« Malheureusement, quand vous êtes dans ce milieu, c’est des méthodes, c’est des risques… C’est subir ou faire subir. » Le prévenu qui s’exprime d’une voix posée à la barre du tribunal correctionnel de Toulon fait partie des cent détenus réputés les plus dangereux de France. L’homme âgé de 29 ans a été transféré cet été dans la nouvelle prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).

Soupçonné d’être impliqué dans plusieurs règlements de comptes – « je reste présumé innocent » – ce membre probable de la DZ Mafia conteste cette affiliation mais reconnaît avoir commandité depuis le centre pénitentiaire d’Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) une action violente, à La Seyne-sur-Mer, le 28 janvier 2024. Il a été condamné ce mercredi soir à 7 ans d’emprisonnement notamment pour « participation à une association de malfaiteurs ».

« J’ai appris en détention qu’un Toulonnais a volé des Lyonnais, j‘ai voulu m’emparer de cette dette, j’ai décidé d’envoyer une équipe », résume en substance Babayaga – l’un de ses surnoms – sans s’étendre sur l’identité du créancier délesté de plusieurs dizaines de kilos de résine de cannabis. Un habitant de La Seyne, Arnaud (son prénom a été modifié), a été désigné comme étant le débiteur.

Selon ce Seynois âgé de 25 ans, un trafiquant de drogue toulonnais (et non lyonnais) l’a accusé d’avoir détourné trois valises marocaines sur les dix qui étaient stockées chez un cousin. Il se trouve que ce narcotrafiquant (qui n’a pas pu être interrogé à la faveur d’une cavale) a partagé la cellule de Babayaga… « Peut-être que cette histoire est vraie », lâche le prévenu sans confirmer cette version. « Vu que la somme était importante, j’ai décidé d’agir en conséquence, de mettre le plus de pression possible, d’être le plus effrayant possible. »

Arnaud a d’abord reçu des messages menaçants. « Oh frère voilà, s’il n’y a pas les affaires qui sortent d’ici quarante-huit heures, je fais tuer un membre de ta famille… », « Tu as affaire à la DZ Mafia, il vaut mieux que tu rendes les affaires que tu as volées. » Le portail de son domicile dans un quartier résidentiel de La Seyne a également été la cible de tirs par arme à feu.

Un recrutement via téléphone portable

Ensuite, pour accroître encore la pression sur le jeune homme, Babayaga a chargé un codétenu de constituer une équipe afin de lui adresser « le dernier avertissement ». Le recrutement du commando s’est effectué via des applications de messagerie.

« Ça cherchait des jeunes pour cambrioler une maison », minimise Mehdi, un trentenaire qui a fait le déplacement depuis Nîmes en train après avoir répondu à une petite annonce diffusée sur Telegram.

Trois autres recrues, dont deux mineurs, ont également accepté la mission. « C’était juste pour faire peur », avoue Ryan, jusque-là sans antécédent judiciaire. Les instructions données par Babayaga via un groupe créé sur le réseau crypté Signal sont plus explicites : « Crosser tout le monde : maman, papa, handicapés… S’il y a des enfants on n’y touche pas. »

Il a fallu aussi dénicher un chauffeur pour transporter l’équipe ainsi constituée jusqu’à La Seyne. « J’ai besoin d’un pilote pour menacer (…) Je te donne 4 000 euros, juste tu les montes », a écrit le recruteur dans un message adressé à une connaissance via Snapchat. Lui non plus n’avait pas encore 18 ans.

« Je les connais pas, je ne peux pas deviner qu’il y a des mineurs, je n’ai pas fait d’entretien d’embauche », réagit le commanditaire tancé à l’audience par la procureure.

La complicité d’une logisticienne

L’adolescent-chauffeur est allé récupérer la Citroën C3 dans le XVe arrondissement de Marseille. Le véhicule était sous-loué 500 euros par semaine par l’intermédiaire de Médusa – un alias – présentée comme la compagne d’un cadre de la DZ Mafia. « Elle n’appartient à aucun groupe criminel, ce qui l’amène ici ce sont ses liens avec Yacine B. », insiste son avocat, Me Mehdi Akroum.

« J’ai assumé ma responsabilité dans des affaires beaucoup plus graves », indique-t-elle en référence au rôle de logisticienne qu’on lui attribue dans deux affaires criminelles pas encore jugées. « Ce n’est qu’une fois en garde à vue que j’ai compris à quoi ma voiture a servi », jure Médusa, 27 ans, qui comparaît par visioconférence depuis la prison des Baumettes.

Rendez-vous a été donné en pleine nuit sur le parking de la gare de Septèmes-les-Vallons au nord de la cité phocéenne. Le commando, qui patientait dans une Twingo volée, est monté à bord de la C3. Et la voiture a pris la direction de La Seyne via l’autoroute A50. Arnaud et sa compagne n’imaginaient alors pas ce qui les attendait. « On devait le secouer, tout casser à l’intérieur et prendre tout ce qu’on voulait », selon l’un des jeunes mis en cause.