Alors que Bruxelles tente de dresser des
remparts commerciaux contre l’Asie, l’Espagne accueille à bras
ouverts le Chinois CATL pour bâtir, avec l’aide de Stellantis et de
fonds européens, l’une des plus grandes usines de batteries du
continent.

Les travaux de la méga-usine de batteries de CATL et Stellantis
ont débuté ce mercredi à Figueruelas (Aragon), un projet titanesque
de 4,1 milliards d »euros. Pour tenir des délais serrés et garantir
la maîtrise technique, environ 2000 travailleurs chinois débarquent
sur le site. L’usine produira dès fin 2026 des batteries LFP
(Lithium-Fer-Phosphate), une technologie essentielle pour la
démocratisation de la voiture électrique, mais que l’Europe ne
maîtrise pas encore.

Quand le maître devient l’élève

Pendant des décennies, l’Europe a montré au monde comment
construire des voitures. Aujourd’hui, elle se retrouve en
position d’élève
avec des ingénieurs venus de Chine lui
expliquent comment produire les composants des véhicules de demain.
L’aveu est venu de David Romeral, une figure locale du secteur
automobile en Aragon : « Nous ne connaissons pas cette
technologie, ces composants, nous ne les avons jamais fabriqués
auparavant », a-t-il dit. Avant d’ajouter : « Ils ont des
années d’avance sur nous. Tout ce que nous pouvons faire, c’est
regarder et apprendre. » Cette déclaration résume à elle seule
le gouffre qui sépare désormais les ambitions européennes de la
réalité industrielle chinoise.
CATL
ne vient pas seulement poser des briques, l’entreprise
débarque avec une avance technique que le Vieux Continent n’a pas
su anticiper.

Le projet est colossal. On parle ici de 4,1 milliards
d’euros pour sortir de terre ce qui deviendra la plus grande usine
de

batteries
d’Espagne. C’est le
plus gros investissement chinois jamais réalisé dans le pays. Mais
pour que la machine tourne, il va falloir former du personnel.
L’entreprise chinoise va devoir former jusqu’à 4000
travailleurs
. Pourquoi ? Parce que le savoir-faire
n’existe tout simplement pas sur place. Le directeur des affaires
publiques de l’entreprise a rappelé que la production de batteries
demande une « expertise opérationnelle accumulée sur de
nombreuses années ». Et c’est là tout le paradoxe. L’Union
européenne, via ses fonds, subventionne ce projet à hauteur
de 300 millions d’euros
. L’argent du contribuable européen
sert donc à financer une dépendance technologique, dans l’espoir
qu’un jour, peut-être, le transfert de compétences soit suffisant
pour voler de ses propres ailes. L’Espagne,
deuxième constructeur automobile européen, n’a pas vraiment le
choix. Elle se positionne comme le futur hub de la batterie sur le
continent, attirée par des coûts de main-d’œuvre attractifs et
une énergie environ 20 % moins chère que la moyenne de
l’UE
.

Madrid face aux inquiétudes sociales

Tandis que les technocrates de Bruxelles élaborent des plans
pour durcir les règles d’approvisionnement local et protéger les
sous-traitants européens, Madrid joue une tout autre partition.
L’Espagne a choisi son camp, quitte à froisser
quelques sensibilités. Les relations commerciales entre l’Espagne
et la Chine sont au beau fixe, entretenues par des visites de haut
niveau, dont un déplacement du roi et d’un groupe de ministres.
Lors de la cérémonie, Jordi
Hereu
, le ministre espagnol de l’Industrie, n’a pas tourné
autour du pot. Pour lui, le transfert de technologie est
« fondamental »
. L’Espagne est « prête à
collaborer avec tous les pays du monde, en particulier la
Chine », a-t-il martelé.
La question de l’emploi est le point sensible de cette usine, celui
qui fait grincer quelques dents dans les syndicats. Des rumeurs
relayées par certains médias évoquent l’arrivée de 2000
travailleurs chinois pour assurer la phase de construction

et de démarrage. Andy Wu, le patron de la coentreprise, a botté en
touche quand la question lui a été posée, préférant insister sur le
fait que la sélection des sous-traitants était encore en cours. Il
assure toutefois que la proportion de personnel chinois
finira par tomber sous la barre des 10 %
. Mais dans
l’immédiat, pour que l’usine sorte de terre et commence à produire
fin 2026, il faudra bien importer les compétences là où elles se
trouvent. Pour rassurer tout le monde, des programmes de formation
avec les universités locales sont prévus, et certains employés
espagnols seront même envoyés en Chine pour se former à la source,
dans les usines mères de CATL. C’est le prix à
payer
. L’Espagne accepte d’être le laboratoire de cette
nouvelle ère industrielle où l’Europe, pour ne pas sombrer, doit
accepter la main tendue de son plus grand rival.