabolisme : moins vous dormez, plus vous avez envie de manger et ça ne se projette pas sur des légumes verts mais sur du gras. » Vos envies de fast-food à une heure du matin ont une explication scientifique : la fatigue.
Le besoin de sommeil n’est pourtant pas négociable à cet âge. « L’enfant a besoin de 8-10 heures de sommeil, l’ado, lui, de 10-11 heures. » Or, commencer à 8 heures ou 8h30 rend presque impossible d’atteindre ce quota quand on sait que l’ado ne s’endort naturellement pas avant 23 heures.
« Le sommeil est le moment où il va consolider ce qu’il a appris durant sa journée », rappelle le chercheur. « Le sommeil est une chose primordiale chez les jeunes. » Et d’ajouter : « Il faudrait retarder l’heure du début de l’école même jusqu’à l’université d’une heure. » Ce que propose la convention citoyenne (mais pas pour les étudiants).
« Ils montrent une performance scolaire améliorée, moins d’absentéisme et moins d’accidents »
Décaler après 9 heures, « c’est hyper bien », tranche Jacques Taillard, qui cite l’exemple de certains États américains qui l’ont déjà fait. « Avec du recul, ils montrent une performance scolaire améliorée, moins d’absentéisme et moins d’accidents physiques liés au sport notamment. »
Bien sûr, changer les horaires, c’est toucher à une « grosse machine ». « Comment vont s’adapter les transports par exemple ? », s’interroge le spécialiste, lucide. Mais pour lui, l’équation est claire : « Il faut que les enfants, les adolescents mais aussi les jeunes adultes aient une durée de sommeil égale à leur journée. C’est important si on veut que les jeunes soient performants. Il faut qu’ils aient assez dormi pour ne pas avoir de difficulté dans des tâches cognitives. »
La proposition de la Convention citoyenne de commencer à 9 heures pour les ados apparaît donc comme une mesure de bon sens scientifique. Reste à savoir si les collectivités, les transports et les parents seront prêts à faire bouger la machine pour enfin laisser les ados… dormir.