Ce sont des tranches d’humanité. Des fragments d’amour pour la littérature et la lecture. Des bribes de réflexions sur l’actualité. Il y a de la tendresse, de l’éloquence. De l’émotion, toujours. Ainsi vont les séquences éclairantes « Droit dans les yeux » qui clôturent chaque mercredi soir La Grande Librairie sur France 5.
Dès son arrivée dans l’émission en 2022, le journaliste et animateur Augustin Trapenard a eu cette jolie idée de laisser son fauteuil à un écrivain qui a carte blanche pour conclure son émission. Il lit, face caméra, un court texte écrit spécialement pour l’émission
« Quand j’ai succédé à François Busnel en 2022, je trouvais qu’il y avait beaucoup de commentaires sur les œuvres, mais qu’il manquait de la création littéraire. J’ai proposé aux écrivains de faire ce qu’ils savent faire le mieux : écrire », explique l’animateur.
Le résultat ? Une savoureuse lettre à « une jeune lectrice qui avant-hier, dans le métro, lisait Madame Hayat » pour Daniel Pennac. Une invitation à prendre « un stylo, un carnet, un enregistreur, quelques feuilles de papier… et à interroger autour de vous » pour Anne Berest. « Tu n’as qu’une vie, défends-la », scande encore Nicolas Mathieu. Il y a aussi l’ode aux librairies du néo-Toulonnais Miguel Bonnefoy : « un continent inconnu et multiple, plein de caïmans et de tigres, […] où des aventuriers armés de plumes avaient exploré les territoires de l’imagination. »
Une centaine de ces tribunes libres sont rassemblées dans l’ouvrage Droit dans les yeux (Seghers, 352 pages, 22 €) – à dévorer d’une traite ou à picorer – qu’Augustin Trapenard dédicacera ce vendredi à la Librairie Masséna à Nice.
Avant cela, on l’a joint par téléphone. « Vous m’entendez ? Parce que le problème avec les livres c’est que ça coupe le réseau », rit la voix de Boomerang, l’émission culturelle qu’il a animée de 2014 à 2022 sur France Inter, désormais sur RTL.
Depuis sa bibliothèque que l’on imagine plus que bien fournie (une recherche rapide sur Internet confirmera cette supposition), le journaliste n’est jamais avare de mots pour évoquer les livres et ceux qui les écrivent.
Les bénéfices des ventes reversés à Bibliothèques sans frontières
« Tout petit, je posais déjà des questions tout le temps, tant et si bien qu’on n’a pas le temps de m’en poser ! Ma grand-mère m’a toujours dit que tout le monde a une histoire à raconter, à condition de savoir l’écouter et de lui laisser le temps de la déplier. »
C’est cette grand-mère bibliothécaire et sa mère enseignante qui lui ont donné le goût de lire.
« La lecture a été à la fois une béquille et une échappée belle. Autour de moi, enfant, les livres étaient très valorisés. On n’avait pas trop le droit de regarder la télévision. En revanche, on avait vraiment le droit de lire. Et j’ai été plongé dans nombre de bibliothèques », témoigne celui qui est désormais parrain de Bibliothèques Sans Frontières, association œuvrant à créer des espaces culturels en direction des personnes touchées par des crises et la précarité.
Tous les bénéfices des ventes de Droit dans les yeux comme de Nos années Boomerang qui sort en cette fin d’année chez Flammarion, iront à cette association.
« On parle souvent de prescription de livres comme on parle de prescription de médicaments. La littérature, ça peut vous aider à vivre ou à changer. Ça peut vous adapter au monde. Ça peut vous libérer, vous apprendre la vie », résume celui que Notre-Dame des fleurs de Jean Genet a fait grandir.
« Les livres augmentent »
Augustin Trapenard est toujours étonné par le nombre de personnes « extrêmement différentes » qui l’arrêtent dans la rue pour lui demander des recommandations lecture. « C’est signe que les Français sont attachés à la langue et à l’objet livre. » Alors, que répondre quand on enchaîne cinq livres par semaine et qu’on interviewe des écrivains depuis vingt ans ? « Souvenez-vous d’un livre que vous avez adoré, allez chez votre libraire et demandez-lui conseil à partir de ce livre-là », assure ce défenseur des libraires indépendants qui ne nourrit pas d’ambition romanesque. « Les livres me font grandir, m’augmentent. Je ne peux pas m’en passer, mais pour autant, je n’ai ni le talent ni l’urgence d’écrire qu’ont les écrivains. »
Pratique : Augustin Trapenard en dédicace ce vendredi à 19 h 30 à la Librairie Masséna à Nice.
Une « Grande librairie vagabonde » azuréenne ?
En avril 2025, Augustin Trapenard s’était échappé des studios de France Télévisions pour partir à la rencontre d’auteurs qui écrivent le monde rural, dans un format vagabond de La Grande librairie. Un départ en goguette qui pourrait être dupliqué à notre région ?
« J’ai tourné plusieurs fois à Nice. On a fait une séquence avec Jean-Marie Gustave Le Clézio l’année dernière. Je me souviens d’avoir fait une grande émission avec Joann Sfar à l’époque où j’étais sur Canal +. C’est vraiment un pays et un arrière-pays que j’aime beaucoup. »
La possibilité des îles
Pour autant, la prochaine Librairie vagabonde doit plutôt lorgner du côté des îles. « On travaille sur l’insularité et on est en train de tourner en Corse, en Bretagne, en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte. On va envoyer une équipe en Polynésie aussi. L’idée est de montrer que la France est un pays d’îles aussi. Chaque saison, j’aimerais proposer une Librairie vagabonde, Et il n’est pas impossible qu’on fasse une grande librairie autour de la Méditerranée bientôt, auquel cas votre région sera mise en avant ! »