BERTRAND GUAY / AFP
Mathilde Panot à Aubervilliers le 23 novembre 2025.
EN BREF • Comme chaque groupe parlementaire durant l’année, la France insoumise maîtrise l’ordre du jour de l’Assemblée à l’occasion de sa niche parlementaire
• Le groupe présidé par Mathilde Panot va défendre la nationalisation d’ArcelorMittal (qui met le RN en colère), la gratuité des parkings hospitaliers ou des mesures pour les Outre-mer.
• Les thèmes défendus par les insoumis dessinent un embryon de programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon.
Comme un avant-goût de campagne électorale. Les thèmes retenus par La France insoumise pour sa niche parlementaire donnent à voir les sujets sur lesquels entend particulièrement insister le mouvement de gauche radicale. Un an après avoir choisi de mettre en débat l’abrogation de la réforme des retraites (qui n’a pas pu aboutir), force est de constater que la question sociale occupe toujours le haut de la pile. Seront ainsi examinées la nationalisation d’ArcelorMittal, la gratuité des parkings des hôpitaux publics ou encore la défiscalisation des pensions alimentaires.
Ce jeudi 27 novembre, de 9h à minuit, les insoumis donnent le tempo à l’Assemblée et espèrent décrocher plusieurs victoires. « Nous voulons faire rentrer les revendications et les mobilisations populaires à l’intérieur de l’hémicycle », a explicité la présidente du groupe, Mathilde Panot, devant les journalistes parlementaires le 26 novembre.
La journée commencera par une proposition de résolution (un type de texte qui n’a pas de valeur contraignante) contre le traité du Mercosur alors que de nombreux agriculteurs français redoutent une concurrence déloyale accrue avec l’Amérique du Sud. Des craintes ravivées par de récents propos d’Emmanuel Macron qui a semblé ouvrir la porte à une signature de la France. Le 6 novembre, depuis le Brésil où il a assisté à la COP30, le chef de l’État s’est dit « plutôt positif » à l’idée de conclure l’accord avec les pays du Mercosur semblant contredire tout ce qu’il avait promis jusque-là. « Macron est prêt à se coucher devant la Commission européenne, peste Mathilde Panot. Il nous semble donc important qu’il y ait un signal de l’Assemblée nationale. »
Mélenchon vise les outre-mer
Viendra ensuite un texte visant à « garantir l’égalité d’accès au service postal » en outre-mer. Selon l’Autorité de la concurrence, la vie y est en moyenne de 19 % à 38 % plus chère que dans l’Hexagone. Mais sur l’envoi de colis postaux c’est encore pire et les insoumis dénoncent « une discrimination tarifaire » : les habitants ultramarins payent une surtaxe de plusieurs dizaines d’euros dès lors que le poids de leur envoi dépasse 100 g.
« On voulait un texte sur les outre-mer », assume Mathilde Panot dont le groupe compte dans ses rangs trois députés ultramarins. Les territoires d’outre-mer sont une cible privilégiée de Jean-Luc Mélenchon, qui disait en 2022 vouloir en faire « les avant-postes du progrès humain ». Alors candidat à l’élection présidentielle, il y avait réalisé parmi ses meilleurs scores au premier tour, réunissant par exemple 56 % des voix en Guadeloupe et 53 % en Martinique.
Des salariés d’ArcelorMittal en tribune
Autre sujet, même volonté d’en faire une priorité : la nationalisation d’ArcelorMittal. Les insoumis veulent « pérenniser l’activité » de ce géant de l’acier qui prévoit plus de 600 suppressions d’emplois en France. « 15 000 emplois directs et 80 000 emplois indirects sont en jeu, détaille Mathilde Panot. C’est l’avenir de plein de familles, mais aussi de presque tous les emplois industriels en France, qui se joue. Sans production d’acier, sans décarbonation, sans investissement dans les usines, l’ensemble de notre souveraineté industrielle disparaît. »
Sa collègue Aurélie Trouvé a embrayé sur BFMTV : « La nationalisation est le seul moyen aujourd’hui de sauver ArcelorMittal et la production d’acier en France ». Plusieurs centaines de salariés d’ArcelorMittal ont prévu de faire le déplacement jusqu’à Paris, d’abord lors d’une manifestation organisée à 11h aux abords de l’Assemblée ; certains seront même en tribune pour assister au débat.
Sur ce texte, le Rassemblement national assume d’avoir déposé un nombre important d’amendements pour ralentir les débats. « Face aux salariés présents en tribune, j’espère qu’ils auront honte et qu’ils retireront leurs amendements, peste Mathilde Panot. Ce sont définitivement les ennemis des travailleurs ». Le député RN Jean-Philippe Tanguy confirme vouloir « donner une bonne leçon à LFI qui se croit tout permis ». « On pourrit votre niche parlementaire », attaque aussi son collègue Matthias Renault. Jean-Luc Mélenchon a répliqué : « Ils refusent de sauver l’emploi pour ne pas faire peur au patron. C’est la ligne de Bardella qui fait du RN un parti du grand patronat ».
L’abrogation de la loi Duplomb a été retirée
Ce débat sur ArcelorMittal promet d’être électrique, alors que le gouvernement ne veut pas entendre parler de nationalisation. « Je ne vais pas nationaliser ArcelorMittal, parce que ce serait dépenser des milliards d’euros », avait prévenu Emmanuel Macron lors d’une émission face à Sophie Binet en mai. Ajoutant : « La réponse, ça n’est pas nationaliser mais avoir des garanties de développement ». Toute la gauche devrait en tout cas se retrouver autour de la proposition LFI. Mathilde Panot assure déjà que son groupe ne fera pas l’impasse sur le texte, quelle que soit l’avancée des débats. « C’est impossible qu’on retire ce texte, c’est une revendication tellement forte ».
En revanche, l’abrogation de la loi Duplomb, qui est une exigence notamment de militants écologistes, a été retirée de l’ordre du jour. Le centre, la droite et l’extrême droite l’ayant « vidé de sa substance » en commission selon LFI, en lui faisant dire « exactement le contraire de ce qu’on défendait ». Le texte avait réuni contre lui plus de 2 millions de signatures sur le site de l’Assemblée cet été et provoqué un vif débat autour de l’exposition à certaines substances jugées dangereuses voire cancérigènes comme l’acétamipride. « Mais c’est un combat qu’on continuera à mener », rassure Mathilde Panot.
Mises bout à bout, ces mesures esquissent presque un programme présidentiel. On pourrait rajouter la suppression de la CSG pour les apprentis ou encore la demande « de respect du droit international » à Gaza, qui n’ont aucune chance d’être examinées puisqu’elles ont été placées en fin de niche. Cinq textes (sur huit) ont été adoptés en commission. Ce qui fait dire aux insoumis qu’ils pourront, sauf retournement de dernière minute, se prévaloir de quelques victoires dans l’hémicycle.