« Il y a des élèves qui veulent être chef d’orchestre pour briller. Pour elle, rien de tout ça. C’était pour mieux servir l’orchestre. » Martial Theureaud se souvient très bien de ce jour où Aline Dubuit lui demande conseil.
Le chef d’orchestre de l’ensemble musical du Grand Est « Aquilon », dans lequel la flûtiste nancéienne joue, accepte de lui donner des cours particuliers de direction d’orchestre. Il est séduit par l’état d’esprit de la musicienne. Séduit par son humilité.
« Faire progresser ses élèves de l’orchestre »
« Elle voulait faire progresser ses élèves de l’orchestre qu’elle avait créé en 2015 au sein de l’École de musique de Toul », explique Martial Theureaud qui, pendant deux ans à raison de deux heures par semaine, va guider la professeure de flûte traversière.
« J’étais alors une enseignante qui battait la mesure mais à qui il manquait les bases », souligne Aline Dubuit, 38 ans, aujourd’hui directrice adjointe du conservatoire de musique de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson.
Il m’a surtout transmis le virus de la direction d’orchestre
Aline Dubuit
« Au-delà des clés qu’il m’a fournies, il m’a surtout transmis le virus de la direction d’orchestre ! », affirme la Nancéienne qui appréciait la façon de diriger et l’approche bienveillante de son maître. Et c’est cette pédagogie-là, basée sur l’humain et le partage qu’Aline Dubuit distille depuis quelques années auprès de ses musiciens et au gré de ses différentes aventures professionnelles.
« J’ai très vite su que je voulais enseigner »
« C’est une passionnée de pédagogie », remarque Martial Theureaud. D’ailleurs, elle le dit : « Je ne voulais pas être soliste, ni monter sur les plus grandes scènes du monde. J’ai très vite su que je voulais enseigner. Je voulais être professeure comme ma super prof de flûte », confie Aline Dubuit qui a été élevée au son de l’orgue joué par son père et de la flûte à bec jouée par sa mère.
C’est à l’école de musique de Vandœuvre-lès-Nancy, avec « sa super prof », Catherine Debever-Perrier, qu’elle découvre la flûte traversière, un instrument dont elle tombe sous le charme après un spectacle « Les flûtes en chantier » de Claude-Henry Joubert, œuvre en référence à la flûte enchantée de Mozart.
Douée, passionnée, Aline veut faire de la musique son métier. « Elle était plus qu’une simple exécutante, elle avait ses idées et était force de proposition », se souvient sa professeure de flûte. « Elle en voulait beaucoup et encore aujourd’hui ! », affirme Catherine Debever-Perrier.
Des projets au tour d’ « Orchestre à l’école »
Baccalauréat scientifique en poche, Aline file se perfectionner en région parisienne auprès de Patrice Bocquillon au Conservatoire d’Avray et de Pascale Feuvrier au Conservatoire de Rueil-Malmaison. Elle en ressort avec son diplôme d’étude musicale de flûte traversière. Mais ce qui l’anime, c’est encore et toujours la pédagogie.
En parallèle des cours de flûte qu’elle donne depuis quelques années dans diverses écoles de musique, elle poursuit sa formation au Cefedem de Lorraine où elle obtient son diplôme d’Etat de professeur en 2012. C’est aussi à ce moment-là qu’elle bâtit des projets autour d’orchestres : avec des musiciens amateurs mais aussi dans le cadre du programme national connu « Orchestre à l’école » (à Toul, à Woippy, à Saint-Dizier et aujourd’hui au sein de la comcom du bassin de Pont-à-Mousson).
Ce projet montre de manière criante tout ce que la musique peut apporter
Aline Dubuit
« Le collectif reste un aboutissement », indique Aline Dubuit qui, depuis 2024, est cheffe d’orchestre au « Chœur de flûtes de Lorraine » (ensemble dans lequel elle joue depuis 2015). « Il n’y a rien de tel que de partager la musique à plusieurs. C’est ce qui donne du sens à la pratique musicale. Ce qui donne envie de travailler ses gammes, sa technique », détaille-t-elle. Elle le remarque très bien avec les élèves impliqués dans les projets d’Orchestre à l’école.
Des élèves, parfois éloignés de toute ouverture sur le monde artistique et/ou issus de milieux défavorisés, y découvrent, apprennent et mûrissent la musique en groupe. « C’est une aventure humaine où parfois des jeunes se révèlent là où il n’avaient pas encore eu l’opportunité de se révéler. C’est un fil qui les raccroche à une réalité. C’est aussi l’idée de faire société ensemble où la responsabilité de chacun est importante pour le devenir du collectif. » Et d’ajouter : « Ce projet montre de manière criante tout ce que la musique peut apporter et à quel point cela peut parfois changer une vie. »
« Donner le meilleur de sa personne et se dépasser »
Et que ce soit face à ces apprentis musiciens à l’école ou avec des orchestres amateurs ou semi-professionnels, le but recherché par Aline est le même : « permettre à chacun de donner le meilleur de sa personne et se dépasser ».
En tant que cheffe d’orchestre, « on est presque plus dans la psychologie que dans un travail musical effectif ». En tant qu’être humain c’est « expérience sensorielle extraordinaire ».
Aline Dubuit achèvera en juin sa formation au Conservatoire de Nancy en direction d’orchestre dans la classe de Jean-Philippe Navarre. Entre-temps, elle dirigera pour le Conservatoire du bassin de Pont-à-Mousson une création de Franck Natan (compositeur et violoniste à l’orchestre de l’Opéra de Nancy ainsi qu‘à l’Ensemble Stanislas) pour orchestre symphonique et chœur, ainsi que le choeur et l’orchestre du Gradus Ad Musicam en tant que cheffe invitée.
« Elle est faite pour ça. Elle est compétente et très appréciée des musiciens. Je me réjouis pour ceux qu’elle va diriger », conclut Martial Theureaud.