Tousser est un acte banal que nous répétons plusieurs fois par jour lorsque nos voies respiratoires sont irritées. Jean-Marc, Alsacien de 65 ans, a commencé à s’inquiéter lorsqu’en juin 2023, il a pris de sévères quintes de toux qui ne passaient pas. Sportif de nature, il se retrouve inhabituellement essoufflé après des randonnées et des sorties à vélo. Il consulte son médecin, qui lui fait passer un scanner permettant de découvrir un épanchement pleural (une accumulation de liquide dans les poumons) puis une IRM détectant un liposarcome. « Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être et le médecin qui m’a annoncé la nouvelle m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça », se remémore Jean-Marc. « On m’a juste expliqué que c’était cancéreux, mais pas invasif. »
Un liposarcome est un cancer rare qui affecte les tissus mous du corps. Il y a entre 3 000 et 4 000 nouveaux cas chaque année. Il existe plus de 50 types de sarcomes des tissus mous. Dans le cas de Jean-Marc, c’est un liposarcome des tissus mous dans la cage thoracique, encore plus inhabituel. Très vite, il passe sur la table d’opération mais le chirurgien n’arrive pas à retirer la masse graisseuse, déjà bien développée, située dans sa cage thoracique. Comme pour beaucoup de cas de cancer, il a ensuite dû suivre plusieurs séances de chimiothérapie. « L’oncologue m’avait prévenu : mon pronostic vital était engagé. J’ai demandé aux médecins combien de temps il me restait, ils ne savaient pas me répondre », se souvient douloureusement l’Alsacien. « Au début, j’étais dans le déni, je n’acceptais pas la maladie, je ne ressentais rien. Et puis au fil des mois, j’ai commencé à m’affaiblir, je ne pouvais plus me regarder dans le miroir », poursuit-il.
Heureusement, après plusieurs séances de chimiothérapie et de radiothérapie jusqu’en mars 2024, la tumeur, si elle n’a pas pu être éradiquée, a été stabilisée et ne grossit plus. Mais Jean-Marc n’est pas sorti indemne de ces mois intensifs de soins. Une fois par mois, il doit réaliser une ponction pleurale à l’hôpital pour enlever le liquide présent dans ses poumons et faire un scanner tous les trois mois pour surveiller la taille de la tumeur. Il le sait, il n’est pas guéri et apprend à vivre avec sa maladie et les effets secondaires qui vont avec. « Je suis toujours très essoufflé, fatigué. J’ai perdu une quinzaine de kilos depuis la chimiothérapie et la masse musculaire qui va avec, je n’ai plus la sensation de faim. J’ai aussi des problèmes de sommeil, des insomnies, des crises d’angoisse liées à la maladie », énumère-t-il.
Une angoisse avant chaque scanner
Ce cancer rare est entouré de beaucoup de zones d’ombre pour le corps médical comme pour Jean-Marc, malgré l’avis de plusieurs spécialistes. « Pour l’instant, on ne peut pas l’éradiquer. Je suis obligé de vivre avec mes problèmes respiratoires, entre autres, car il n’y a pas de solutions. On ne sait pas comment cette maladie peut évoluer, ni comment elle est arrivée. Ce n’est pas génétique, ce n’est pas héréditaire », développe-t-il. Un flou médical qui touche fortement son quotidien. À la retraite depuis la fin de l’année 2019, entre le Covid-19 et sa maladie, ses projets ont avorté. « Je projetais de faire les châteaux de la Loire, des chemins de randonnée. Aujourd’hui, tout est tombé à l’eau, je ne peux pas marcher plus de cinq kilomètres, je suis extrêmement essoufflé. Avant, je pouvais facilement en faire 20. Même les trajets en transport sont longs et difficilement gérables. Ma retraite s’est arrêtée le 17 juillet 2023, le jour où j’ai appris ma maladie », regrette-t-il.
Le plus difficile ? L’incertitude. « Avant chaque scanner, c’est un stress immense, je sais qu’à tout moment, le liposarcome peut grossir. C’est un peu comme avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Une autre chimiothérapie avait un temps été évoquée. Je n’ose même pas appeler mon oncologue de peur de ce qu’on pourrait m’annoncer », décrit-il. S’il continue une vie normale en apparence, son quotidien n’est plus le même : « Dès que j’essaye de faire une activité, même du bricolage, je fatigue très vite, j’ai des douleurs dans le dos, dans les bras. »
Contrairement à d’autres maladies plus communes, les cas de liposarcome des tissus mous dans la cage thoracique étant peu répandus, Jean-Marc ne peut pas échanger avec d’autres personnes souffrant de la même chose. « Je vois bien une psychologue, mais ce n’est pas la même chose. Je pense que ça me ferait du bien de pouvoir parler avec des personnes qui traversent la même chose que moi », confie-t-il. Il garde quand même espoir qu’une technique médicale puisse le soulager et lui permettre de profiter pleinement de sa retraite. « Je n’ai que 65 ans ! », dit-il en gardant le sourire.