Par
Laurène Fertin
Publié le
27 nov. 2025 à 18h40
Ils sont moins d’une trentaine à avoir passé la nuit dehors, devant le Département d’Ille-et-Vilaine, à Rennes, dans la nuit du mercredi 26 au jeudi 27 novembre 2025. Les mineurs non accompagnés (MNA), qui occupaient notamment l’espace social commun Simone Iff – après avoir été expulsés du parc de Maurepas en octobre -, ont sollicité un rendez-vous. Réunis en Collectif (le Collectif des mineurs isolés en danger 35), ces derniers ont demandé qu’une solution pérenne d’hébergement leur soit trouvée, alors qu’ils devront quitter les lieux d’ici au 3 décembre 2025. Un entretien s’est finalement conclu… Sans solution. Pour quelles raisons ?
Dans l’attente d’un rendez-vous
« Un rendez-vous avait été programmé [mercredi 26 novembre à 17h, N.D.L.R] avec Anne-Françoise Courteille, vice-présidente au Département déléguée à la protection de l’enfance et à la prévention », rembobine Fabien, coordinateur et salarié de l’association Utopia 56 à Rennes, « mais il a finalement été annulé. »
« Ils ont demandé à être reçus », corrige Anne-Françoise Courteille, auprès de la rédaction d’actu Rennes, « à condition qu’ils cessent leur manifestation et en précisant que, malheureusement, ce n’était pas moi qui avais les solutions. » Mais le Collectif a refusé.
« À même le sol »
« Hier soir », raconte Alpha, 16 ans, « on a donc dormi devant le Département pour continuer de protester, dans des sacs de couchage. C’était dur, il faisait froid. »
Nous avons cherché d’abord du matériel, des tentes. Mais la police nous a repoussés une première fois. Nous avons commencé à nous installer et les forces de l’ordre se sont un peu énervées.
Fabien
Coordinateur et salarié de l’association Utopia 56 Rennes
Sur place, l’ordre a été donné aux migrants de ne pas installer de tentes, ni de banderoles revendicatives. « Ils ont donc dormi à même le sol », souligne Fabien.
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« L’État est compétent »
Dans la matinée, toutes et tous espéraient obtenir une entrevue avec le Département et redoutaient de passer, une nouvelle fois, la nuit dehors. Ce jeudi 27 novembre, c’est chose faite : un rendez-vous a été conclu entre Anne-Françoise Courteille et une délégation du Collectif des mineurs isolés en danger 35 – à condition, là aussi, que toute manifestation cesse. Ces derniers ont fini par accepter.
« En réalité, un précédent entretien avait eu lieu il y a 15 jours », précise-t-elle. « C’était un rendez-vous qui avait été programmé de longue date, bien avant qu’ils soient évacués du parc de Maurepas. » Lors de ce même entretien, les quatre jeunes présents « ne comprenaient pas pourquoi ils avaient été jugés majeurs, et non mineurs » lors de leur évaluation par les services du Département, résume la vice-présidente. Tous et toutes sont actuellement en recours auprès du juge des enfants, afin de contester cette évaluation.
Aujourd’hui, je leur ai dit que je ne pouvais pas être à l’écoute de leurs parcours, de leur histoire, que je n’avais pas les solutions, que le cadre de la loi est celui-ci : l’État est compétent en matière d’hébergement pour ces personnes exilées majeures.
Anne-Françoise Courteille
Vice-présidente au Département déléguée à la protection de l’enfance et à la prévention
Comme le précise la vice-présidente, le statut de mineur non accompagné (MNA) repose sur « un statut juridique précis ». S’ils sont jugés majeurs, lors de leur évaluation, alors les exilés ne dépendent pas du ressort du Département qui a compétence en matière de protection de l’enfance, mais de l’État. Cela tombe effectivement dans le domaine du droit commun applicable aux étrangers. Quand bien même il existe un recours juridique.
« Au cas par cas »
« Nous avons des échanges tous les jours avec la Préfecture », assure-t-elle, « nous sommes conscients que ces personnes se trouvent dans une grande détresse. »
« La Préfecture peut en effet intervenir si ces personnes présentent « un caractère de vulnérabilité, à savoir, par exemple, d’avoir des enfants ou présenter un problème de santé. »
Mais comme il n’y a pas pléthore de logements, et que les solutions d’hébergement sont minces, compliquées, les situations s’analysent au cas par cas.
Anne-Françoise Guillet
Vice-présidente au Département déléguée à la protection de l’enfance et à la prévention
Le grand écart des chiffres
Selon le Département, en Ille-et-Vilaine, entre 18 et 20 % des recours se concluent par la reconnaissance de la minorité des personnes exilées. Selon le collectif Utopia 56 Rennes, ce chiffre atteint 60 à 70 %.
Le Département « ne fait rien »
Pour le Collectif, et l’association Utopia 56, cet échange a été « très mal vécu » ce jeudi, indique Fabien, coordinateur de l’association.
Le Département refuse toute ouverture. Le Département ne fait rien pour ces jeunes. Pourtant, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) précise que la présomption de minorité s’applique et qu’ils doivent être protégés jusqu’à preuve du contraire. Et le Département détient la compétence en matière de protection de l’enfance.
Fabien
Coordinateur et salarié de l’association Utopia 56 Rennes
« La France est signataire de cette convention et s’est déjà faite épinglée à ce sujet par l’ONU », abonde Fabien.
Le jeune homme avance par ailleurs un problème de budget : « Nous savons que les départements sont en souffrance, car ils sont moins dotés par l’État. Pourquoi ne pas mener des accords tripartites avec la Préfecture et la Ville de Rennes, si c’est une question de budget ? Cela existe à Lille, à Lyon ou encore à Tours. Et ce n’est pas sans peine : c’est parce qu’il a des collectifs qui luttent pour. »
Le Collectif, ainsi que l’association Utopia qui les accompagne, continueront de « clamer » la minorité des jeunes exilés. « Ce soir, ils organisent de nouveau un rassemblement devant le Département », indique Fabien. « Pour le reste des actions, on ne sait pas encore, ce sont eux qui décideront. »
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