Au Parc des Princes,
Ça n’a pas été la démonstration imaginée, mais peu importe. Cette victoire du PSG sur le plus petit des scores face à Angers, samedi, entérine tout aussi bien ce qui était attendu depuis plusieurs semaines maintenant. Les Parisiens sont assurés du titre de champions de France, pour la 13e fois de leur histoire et la 11e depuis l’arrivée aux commandes de QSI. La mainmise parisienne sur le foot français est totale. Jusqu’à l’écœurement ? Le mot est sans doute un peu fort, mais c’est pour bien cerner l’idée générale.
Le titre de champion est presque devenu un non-événement s’agissant du PSG. Comme s’il faisait partie du paysage, un truc posé là et auquel plus personne ne fait attention. Pour les autres, en tout cas. Car les Parisiens et leurs supporters avaient le sourire, bien sûr, au coup de sifflet final, et leur communion au pied de la tribune Auteuil n’avait rien de forcée. On aurait même dit qu’elle avait un petit truc en plus par rapport aux saisons précédentes, preuve peut-être que tout le monde est enfin aligné dans ce club.
« On a gagné beaucoup, mais c’est toujours le présent qui est important, raconte Marquinhos, qui en a vu passer depuis son arrivée en 2013. Cette saison on a vu de belles choses, ce titre valorise notre travail. J’ai dit à tout le monde de bien profiter, de célébrer, de prendre tous les titres qu’on peut parce que quand on ne gagne pas, ça fait toujours mal. »
Ça n’arrive pas très souvent. Depuis 2011, le PSG a remporté 35 trophées nationaux. L’OM, l’OL et le Losc suivent avec… deux titres. Tout ça interroge sur l’intérêt de notre football, quand même. Cette saison, au-delà de l’écart de points en championnat, c’est le fossé abyssal entre le niveau de jeu du PSG et celui des 17 autres équipes qui interpelle. Depuis le mois de décembre, les Parisiens se baladent littéralement sur le sol français. Ils ont inscrit 26 buts de plus que l’OM, deuxième attaque du championnat (80 contre 54, avec un match en plus). Ils sont les patrons qui décident seuls quand ils ont envie d’accélérer et d’enfoncer les autres.
Le reste de la Ligue 1 dans un sale état
Saison après saison, l’impression que ce PSG despote fait plus de mal que de bien à la Ligue 1 se renforce. Enfin, d’un point de vue extérieur et non partisan. Les supporters auront un avis différent, et si l’on se place au niveau économique, c’est tout un monde qui s’effondrerait sans le club parisien. « Il n’y a pas de question à se poser, le PSG est un atout exceptionnel pour la Ligue 1 et heureusement qu’elle l’a aujourd’hui comme produit d’appel, tranche Virgile Caille, spécialiste de l’économie du sport. C’est du pain béni pour le championnat, pour son attractivité auprès des partenaires, des médias ou du grand public. Sans lui, le drame serait encore plus grave. »
L’élite du foot français est exsangue, aujourd’hui. En janvier, la DNCG prévoyait une perte d’exploitation de 1,2 milliard d’euros cette saison pour les clubs de L1 et de L2. Les droits TV, qui vont très probablement être remis sur la table bien plus tôt que prévu, ne sont plus valorisés qu’autour de 200-250 millions d’euros par an, s’alarment quelques présidents de clubs, dont celui du RC Lens Joseph Oughourlian, dans les extraits des réunions qui ont fuité ces dernières semaines. Un championnat avec davantage de suspense ne serait-il pas plus vendeur, que ce soit en France ou vis-à-vis de l’étranger ?
« Le montant des droits TV dépend de trois choses : la valeur sportive du championnat, le nombre potentiel d’abonnés et le prix de l’abonnement, répond Virgile Caillet. Le suspense n’est qu’une composante, il y a aussi le spectacle, le niveau de jeu, la manière dont c’est filmé, l’offre éditoriale ou la concurrence entre les chaînes. Le problème de la domination du PSG, ce n’est pas que celui du PSG, c’est surtout celui des autres clubs qui ne sont pas en rendez-vous. »
Locomotive ou tyran ?
S’ils n’ont pas la surface financière de Paris, ce qui est bien sûr un élément à prendre en compte, l’OM, Monaco, l’OL ou le Losc ont tout de même les moyens de rivaliser mieux qu’ils ne l’ont fait cette saison. Les Monégasques ont été champions en 2017, les Lillois en 2021. Mais l’incapacité du Tiers 1 à représenter une menace sur le long terme, à installer un projet ambitieux qui ne leur pète pas à la gueule à la moindre contrariété – coucou l’OM –, « ne doit pas être une fatalité », reprend le délégué général l’Union Sport & Cycle.
« Ce PSG est un bel exemple pour pas mal de clubs, estime de son côté l’ancien joueur et entraîneur parisien Luis Fernandez. Il n’y a plus forcément de grands noms, mais il y a un état d’esprit, des joueurs qui répondent aux attentes de ce que les supporters veulent voir sur un terrain. Si vous faites un sondage, vous verrez que l’équipe de cette année est sans doute celle que les supporters aiment le plus. »
Luis Enrique porté en triomphe par ses joueurs. - Michel Euler
Le carnet de chèque aide, mais cette équipe est aussi le produit d’une stratégie sportive cohérente, déterminée en accord avec l’entraîneur choisi pour la mettre en place. De la place et du temps ont été laissés à Luis Enrique pour s’installer. « Un club dominant, ça peut aussi donner des idées aux autres », poursuit Fernandez, qui ne veut pas entendre parler d’un championnat qui serait moins intéressant du fait de l’hégémonie parisienne. L’idée générale est qu’on ne peut pas demander à Paris de ralentir. Ce serait plutôt aux autres d’accélérer.
« Un peu lassant de ne pas pouvoir lutter »
Reste qu’une lassitude s’installe dans le foot français. Les supporters adverses savent bien qu’à moins d’une saison miraculeuse, leur équipe ne pourra pas lutter. En début de saison pourtant, ce PSG sans Kylian Mbappé et un brin tâtonnant a fait monter l’espoir. « Personnellement, je commençais à croire à quelque chose, surtout que nous on était pas mal, illustre Erwan, président du groupe de supporters de l’ASM Munegu Da Viken. Mais tu te raisonnes toujours vite, au final. Tu te dis que c’est comme ça, et tu commences à avoir l’habitude d’être déçu. On ne joue pas dans la même cour, il faut être lucide. »
Les sentiments à l’égard du tout-puissant PSG sont ambivalents. « Paris, c’est une locomotive qui apporte de la notoriété à la Ligue 1, mais ça plombe aussi un peu la compétitivité et l’équité du championnat, reprend Erwan. C’est un peu lassant de ne pas pouvoir lutter. Mais c’est comme ça… » Pas de désintérêt pour autant, la bataille pour la Ligue des champions suffit à égayer les week-ends, alors que les supporters dont l’équipe se trouve dans la deuxième moitié du classement sont bien trop stressés par le maintien pour se préoccuper de ce qu’il se passe tout en haut.
Il faut bien chercher le suspense là où il est, de toute façon. Celui pour la C1 bat son plein, au moins, avec six clubs qui se tiennent en cinq points. Et pour le PSG, c’est cette série d’invincibilité qui court depuis le début de saison. Va-t-on voir pour la première fois de l’histoire une équipe échapper à la défaite jusqu’au bout ? C’est l’un des objectifs fixés par Luis Enrique pour garder tout le monde sous pression dans la perspective de la finale de la Coupe de France et, bien sûr, de la Ligue des champions. Le meilleur service que le PSG pourrait rendre au football français serait de gagner la plus grande des Coupes d’Europe. Enfin. C’est là tout l’intérêt des prochaines semaines, et on ne trouvera cette fois pas grand monde de sensé pour se plaindre si ça devait arriver.