MAGALI COHEN / Hans Lucas via AFP
Mathilde Panot et Manuel Bompard applaudissent lors d’un débat sur la nationalisation d’ArcelorMittal lors d’une journée parlementaire réservée au groupe LFI-NFP, le 27 novembre 2025.
C’est un déluge de messages enthousiastes d’élus LFI qui s’est déversé sur le réseau social X. Après des heures de discussions, l’Assemblée nationale a adopté, tard dans la soirée de jeudi 27 novembre, en première lecture, une proposition de loi de La France insoumise visant à nationaliser ArcelorMittal France. Et ce, dans un contexte de grande difficulté pour la sidérurgie française.
À l’issue du scrutin les Insoumis ont salué une « victoire historique » par la voix de leur cheffe de groupe Mathilde Panot. Jean-Luc Mélenchon a lui lu dans le scrutin une « page d’histoire à l’Assemblée nationale », écrit-il sur son compte X. « Malgré l’obstruction de l’extrême droite et l’opposition de la Macronie, c’est une grande réussite », s’est encore félicité l’Insoumise Clémence Guetté.
Toutefois, l’avenir de la proposition de loi est hautement incertain, car il lui sera difficile d’être adopté au Sénat, dominé par la droite et le centre.
Le Sénat « ne votera jamais votre loi »
En dépit de débats tendus, entre LFI accusant le RN d’obstruction, et le groupe de Marine Le Pen reprochant aux Insoumis de susciter de « faux espoirs » pour les ouvriers, le texte a été adopté par 127 voix contre 41.
Il a reçu le soutien de la gauche (insoumis, socialistes, écologistes et communistes) et le RN s’est abstenu. Le PS défend davantage une « mise sous tutelle » qu’une nationalisation, mais a quand même voté le texte. Le camp gouvernemental, peu mobilisé jeudi, a voté contre.
La loi « ne sera pas appliquée », a prédit le député Horizons Sylvain Berrios. Le Sénat, dominé par la droite et le centre, « ne votera jamais votre loi et il n’y aura pas de nationalisation avant la présidentielle », a lancé Jean-Philippe Tanguy (RN).
« Je ne vois pas pourquoi nous n’y arriverons pas (…) plus ça ira, plus on verra comme une évidence politique qu’il faut nationaliser ArcelorMittal », a répliqué la rapporteure Aurélie Trouvé. Son texte dispose que « la société ArcelorMittal France est nationalisée », et prévoit un mécanisme pour déterminer sa valeur (le coût d’une nationalisation est chiffré à trois milliards d’euros).
Pour le gouvernement, la réponse se trouve « à Bruxelles »
Les Insoumis y voient « l’unique solution » pour sauver la filière et ses 15 000 emplois directs, a insisté Aurélie Trouvé. Avec pour objectif de lutter contrer le plan social annoncé en avril et relancer la décarbonation des hauts-fourneaux.
Le gouvernement y est au contraire défavorable, le ministre de l’Industrie Sébastien Martin avertissant que la loi « fragiliserait l’emploi au lieu de le protéger », et estimant que la menace vient plutôt d’un « tsunami » d’acier asiatique.
Pour lui, la réponse se trouve « à Bruxelles », rappelant que la France a obtenu un plan d’urgence européen : au-delà d’un certain volume d’importations, des droits de douane de 50% seront appliqués pour freiner la concurrence chinoise, mesure que Paris veut rendre effective dès 2026.
« Arrêtez de faire croire qu’un changement de propriétaire, ça résoudra (le) problème » des salariés d’ArcelorMittal, a abondé Marie Lebec (Renaissance).
Sur le fond, le RN, qui capte une large partie du vote ouvrier, n’est pas favorable non plus à une nationalisation. Le groupe de Marine Le Pen plaide pour une « golden share », droit de veto de l’État sur les décisions stratégiques sans gestion directe.
Faire monter la pression politique
L’examen du texte s’est déroulé sous la surveillance de salariés de l’entreprise, certains ont été salués dans les tribunes des spectateurs par les députés.
À l’appel de la CGT, quelque 300 personnes selon un source policière, venus en bus des sites du Nord et de Moselle, ont manifesté dans la matinée sur l’esplanade des Invalides, à proximité de l’Assemblée, pour soutenir le texte. Fumigènes en mains, des militants CGT ont fait détonner des pétards, mais aucun incident n’a été signalé, selon la même source policière.
Syndicats comme mouvements de gauche s’accordent à faire monter la pression politique. « Le plan acier est en train de passer au Parlement européen. Il sera voté le 3 décembre. Donc ça veut dire qu’il faut qu’on tienne la pression jusque là-bas », souligne Gaëtan Lecocq, délégué CGT à Dunkerque.