Avec Je n’avais que le néant – “Shoah” par Lanzmann, Guillaume Ribot signe un documentaire immersif qui revisite l’élaboration titanesque de Shoah, le film-monument de Claude Lanzmann. À partir de 220 heures de rushes inédits et des mémoires du cinéaste, Ribot remonte le fil d’une enquête de douze ans, faite d’errances, de doutes, de confrontations et de vérités arrachées au silence.
Présenté hors compétition à la Berlinale, ce troisième long-métrage du réalisateur-photographe dévoile les coulisses d’une œuvre fondatrice de la mémoire de la Shoah, et révèle un Lanzmann en quête obsessionnelle de témoignages, sillonnant le monde entre 1976 et 1981 pour faire surgir la vérité là où ne demeurait que le néant. À travers un récit aux allures de road-movie archivistique, Ribot éclaire le geste artistique, moral et politique derrière l’un des documentaires les plus importants de l’histoire du cinéma.
Les avis des critiques
Philippe Azoury : « Ce film est presque impossible à commenter : on s’y plonge plus qu’on ne l’analyse, en se retrouvant à la place de Lanzmann, face à un travail jugé impossible dans les années 70 et mené pourtant durant douze années d’acharnement. Le documentaire montre ce que Shoah ne montrait pas : la difficulté de trouver une forme, l’indifférence initiale des institutions, les échecs, les refus, et la nécessité de ruser pour approcher d’anciens nazis. On comprend comment Lanzmann finit par réaliser que le seul film possible est la confrontation directe avec l’impensable. Ce film agit comme une préface au monument de neuf heures et demie qu’est Shoah : une immersion dans la genèse, les doutes et les ruses, sans poser plus de questions théoriques que celle, centrale, de filmer contre son sujet. Depuis que je l’ai vu, je repense sans cesse à cette phrase de Lanzmann « je voulais tuer avec la caméra » difficile à assumer du point de vue déontologique, mais compréhensible face à la banalité et à l’effacement des criminels. »
Charlotte Garson : « Je trouve ce documentaire finalement pédagogique, même si la voix-off à la première personne, tirée de Lanzmann, m’a d’abord dérouté. Pour moi, c’est une bonne introduction à Shoah, presque une préface. Il rappelle bien pourquoi Lanzmann refusait toute reconstitution ou archives : l’entreprise nazie ayant détruit les preuves, il fallait retrouver l’histoire dans les lieux effacés et les témoignages vivants. Le film montre aussi le côté romanesque de l’enquête face à la falsification nazie. Même si la dimension monumentale que Lanzmann se construit n’est pas questionnée, le documentaire met en valeur ces rushes longtemps oubliés, qui constituent un véritable monument historiographique. »
Claude Lanzmann tient en main une pancarte indiquant le village de Sobibor, lieu où fut construit un des centres de mise à mort de l’opération Reinhardt. Sobibor, Pologne, 1979. – © USHMM et YAD VASHEM – Collection SHOAH de Claude Lanzmann Extrait sonore
- Bande annonce de Je n’avais que le néant – Shoah par Lanzmann de Guillaume Ribot
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- Je n’avais que le néant – Shoah par Lanzmann de Guillaume Ribot en salle mercredi 26 novembre 2025, disponible également sur arte.tv, et diffusion le mercredi 26 novembre à 22:35 sur Arte
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