Les touristes originaires d’un pays hors Union européenne paieront 45 % plus cher leur billet pour le musée que les autres. Et plus aussi à Chambord, Versailles… Pour participer à leur entretien. Ou entretenir un élitisme certain ?
Le Louvre estime que cette augmentation tarifaire devrait rapporter entre 15 et 20 millions d’euros par an. Photo Denis Allard/Leextra
Publié le 28 novembre 2025 à 15h00
Mis à jour le 28 novembre 2025 à 15h36
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Trente-deux euros. C’est la somme qu’un visiteur doté d’un passeport non européen devra débourser à compter du 14 janvier prochain s’il veut admirer La Vénus de Milo, La Joconde ou le Grand Sphinx de granit rose et franchir le seuil du Louvre. Soit 10 euros de plus que le prix d’entrée actuel. Ainsi en a décidé le conseil d’administration du plus grand musée du monde jeudi 27 novembre, avalisant une prescription de la ministre de la Culture qui brandissait dès janvier 2025 cette martingale — « faire payer davantage les visiteurs étrangers hors UE » — pour faire rentrer de l’argent dans les caisses du temple français de l’art. Une réponse « innovante », selon les mots de Rachida Dati, à l’alerte lancée par la présidente du musée Laurence des Cars en début d’année sur « l’urgence » à rénover un bâtiment exsangue. Vulnérabilité qu’est venu cruellement illustrer le rocambolesque cambriolage dans la galerie d’Apollon, en octobre dernier.
Cette augmentation tarifaire assez vertigineuse — 45 % tout de même — devrait, estime le musée, permettre d’engranger quelque 15 à 20 millions d’euros par an. Une manne bienvenue au moment où doit démarrer le chantier Louvre-Nouvelle Renaissance. Mais, alertent les syndicats, cette décision bat en brèche le principe d’universalité et peut être perçue comme « discriminatoire » en établissant un deux poids, deux mesures entre les visiteurs.
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Et le Louvre ne devrait pas être une exception. À en croire les propos de la ministre de la Culture, cette grille tarifaire différenciée devrait faire école et s’appliquera à « tous les opérateurs culturels nationaux » en 2026. Sont notamment mentionnés le château de Versailles, celui de Chambord mais aussi l’Opéra de Paris…
100 euros pour une famille
D’aucuns verront dans cette « préférence communautaire » une mesure d’équité rééquilibrant les contributions entre les amateurs d’art qui payent leurs impôts au sein de l’UE — et financent ainsi les subventions nationales et européennes versées aux musées— et les autres visiteurs qui ne s’acquittent, eux, que du ticket d’entrée. Ils plaideront que ces distinctions sont déjà à l’œuvre dans nombre de lieux patrimoniaux à travers le monde, où les ressortissants nationaux et les autres ne sont pas logés à la même enseigne.
Mais le symbole sonne étrangement au moment où la notion même d’universalisme est chaque jour un peu plus remise en cause et alors que les musées revendiquent quotidiennement leur mission d’accès égal pour tous à la culture. Argument également brandi à tour de bras par la ministre de la Culture elle-même. Avec un billet d’entrée au Louvre flirtant avec les 100 euros pour une famille avec deux grands enfants, n’est-ce pas une forme d’« élitisation » qui s’impose encore un peu plus ? Sans parler du paradoxe qu’il y a à faire payer plus cher des visiteurs venus d’Irak, d’Égypte ou de Turquie, pays dont sont issus les plus grands trésors des départements d’antiquité du Louvre…
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