Municipales en mars – peut-être aussi, le verdict ce lundi 1er décembre d’un séisme étalé sur 3 ans… – expliquent une présentation des orientations budgétaires 2026 deux à trois mois plus précoce qu’à l’accoutumée. A ce stade, pas le budget réel mais sa projection. Reste que celle-ci se prend bien la réalité dans les dents : c’est le serrage de ceinture d’Etat et conséquences locales version Lecornu qui ont été retenus pour l’élaborer. Résultat : si les investissements restent élevés, une épargne nette en chute libre – divisée par deux – et une capacité de remboursement de la dette. La « fête » du « pacte » est bien finie…

Jeudi après-midi, un conseil métropolitain dense a traité des projections budgétaires 2026. Pas vraiment dans la joie. ©If Saint-Etienne / XA

« Jamais, cela n’a été aussi compliqué », avance d’emblée Christian Julien. Le maire de Saint-Genest-Lerpt et vice-président, presque « historique », chargé du budget métropolitain sait de quoi il parle : il n’en est évidemment pas à l’élaboration de son premier budget. Avertissement déjà introduit par la 1ère vice-présidente en charge de la présidence tout court par intérim : il y a le contexte international. Il y a, lié aussi, celui national et ses conséquences sur le local : « Dans un contexte où la loi de finances pour 2026 n’est toujours pas votée, nous avons fait le choix, par prudence, de retenir l’hypothèse la plus pessimiste, celle des retenues faites aux collectivités au titre de leurs contributions au redressement des finances publiques selon la présentation de Sébastien Lecornu. »

Selon les calculs de Saint-Etienne Métropole, alors qu’à l’automne 2024, le pire scenario – finalement non appliqué – lui faisait perdre 5 M€, cette fois-ci, ce sont 12 M€ qui pourraient être amputés à ses revenus l’an prochain ! Dans ces 12 M€, il y en a 5 relatifs au Dilico, le reste étant le cumul du recul de dotations, de la hausse de la TGAP (augmentation progressive sur l’enfouissement de déchets dès 2026), de mécanismes fiscaux aussi complexes à appréhender et à décrire que défavorables. En particulier autour le TVA dont le renversement d’une part devait compenser à « l’euro près » la perte de la taxe d’habitation. Alors, bien sûr, tout le monde espère une version moins sévère (il est probable que celle actuelle cherche en réalité justement la validation d’un cran en dessous dans ce « jeu » d’aller-retour avec le Sénat). En attendant, l’exécutif métropolitain préfère tabler sur la sévérité.

+ 8 M€ de dépenses de fonctionnement

Selon les orientations budgétaires (le budget réel, du moins primitif, sera pour le début de l’année et pourra éventuellement être corrigé favorablement en cas de ponctions moindres donc) présentées et votées jeudi en séance publique, les recettes de fonctionnement vont s’élever à 385 M€, soit une progression de + 2,9 M€. Mauvaise nouvelle : des taxes « annexes » – pas la part de taxe foncière de la collectivité, « l’impact » propre à Métropole – augmenteraient : la Teom (taxe d’enlèvement des ordures ménagères) serait ainsi revalorisée de 8,3 à 8,5 % (pour passer de 49,4 M€ à 51,7 M€) par « contraintes » responsables, pour couvrir les exigences montantes « du service ». Propos qui s’opposent à une information adressée à If par la CGT du personnel métropolitain, selon laquelle, l’an passé 4,8 M€ d’excédents auraient servi à alimenter d’autres budgets…  

Ce sont les éléments exogènes qui nous amènent à cette situation, pas une mauvaise gestion. Et encore une fois, le scenario le plus pessimiste donc le plus prudent 

La « Gemapi », cette taxe liée spécifiquement à la lutte contre les inondations, responsabilité transférée officiellement par l’Etat il y a plusieurs années déjà, va aussi hausser le ton et produire 7,5 M€ contre 5,8 M€ l’an passé, « là encore pour répondre aux besoins et non pour combler des recettes manquantes ». Entre gel de la TVA et ralentissement économique – bon signe cependant le versement transports qui fait budget « à part » progresse sans augmenter les taux – les autres recettes fiscales sont en « fléchissement » : 189,9 M€ contre 193,1 M€ en 2025. En face des 385 M€, il y en aurait pour 340 M€ de dépenses de fonctionnement en 2026, en hausse de 8 M€. La seule gestion des déchets se prend en effet + 5,1 M€ entre nouveau contrat de délégation au privé à + 2 M€, tri, stockage résiduel, « lutte contre les déchets diffus ».

La capacité à se désendetter s’étiole

« Pas de nouveaux postes » mais une augmentation mécanique (effets ancienneté et revalorisations décidées au niveau national) des charges de personnel ; de 99,1 M€ à 102,2 M€. Pour le reste, + 1,2 % de dépenses de fonctionnement liées aux interventions des autres services, « augmentation égale ou même sous l’inflation ». Le reversement aux communes est maintenu à 104,8 M€, la subvention au budget transports aussi, à 5 M€. Les interventions diverses augmentent en revanche de 101,1 à 106 M€. Enfin, les intérêts de la dette se maintiennent à 20,5 M€ grâce à la disparition de certains prêts coûteux. Heureusement… Car dans le même temps, l’encours de la dette avec pas moins de 87 M€ de nouveaux emprunts envisagés (+13 M€ liés à l’année blanche FCTVA, soit 100 M€) grimperait au 1er janvier 2026 à 394 M€.

La capacité de remboursement de la dette s’élèverait ainsi à 10,5 années, soit à 18 mois près de la cote d’alerte imposant un plan de redressement à la collectivité… Marquant à ce moment-là, une pause, le mesuré Christian Julien commentait par un insistant et répété : « C’est une alerte chers collègues. » Une alerte encore théorique mais une alerte quand même. Rappelons que la capacité de désendettement s’était améliorée jusqu’à il y a peu, passant 6,1 ans en 2018 à 4,6 ans en 2023. Mais, depuis progresse chaque année. En 2026, cela ferait passer l’annuité de la dette 54,5 M€ à 57,5 M€ et l’exigence du remboursement du capital de cette même dette de 34 à 37 M€. Niveau épargne nette, c’est la chute libre faisant penser à la situation du Département de la Loire il y a 2 ou 3 ans (collectivité très en difficulté passée en quelques exercices de + 51,1 M€ en 2021 à – 23 M€ en 2025 à ce chapitre là).

L’exécutif métropolitain jeudi lors de la présentation de Christian Julien, 3e en partant de la gauche. ©If Saint-Etienne / XA

Cette épargne nette si capitale pour lever l’emprunt et « s’autofinancer » sur les investissements est quasiment divisée par deux, tombant de 15,5 M€ à 8 M€. Il y a effectivement nécessité d’espérer que les objectifs de Lecornu sont en dessous de la barre fixe ou pas envoyée au Sénat… « Ce sont les éléments exogènes qui nous amènent à cette situation, pas une mauvaise gestion. Et encore une fois, le scenario le plus pessimiste donc le plus prudent », vont arguer et devront répéter Sylvie Fayolle et Christian Julien. Reste que les investissements projetés dans ce contexte vont tout de même s’élever à 145 M€ en 2026 (160 en 2025), niveau que l’audit des finances par un cabinet extérieur présenté à l’automne comme « risqué » au regard du contexte, et cela dès 2025 / 2026, comme pour les années suivantes, jusqu’en 2030. Le prix de la sécurité étant de se « limiter » à 100 M€ par an… Et même l’amour du risque obligeait à ne pas dépasser les 100 après 2030. Or, pour rappel, des murs d’investissements arrivent, à commencer par un incinérateur à environ 200 M€ (avec l’aide d’autres intercommunalités) à réaliser d’ici 5 ans pour reléguer à l’Histoire l’enfouissement des déchets et s’éviter de très lourdes amendes.

Métropole paie son « emballement »

Mais on apprend de la bouche de Sylvie Fayolle, que les renoncements d’investissement pourtant ne manquent pas : de l’ordre de 32 à 38 M€ rien que pour cette année 2026… Cela alors que la Métropole a déjà éliminé du champ la fameuse nouvelle patinoire ! Cependant, le minimum clamé par le pacte fiscal et financier – présenté si brusquement à la presse en 2021 sans préciser, ne serait-ce que les grandes lignes d’investissement le justifiant – des 800 M€ sera bien atteint. Si on veut relativiser le catastrophisme ambiant, il est important de souligner que c’est le double du précédent mandat (une centaine de millions est cependant liée aux transferts de compétence du Département). Mais avec cette manne attendue, c’est davantage une euphorie il y a 4 ans qui a irrigué les idées de projets des vice-présidences en supposant que le « maximum » espéré allait être atteint : il était en effet alors question, d’une nette possibilité de parvenir à cumuler 1 milliard voire 1,2 Md€ d’investissements sur ce mandat.

Les bases restent seines mais en revanche, le PPI – Plan pluriannuel d’investissements – n’a pas été suffisamment cadré au départ. L’erreur est là. 

Sylvie Fayolle

L’heure n’est pas encore à la Bérézina, ni à la retraite en bon ordre, mais au gros coup de frein, face à ce qui a été « un emballement », résume Sylvie Fayolle. Elle ajoute : « Le problème n’est pas la gestion. Les bases restent seines mais en revanche, le PPI – Plan pluriannuel d’investissements – n’a pas été suffisamment cadré (par exemple quoi à coup sûr 800 M€ ; quoi à 1 Md€, etc., Ndlr) au départ. L’erreur est là. » Personne dans l’assistance pour la contredire. Ni pour contester que la situation s’explique en bonne partie par le contexte national. En « bonne partie » car pas non plus à 100 % selon plus d’un. La gestion menée et l’ambition portée avec depuis plusieurs années s’exposent tout de même à de nombreuses critiques. Celles déjà entendues ces dernières années et qui vont trouver leur répétition finale sur cette fin de mandat :   

« Sur ce mandat, nous avons dérivé »

Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière, réclame que l’on se dote d’un logiciel d’analyse permettant de mettre en évidence ce qu’il estime un trop gros déséquilibre d’investissements entre ville centre et les autres au fort détriment des secondes. Jean Duverger pour les écologistes stéphanois : « Un mandat s’achève, certes, mais est-il responsable de laisser à d’autres le soin de devoir assumer la rudesse de choix que l’on n’aura pas su ou voulu faire ?  Des dépenses prévisibles et même indispensables, par exemple, une obligation à venir d’investir dans les infrastructures de transport pour 58 à 62 M€ n’est pas prise en compte. La situation difficile à laquelle nous sommes confrontés ne permet pas de réfléchir à une nouvelle manière de définir nos priorités et d’éclairer les décisions douloureuses. Il est sans doute temps d’aller à l’essentiel vis-à-vis du changement climatique, de prioriser la sauvegarde de la santé de nos concitoyennes et concitoyens en leur assurant un accès sécurisé à leurs besoins vitaux. » 

Maire de Saint-Jean-Bonnefonds Marc Chavanne, pour qui les coûts d’opération métropolitains lui semblent trop supérieurs à l’équivalent fait par une municipalité, estime que l’agglomération a obéré l’avenir avec six années écoulées. « Le pacte financier et fiscal, voté soi-disant à l’unanimité et ses 800 M€ du plan de mandat n’étaient pas finançables et on a fait semblant de pas le voir. On ne peut pas toujours se cacher derrière le petit doigt de l’État, il faut regarder notre propre responsabilité. Et, sur ce mandat, nous avons dérivé. » Il votera contre ce budget, en responsabilité de cet avenir, même s’il ne nie pas le travail, les efforts réalisés pour limiter les dégâts. Il s’interroge, en outre sur ce qu’il estime avoir été une démagogie de baisser le prix de l’eau, et l’avenir des routes du territoire directes ou délégués aux communes, beaucoup trop sous doutées financièrement.

Elles sont certes plus essentielles qu’une patinoire. Mais hélas, il n’y a pas que les routes qui empruntent un chemin très incertain.