Ce jeudi 27 novembre se poursuit le procès du médecin anesthésiste Frédéric Péchier, soupçonné d’avoir empoisonné 30 personnes, dont 12 mortellement, entre 2008 et 2017, dans deux cliniques privées de Besançon (Doubs). Jeanne Casez vous fait vivre les temps forts de ce 53e jour d’audience, depuis la cour d’assises.

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10h50 : Matthieu Biais prend la parole à son tour. Le médecin réanimateur remet le sujet de l’embolie gazeuse sur la table. Et il démonte cette thèse étape par étape. “On ne fait pas une embolie gazeuse comme ça. Le premier facteur de risque, c’est un saignement. Or, on voit dans le compte rendu opératoire que le saignement était extrêmement minime.” Ensuite, “on ne parle pas de n’importe quelle embolie gazeuse, mais d’une embolie gazeuse massive pouvant entraîner un arrêt cardiaque. Pour que l’air rentre dans une veine, il faudrait un trou dans une veine de gros calibre.” Les autes experts, Antoine Tracqui et Pierre Diemunsch, s’étaient entre autres appuyés sur la présence de bulles d’air dans les cavités pour valider cette piste. Mais “tout clinicien réanimateur sait que quand on passe des produits un peu rapidement au cours d’une réanimation, on observe des bulles d’air, c’est classique”, évacue Matthieu Biais. Dernier désaccord : l’augmentation du taux de CO2 expiré est, selon le spécialiste, »un argument contraire » et non révélateur d’une embolie gazeuse.

La famille Quenillet présente au procès du docteur Frédéric Péchier lors du 51e jour d'audience, avec, au premier rang avec sa veste verte,  la veuve de Henri Quenillet.

La famille Quenillet présente au procès du docteur Frédéric Péchier lors du 51e jour d’audience, avec, au premier rang avec sa veste verte, la veuve de Henri Quenillet.

© Fabienne Le Moing

10h40 : Deux explications possibles pour les coexperts. Première hypothèse : “un trouble du rythme sur un terrain de coronaropathie ischémique chronique [une insuffisance d’oxygénation du cœur]”, néanmoins « pas privilégiée en l’absence de troubles à l’échographie”, expose Alain Miras. Deuxième hypothèse : une hyperkaliémie [un excès de potassium], préférée par le médecin légiste, en raison, une fois de plus, de “cette kaliémie anormale” mesurée chez le patient.

10h35 : “Les dosages des tryptases [un marqueur sanguin] sont normaux, on peut éliminer la cause allergique comme étant responsable de cet arrêt cardiorespiratoire” énumère Alain Miras qui réfute aussi la thèse d’un pneumothorax compressif. Mais les experts écartent aussi la piste d’une embolie gazeuse, et se distinguent, en ce sens, de leur confrères entendus hier.

Une photo d'Henri Quenillet dans sa jeunesse. Le 21 novembre 2016, à 73 ans, il mourrait après un arrêt cardiaque suspect survenu à la clinique Saint-Vincent.

Une photo d’Henri Quenillet dans sa jeunesse. Le 21 novembre 2016, à 73 ans, il mourrait après un arrêt cardiaque suspect survenu à la clinique Saint-Vincent.

© DR

10h25 : Une fois encore depuis le début de ce procès, les experts ont manqué de matière pour étudier les évènements de cette triste journée. “Nous n’avons plus aucune information objective dans les suites du compte rendu d’anesthésie. La ‘feuille de réa’ n’est dans aucun dossier transmis”, est-il écrit sur l’une des diapositives.

10h20 : Le diaporama des experts revient sur les écrans de la cour. Cette fois-ci, c’est le nom de Henri Quenillet qui s’affiche sur fond bleu. Pour mémoire : ce patient de 73 ans a fait un arrêt cardiaque à la fin d’une opération de la prostate, le 21 novembre 2016. Il est décédé le lendemain à 1h20 du matin, malgré les efforts des médecins réanimateurs du CHU de Besançon.

10h : L’audience est suspendue, elle reprendra à 10h20, avec l’étude des causes du décès de M. Quenillet.

9h55 : Julie Péchier s’interroge : pourquoi les experts envisagent l’hypothèse allergique dans leurs conclusions, pour finalement l’éliminer ? “Quand on fait des conclusions, on prend les hypothèses une par une, en disant ‘celle-ci, on peut l’éliminer de manière formelle, celle-ci non’”, explique Alain Miras. “Maintenant, encore une fois, quand on a évalué les causes possibles, quand on agrège tout cela, surtout avec des taux de potassium à 11 ou 12 alors que M. Collette bénéficie d’un traitement… Une participation allergique peut avoir aggravé le tableau, mais en aucun cas être causale.”

L’avocate acquiesce, mais elle note que ces conclusions sont différentes de celles des experts Tracqui et Diemunsch. Stéphane Giuranna monte au créneau : il n’est pas d’accord et cite la presse. »C’est écrit partout, si les journalistes ont entendu pareil que moi, c’est peut-être que c’est ce qui a été dit ! »

Christine de Curraize se lève pour le répéter : 11 de potassium, c’est « du jamais vu » par plusieurs professionnels interrogés.

Frédéric Péchier, défendu par sa soeur, Julie Péchier

Frédéric Péchier, défendu par sa soeur, Julie Péchier

© Valentin Pasquier

9h45 : Stéphane Giuranna défend la famille Collette. Il le fait savoir aux deux experts, et se lance dans une démonstration. “Vous me dites si ça vous convient, ou si ça vous convient pas. Ou si j’ai tort, ou si j’me trompe, ou si j’ai raison.” Les experts attendent la suite. Me Giuranna rappelle que selon le collège d’expert précédent, « il peut y avoir eu les deux [une allergie et une hyperkaliémie] mais en aucun cas l’allergie n’aurait pu causer l’arrêt cardiaque. Qu’est-ce que vous en pensez, vous ? » Matthieu Biais est « tout à fait d’accord avec cette analyse ».

9h30 : Christine de Curraize creuse le dossier, pour écarter un peu plus loin la thèse d’une réaction allergique. “Ce tableau électrique extrêmement typique d’une hyperkaliémie, est-ce que c’est un tableau clinique qu’on peut retrouver dans le cas d’une allergie ? », questionne l’avocate générale. “La réponse [de Matthieu Biais] est oui. Ce sont des tableaux rares, voire rarissimes, mais ils existent. »

Bertrand Collette a fait un arrêt cardiaque avant même le début de son opération, en 2016.

Bertrand Collette a fait un arrêt cardiaque avant même le début de son opération, en 2016.

© France Télévisions

9h20 : L’hyperkaliémie exogène [l’administration de potassium dans le corps du patient] “reste l’hypothèse la plus probable” des experts. Et ce, “quand on agrège toutes les données cliniques, mais également la douleur lors de la perfusion”, commente Alain Miras, qui le rappelle : Bertrand Collette s’est plaint de douleurs au bras avant d’être endormi.

9h15 : Les deux experts n’excluent pas non plus la possibilité d’une réaction allergique. “C’est peu probable, mais nous n’avons pas d’arguments formels pour l’éliminer”, commente Alain Miras. Quant à une intoxication aux anesthésiques locaux, c’est possible aussi, selon eux. Le médecin légiste note une “compatibilité clinique” avec cette hypothèse. « Il n’y a pas eu d’administration de lidocaïne [un anesthésique local] selon le dossier, mais une poche de soluté serait manquante dans les séquestres.”

Matthieu Biais et Alain Miras, experts dans le procès de Frédéric Péchier.

Matthieu Biais et Alain Miras, experts dans le procès de Frédéric Péchier.

© Sarah Rebouh / France Télévisions

9h10 : Alain Miras s’attarde sur ces taux de kaliémie [de potassium] “très élevés”, prélevés dans le sang du patient après son transfert au CHU de Besançon. D’après lui,“l’obtention de renseignements complémentaires permet une analyse différente de l’hyperkaliémie observée à la clinique au cours de cette réanimation prolongée, et doit faire envisager clairement l’hypothèse d’une administration exogène de potassium.”

9h05 : Alain Miras rappelle les évènements du 31 octobre 2016, le jour où Bertrand Collette devait se faire poser une prothèse de hanche, à la clinique Saint-Vincent. Cet homme de 56 ans ne sera pas opéré : il fera un arrêt cardiaque avant même le début de l’intervention, et il décédera le 1er novembre, à 16h59, au CHU de Besançon.

Alain Miras commente ses expertises, réalisées conjointement avec l'expert Matthieu Biais, face à la cour d'assises de Besançon le 19 septembre 2025.

Alain Miras commente ses expertises, réalisées conjointement avec l’expert Matthieu Biais, face à la cour d’assises de Besançon le 19 septembre 2025.

© Valentin Pasquier – France Télévisions

9h : L’audience est reprise. C’est le 53e jour d’audience, et la dernière fois que des cas de patients sont étudiés par la cour. Les experts sont prêts à déposer. Alain Miras est médecin légiste. Il commentera son diaporama, installé à la droite de la cour, près de la greffière. Matthieu Biais, chef du service de réanimation du CHU de Bordeaux, l’accompagne à la barre.

7h45 : Bienvenue dans ce direct. Tout au long de la journée, vivez à nos côtés le procès du médecin anesthésiste Frédéric Péchier, comme si vous étiez dans la salle d’audience. L’audience commencera à 9h avec les dépositions des experts Matthieu Biais et Alain Miras. À 14h, Frédéric Péchier répondra aux questions de la cour, pour la 15e fois depuis le début de ce procès fleuve.

Le docteur Péchier est soupçonné par la justice d’avoir empoisonné 30 personnes, dont 12 mortellement, entre 2008 et 2017. Son procès devant les assises au tribunal de Besançon doit se terminer la semaine du 15 décembre au terme de 15 semaines de procès. Il comparait libre, il n’a jamais été incarcéré durant les 8 années d’instruction.

Que s’est-il passé la veille ?

La veille, mercredi 26 novembre, le Dr Assila a livré une déposition « coup de poing » (selon l’expression de Me Berna) dans la salle du Parlement. Confrontée au décès de son patient, alors enceinte de huit mois et de retour d’arrêt maladie, cette anesthésiste n’a exprimé aucun doute sur la culpabilité de Frédéric Péchier. « Il n’a pas hésité à m’infliger cette épreuve, en prenant le risque que je perde à nouveau un enfant.” Selon elle, « c’est un monstre », « les aveux, on ne les aura pas ».

Au nom de toutes les familles de victimes, la fille de Bertrand Collette, décédé en 2016 des suites d’une opération de la hanche, a aussi raconté la difficulté « de dire au revoir à son papa à l’hôpital sans comprendre pourquoi il meurt », « que d’entendre qu’il s’est vu mourir dans d’atroces douleurs dans cette cour d’assises, alors que nous avions toujours cru qu’il était parti paisiblement ».

L’après-midi s’est soldée par des débats techniques, avec la dernière déposition des experts Tracqui et Diemunsch. Après l’étude des décès de Messieurs Quenillet et Collette, ces deux médecins ne les expliquent pas par un empoisonnement. Mais l’insistance des avocats des parties civiles les a poussés à nuancer leurs résultats. Plus de détails sur ce lien :

Pourquoi la justice soupçonne le docteur Péchier ?

Frédéric Péchier, ancien médecin anesthésiste, a travaillé au sein de la clinique Saint-Vincent, mais également de la polyclinique de Franche-Comté, à Besançon, entre 2008 et 2017. À cette époque, plusieurs EIG, acronyme utilisé pour « événements indésirables graves », se produisent dans ces deux établissements privés de soin, dans une proportion démesurée.

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Notre journaliste Sarah Rebouh vous aide à comprendre les enjeux du procès de l’ex-anesthésiste Frédéric Péchier, en moins de 3 min.

©Sarah Rebouh / France Télévisions

De trop nombreux patients qui ne présentent pas de fragilités particulières, font des arrêts cardiaques en pleines opérations chirurgicales. Sur 30 cas dont la responsabilité est attribuée à Frédéric Péchier par les enquêteurs, douze décèdent. L’anesthésiste, un professionnel particulièrement impliqué dans son travail selon ses pairs, est soupçonné d’avoir provoqué ces incidents médicaux pour faire valoir ces qualités de réanimateur, mais aussi pour nuire à certains de ses collègues avec qui il était en conflit.

Frédéric Péchier a toujours nié fermement les faits. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité. Ce dernier comparaît libre, sous contrôle judiciaire. Son procès doit durer 15 semaines, du 8 septembre au 19 décembre 2025.

Relire tous nos articles au sujet de l’affaire Péchier.

Les grandes dates de l’affaire Péchier

  • 11 janvier 2017 : une femme de 36 ans fait un arrêt cardiaque inexpliqué à la Clinique Saint-Vincent à Besançon alors qu’elle est opérée.
  • 20 janvier 2017 : un nouveau malaise cardiaque inexpliqué se produit dans la même clinique. Des fortes quantités de potassium ou d’anesthésique, à dose létale, sont retrouvées dans les poches d’anesthésie des deux patients.
  • 6 mars 2017 : Frédéric Péchier est placé en garde à vue et mis en examen pour « empoisonnements avec préméditation » sur sept patients, dont deux sont morts entre 2008 et 2017. Il clame son innocence.
  • Décembre 2017 : les corps de quatre personnes dont les morts sont suspectes sont exhumés pour analyses. La justice n’ordonne ce type d’acte que très exceptionnellement.
  • 17 mai 2019 : le docteur Péchier est mis en examen pour 17 nouveaux événements indésirables graves (EIG). Il clame toujours son innocence. Il n’a plus le droit de paraître dans le Doubs.Il ne peut plus exercer son métier.
  • 1er octobre 2021 : Frédéric Péchier fait une tentative de suicide en se défenestrant du premier étage.
  • 27 septembre 2022 : les soupçons concernent désormais 32 patients qui auraient été empoisonnés dont 13 mortellement.
  • 22 mars 2023 : Frédéric Péchier est mis en examen pour 30 cas, dont 12 mortels.
  • 5 août 2024 : le médecin anesthésiste est renvoyé devant la cour d’assises du Doubs pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels.
  • 8 septembre 2025 : ouverture prévue du procès de Frédéric Péchier devant la cour d’assises du Doubs. Il doit durer 15 semaines.

France 3 Franche-Comté se mobilise pour vous faire vivre le procès de Frédéric Péchier, comme si vous y étiez. Du 8 septembre au 19 décembre 2025, suivez les débats en cours dans la salle d’audience, en direct sur notre site internet, grâce à nos journalistes web sur place Jeanne Casez, Antoine Comte et Sarah Rebouh.

Avec la collaboration de Sophie Courageot, rédactrice en chef adjointe et Morgane Hecky, chargée d’édition numérique et des équipes de reportage présentes à l’audience.