Les élections municipales des 15 et 22 mars 2026 placent, depuis le 1er septembre, les communes en période de réserve. Jusqu’au scrutin, faire le bilan, un exercice naturellement attractif pour les élus sortants, devient une manœuvre délicate.

Une réserve au service de l’égalité entre les candidats

Le cadre légal est fixé par l’article L. 52-1 du Code électoral, resté inchangé depuis les derniers scrutins municipaux.

Conformément à ces dispositions, à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois de l’élection, « aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire » de la commune.

Cette interdiction ne vise ni à priver les habitants d’une information utile sur la vie municipale, ni à paralyser l’action locale.

Elle tend en revanche à empêcher que l’équipe en place ne tire avantage de moyens institutionnels financés par la collectivité dans la compétition électorale.

L’exigence recherchée est donc celle d’un équilibre : poursuivre l’information et l’activité municipales, tout en garantissant la loyauté du scrutin.

Deux communications à distinguer : celle du candidat et celle de la collectivité

L’article L. 52-1 ne restreint pas la communication personnelle des candidats. Ils peuvent présenter, à leurs frais, le bilan des mandats qu’ils détiennent ou ont détenus.

Trois conditions doivent toutefois être strictement respectées :

– D’abord, la communication doit être financée par le candidat.

– Ensuite, les supports utilisés doivent être clairement individualisés et ne pouvoir être confondus avec les outils institutionnels (CE, 30 juillet 2021, n° 445985). On veillera particulièrement à ne pas user du logo de la commune et à utiliser une charte graphique bien distincte.

– Enfin, la présentation ne peut emprunter des supports de presse ou des moyens audiovisuels assimilables à de la publicité commerciale, prohibés en période électorale (CE, 6 juin 2018, n° 415317). Cela exclut notamment la création d’un site internet assortie d’un référencement payant (CE, 30 juillet 2021, n° 446731).

Le bilan individuel reste ainsi plutôt libre, à condition d’identifier sans ambiguïté sa nature électorale.

S’agissant de la collectivité, le Code électoral n’interdit pas toute communication institutionnelle en période électorale.

Littéralement, seule la promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité est interdite à compter du 1er septembre.

Il n’existe pas de définition légale de cette notion, mais l’on peut retenir qu’il y a campagne prohibée dès lors que la communication ne se limite plus à informer et qu’elle tend à valoriser l’action de la commune ou de ses élus.

L’équipe municipale peut donc continuer à relayer des éléments factuels en période électorale, à condition que cette communication ne devienne pas un instrument de mise en avant de l’équipe sortante.

Pour identifier une propagande électorale interdite, la jurisprudence a développé un faisceau
d’indices.

En période de réserve, l’enjeu pour les communes est de vérifier que chaque publication, chaque événement ou chaque prise de parole respectent les critères jurisprudentiels.

Comment le juge identifie-t-il une campagne déguisée ?

La première vigilance concerne l’antériorité et l’identité des pratiques.

Le juge observera :

– Si le support ou l’événement existait auparavant ;

– S’il revêt un caractère traditionnel ;

– Si son format, son volume ou sa périodicité ont été modifiés.

L’apparition d’un numéro spécial ou un changement de date de diffusion sont particulièrement scrutés (CE, 6 mars 2021,
n° 445257).

Maintenir les usages ordinaires constitue donc un premier élément de sécurité.

La deuxième vigilance porte sur le contenu communiqué.

Nonobstant la proximité de l’élection, la commune peut continuer à publier des informations pratiques, à présenter des projets en cours, à exposer un bilan financier ou à relayer l’inauguration d’un équipement terminé.

Encore faut-il demeurer dans un registre strictement informatif et éviter toute allusion programmatique ou référence aux élections à venir (CE, 12 mars 2021, n° 441734).

La troisième vigilance tient au ton employé.

Indépendamment du fond, la manière de présenter les réalisations municipales est déterminante.

La communication doit conserver un ton neutre et mesuré.

À l’inverse, une mise en récit flatteuse, des formulations élogieuses ou un discours manifestement partisan ont déjà conduit le juge à censurer des supports institutionnels (CE, 30 décembre 2021, n° 448699).

La cérémonie des vœux : un concentré de risques

Moment traditionnel, très visible et souvent symbolique, la cérémonie des vœux mêle discours, bilan et projection, ce qui en fait un terrain particulièrement glissant pendant la période électorale. Comment évoquer les projets réalisés sans tomber dans leur promotion ? Remercier ses équipes sans verser dans l’éloge ? Distinguer finalement l’élu du candidat ?

Dans ce cadre, le juge sera attentif à tous les critères évoqués précédemment :

– L’existence d’une tradition annuelle ;

– L’identité du budget alloué à l’événement ;

– La constance du format ;

– La neutralité du discours… (CE, 5 mars 2021, n° 445772).

Quelques précautions permettront de sécuriser l’événement :

– Conserver le format habituel (même lieu, mêmes invités, mêmes intervenants, même budget…) ;

– Présenter les réalisations de manière strictement factuelle ;

– Formuler des remerciements collectifs et mesurés ;

– Éviter formules électoralistes, slogans, annonces de projets à venir ou références implicites au scrutin.

Les risques encourus en cas de dérive

Il ne faut pas négliger les conséquences d’une dérive.

Une communication institutionnelle mal maîtrisée peut emporter de lourdes conséquences :
– Une amende de 75 000 euros (article L. 90-1 du Code électoral) ;

– L’annulation du scrutin en cas d’altération de la sincérité du vote ;

– La réintégration de la dépense au compte de campagne ;

– Le risque de rejet de ce dernier, éventuellement assorti d’une peine d’inéligibilité…

Ainsi, on fait le bilan, mais calmement.