Selon Notaires de France, la décote des maisons anciennes classées G vendues par rapport à celles notées D cédées est passée d’une moyenne de – 17 % en 2021 à – 25 % en 2024 (1).
« Il est certain qu’aujourd’hui l’étiquette énergétique a une grosse incidence sur le prix de vente d’une maison ancienne. Mais n’allez pas faire croire que pour son estimation, nous appliquons simplement cette moins-value calculée par les Notaires sur la base des ventes enregistrées. Chaque bien est un cas d’espèce. Et l’on prend toujours en compte d’abord l’adresse, la valeur du foncier, la situation, l’exposition et ensuite le bâti » résume Hervé Fancéa, expert immobilier d’Artémis Immobilier Conseil (Goncelin).
Et ce bâti n’est pas seulement estimé au regard de sa performance énergétique. « Au moment de l’estimation, c’est la notion de travaux à réaliser de façon générale qui est pris en compte, et si tout est à refaire, souvent la non performance énergétique va avec » précise Jérémy Segonds, fondateur de l’agence 4 Y Immobilier (Varces).
Pour leur estimation, les professionnels n’ont d’ailleurs pas toujours le diagnostic de performance énergétique en main. Ce DPE est obligatoire pour la mise en vente du bien.
La loi n’impose pas la réalisation des travaux
Les vendeurs de maisons (2) classées G et F au DPE doivent aussi faire réaliser un audit énergétique déclinant les travaux à effectuer pour atteindre la lettre A ou B sans étapes et avec étapes.
Depuis le 1er janvier 2025, cette obligation a été étendue à celles classées E. S’il apporte une estimation plus détaillée du coût des travaux d’amélioration énergétique, l’audit reste, comme le DPE, informatif.
La loi n’impose pas la réalisation de ces travaux si l’acquéreur veut y vivre. Seul cas d’obligation : l’usage locatif de la maison. Les biens avec un DPE G sont en effet interdits à la location depuis le 1er janvier 2025.
Et l’interdiction de ceux notés F est fixée au 1er janvier 2028. « Mais ce qui n’était au départ qu’une information est aujourd’hui vécue comme une obligation et certains acquéreurs potentiels fuient désormais ces maisons énergivores. Une étiquette F peut totalement gommer ses atouts comme un grand terrain constructible, l’absence de nuisance routière… » se désole Séverine Desbrus, conseillère immobilière en région grenobloise et dans l’Oisans.
Et elle complique son financement si l’acquéreur doit emprunter.
Mais le crédit bancaire peut en dépendre
« Aujourd’hui, les banques vérifient pour ces biens énergivores que vous avez les moyens de financer les travaux en plus du prix d’achat et des frais dits de notaires » résume Stéphane Chaissé, fondateur de l’agence SCH Immobilier & Associés (Grenoble) et président de la Fnaim 38.
Elles peuvent demander à l’acheteur un nouveau diagnostic sur les travaux qu’il prévoit pour atteindre au minimum la classe D.
« Lorsqu’un acquéreur potentiel nous sollicite pour un prêt, la question prédominante est aujourd’hui la classe énergétique du bien car certaines étiquettes créent des restrictions, voire des blocages. Si c’est G, il faut prévoir des devis de rénovation précis et une surface financière suffisante pour financer les travaux avec autant d’épargne ou une capacité d’emprunter la somme pour les réaliser » note le courtier Sébastien Duclos, associé gérant de Court’éa Crédits (Grenoble).
En cas de saisie du bien pour non remboursement du prêt, les banques veulent pouvoir le revendre en D et pas en E,F ou G.
« Aujourd’hui, le DPE fait la pluie et le beau temps » résume Séverine Desbrus. Et même si certains vendeurs peinent à entendre cette réalité, la négociation s’effectue au regard du montant des travaux énergétiques à engager.
Et gare à ceux qui sous-estimeraient cet impact. « Le risque est grand que l’acquéreur potentiel fasse le forcing au vue des devis qu’il aura fait faire » prévient Jérémy Segonds.
Si les travaux nécessaires font d’emblée fuir certains acquéreurs, certains s’y résolvent pour trouver une maison dans le secteur qu’ils visent à l’instar ce couple de trentenaires qui espère pouvoir rénover dans le sud grenoblois une maison de 1960 classée F.
Des aides précieuses mais incertaines
« Elle rentre dans notre budget, dispose d’une belle surface et nous permettrait d’être au frais l’été tout en conservant notre mode de déplacement à vélo » résument-ils.
Leur offre à 390 000 € a été acceptée par le vendeur. D’autres y voient l’occasion de monter un projet d’habitat partagé comme ces couples associés pour acheter 335 000 € une vieille ferme du pays voironnais classée G et aménager leurs appartements sur ses 270 m² potentiellement habitables.
Et pour ceux soucieux de réduire au maximum leur impact environnemental, l’achat d’une maison passoire thermique peut être aussi l’opportunité de l’aménager selon leurs convictions.
Tous peuvent solliciter l’aide des structures d’accompagnement à la rénovation énergétique mises en place par l’État et les collectivités locales. Leurs conseils sont précieux pour définir le périmètre des travaux.
Pour tenter aussi d’obtenir des aides financières de l’État comme MaPrimeRénov’ ou de sa collectivité territoriale comme la prime MurMur de la Métropole grenobloise…
Si ces aides constituent un bonus pour le financement de la rénovation, elles ne peuvent pas être incorporées au montage financier de l’achat car versées une fois les travaux terminés.
Et mieux vaut être prudent dans la projection de leur emploi, car elles peuvent fluctuer à l’instar de MaPrimeRénov’, stoppée en juin et aux critères d’éligibilité resserrés depuis le 30 septembre.
(1) sources : Note de conjoncture Notaire de France octobre 2025, calcul Adnov à partir des bases de données des notaires de France Bien et Perval
(2) sont exclues les maisons en copropriété, dite copropriété « horizontale »