Je n’ai rien à dire et je le dis – sur la rétrospective Gerhard Richter
« Je m’efforce de peindre une image de ce que j’ai vu et de ce qui m’a ému, le mieux possible. C’est tout. » Le peintre allemand Gerhard Richter, à plus de 90 ans, démontre le pouvoir de la peinture, ainsi que les formes multiples de cette affirmation. L’ample rétrospective de la Fondation Louis-Vuitton parcourt le gris, les couleurs, le flou caractéristiques de ses peintures, sculptures, dessins.
C’est un paradoxe et une forme de laconisme qui lui a collé à la peau, une sentence reprise à John Cage qui l’avait formulée devant un parterre de peintres, qui en fit le titre d’un film documentaire et qu’on a l’occasion de voir ici, Cage, un grand carré coloré de trois mètres. Si on le sollicitait, Richter pouvait en dire davantage.
Au directeur de la Tate Gallery qui lui demandait ce qu’il cherchait à obtenir, il répondit : « Je m’efforce de peindre une image de ce que j’ai vu et de ce qui m’a ému, le mieux possible. C’est tout. » Et c’est déjà pas mal, a fortiori quand il fait de l’émotion le motif de son travail.
Dans ce registre, un détail est (relativement) amusant. Sachant son admiration pour les livres de Thomas Bernhard, un éditeur avait eu l’idée de les réunir autour d’un livre mais l’idée s’était heurtée à l’indifférence grossière de Bernhard et avait trouvé son issue dans la politesse narquoise de Richter – il est certain que nous n’aurions rien eu à nous dire.
Un autre paradoxe, c’est sans doute le choix de l’affiche par la Fondation Louis-Vuitton. Gudrun. Richter aimait les titres brefs et évitait la facilité du « sans titre ». Gudrun c’est donc Gudrun Ensslin, dont les visées et les méthodes étaient sensiblement plus radicales que l’aimable taxe Zucman. La toile est éclatante, une huile sur toile de lin, un grand carré de 250 centimètres dont les trois-quarts de la surface sont occupés par une masse rouge, posée en oblique, qui peut suggérer un drapeau, une banderole déployée, à la fois par Garibaldi, par Rosa Luxemburg, par les têtes brûlées de la Fraction Armée Rouge dont Gudrun était une des fondatrices. Gudrun est une espèce de prélude, d’avant-garde. Richter l’a peinte en 1987, à savoir dix ans après la mort pour le moins suspecte en prison de la militante allemande, seulement dix ans après sa mort le même jour que Baader, un an avant la série des quinze tableaux October, 18 , 1977, au cadrage serré ou plus large et au motif, vivant pu
