Nous avons toujours cru que notre conscience émergeait de l’activité électrochimique de nos neurones, une sorte de propriété émergente de la complexité cérébrale. Pourtant, une physicienne suédoise vient de publier une théorie qui bouleverse cette certitude : et si c’était exactement l’inverse ? Et si la conscience existait avant la matière, avant le temps, avant l’espace lui-même ? Maria Strømme, professeure à l’Université d’Uppsala, propose un modèle mathématique où la réalité telle que nous la connaissons n’est qu’une conséquence de quelque chose de bien plus profond.
Quand une spécialiste des nanomatériaux réécrit les lois de l’univers
Maria Strømme n’est pas une philosophe en quête de spéculations vaporeuses. C’est une scientifique rigoureuse, spécialisée en nanotechnologie et science des matériaux. Son quotidien consiste normalement à étudier les structures atomiques, la matière à l’échelle la plus infime. Pourtant, elle vient de publier dans la revue AIP Advances une théorie qui opère un saut vertigineux : des nanomatériaux aux fondements mêmes de la réalité.
Son article, désigné meilleur papier du numéro et mis en couverture, propose un cadre théorique formulé dans le langage mathématique de la physique quantique. Pas de métaphysique floue ici, mais des équations, des prédictions vérifiables et une ambition scientifique assumée : décrire comment fonctionne réellement notre univers.
L’hypothèse centrale tient en une phrase qui fait vaciller nos certitudes : la conscience précède tout le reste. Le temps, l’espace, la matière ne seraient que des manifestations secondaires d’un champ de conscience fondamental.
Un renversement total de perspective
Selon le modèle de Strømme, ce que nous appelons matière n’est pas la brique élémentaire de la réalité, mais plutôt une représentation, voire une illusion. Pour une ingénieure habituée à considérer la matière comme fondamentale, cet aveu représente un virage conceptuel majeur.
Dans ce cadre théorique, les consciences individuelles ne sont pas des îlots isolés produits par des cerveaux séparés. Elles constituent des portions d’un champ de conscience plus vaste et interconnecté, comparable à des vagues à la surface d’un océan unique. Notre sentiment de séparation, notre impression d’être des entités distinctes, découlerait d’une perception limitée de cette réalité unifiée.
Cette vision rejoint étrangement celle explorée par les pionniers de la physique quantique. Einstein, Schrödinger, Heisenberg et Planck ont tous, à différents moments, évoqué des intuitions similaires. Strømme reconnaît s’appuyer sur plusieurs des pistes qu’ils ont ouvertes, tout en poussant le raisonnement bien au-delà.
Quand le mystique rencontre le mesurable
L’une des conséquences les plus troublantes de ce modèle concerne des phénomènes habituellement relégués aux marges de la science : la télépathie, les expériences de mort imminente, certaines formes d’intuition inexpliquée. Si nos consciences baignent effectivement dans un champ partagé, ces manifestations cesseraient d’être paranormales pour devenir des expressions naturelles, bien que rares, de cette interconnexion.
Strømme ne prétend pas que ces phénomènes existent nécessairement, mais que son modèle offre un cadre permettant de les étudier scientifiquement plutôt que de les rejeter a priori. Elle propose des prédictions vérifiables en physique, en neurosciences et en cosmologie, transformant ainsi des spéculations philosophiques en hypothèses testables.
Sa théorie suggère également que la conscience individuelle survit à la mort physique, retournant au champ universel dont elle a émergé. Une affirmation audacieuse, formulée non comme une croyance consolante, mais comme une conséquence logique des équations qu’elle a développées.
Source: DRCrédits : agsandrew/istockScience moderne et sagesses anciennes
Paradoxalement, cette théorie ultra-contemporaine résonne avec des intuitions millénaires. Les textes sacrés des grandes traditions religieuses évoquent depuis longtemps une conscience interconnectée, une unité fondamentale derrière la diversité apparente du monde. La Bible, le Coran, les Védas hindous : tous décrivent, dans leur langage métaphorique, quelque chose qui ressemble étrangement au champ de conscience que Strømme tente de modéliser mathématiquement.
Pour elle, ces convergences ne sont pas anodines. Les auteurs anciens ont peut-être perçu intuitivement des vérités que la science commence seulement à pouvoir formuler rigoureusement. Les premiers physiciens quantiques sont arrivés à des conclusions similaires par des méthodes expérimentales. Il serait peut-être temps que les sciences naturelles modernes explorent sérieusement ces questions avec leurs outils les plus affûtés.
Un changement de paradigme en gestation
Strømme compare explicitement sa proposition aux grands bouleversements de l’histoire scientifique : la découverte que la Terre est sphérique, la révolution copernicienne qui a détrôné notre planète du centre de l’univers. Chaque fois, l’humanité a dû abandonner une évidence pour embrasser une réalité contre-intuitive.
Si ce modèle devait être validé, il marquerait peut-être le début d’une nouvelle ère dans notre compréhension de ce que nous sommes et de la place que nous occupons dans l’univers. En attendant, les prédictions sont posées. La science fera son travail de vérification.