Face au plan de paix de Donald Trump pour l’Ukraine qui laisse encore l’Union européenne à la traine, Maxime Prévot, ministre belge des Affaires étrangères s’exprime sur ce conflit au cœur de l’Europe. Il évoque les enjeux de défense : réarmement, service national et la question sensible des avoirs russes gelés. Il commente aussi les questions de politique intérieure.

Maxime Prévot regrette que pour Gaza, comme pour l’Ukraine, l’UE qui est pourtant au cœur de son territoire, les Européens soient laisses de côté. S’il salue par principe les  efforts des Américains pour la paix, il remarque ironiquement que «les USA choisissent le restaurant, commandent le menu mais c’est l’Union européenne qui doit payer la facture». Une situation inacceptable : «Il ne peut pas y avoir de solution de paix durable qui concerne l’Ukraine sans l’Ukraine et sans l’Europe, nous sommes nous-mêmes des acteurs-clé qui doivent être autour de la table»

Il souhaite participer à l’édification d’une stratégie qui ne discrédite pas l’Ukraine. «L’objectif n’a jamais été de veiller à ce que celle-ci mette un genou en terre ou abdique. Je rappelle qu’elle est la victime de cette guerre».

Le ministre rappelle que les questions de l’intégrité territoriale sont essentielles non seulement par rapport à l’Ukraine, mais aussi eu égard droit international. Il ne peut pas y avoir de place non plus pour l’impunité pour des actes d’agression posés par la Russie, et ajoute-t-il «c’est la raison pour laquelle un scénario de paix avec la force comme moteur qui tord le bras aux Ukrainiens n’est pas acceptable».

Selon le ministre Maxime Prévot, malgré les scandales de corruption dans l’entourage du président ukrainien, Volodymr Zelensky reste le mieux à même de défendre les intérêts des Ukrainiens. Il fait confiance à la justice ukrainienne pour tirer cela au clair, mais refuse que cette question soit instrumentalisée pour fragiliser le président et donc le peuple ukrainien.

Sur la question sensible des avoirs gelés russes que les Européens voudraient utiliser à hauteur de 140 milliards d’euros pour financer les réparations en Ukraine, Maxime Prévot reste inflexible. Il évoque des problèmes juridiques liés à toute démarche qui pourrait être assimilable à une confiscation et aux mesures de rétorsion auxquels la Belgique seule ne pourrait faire face.

Selon lui, pour aider l’Ukraine : «Il nous semble que la meilleure voie à suivre est celle d’un emprunt directement contracté par l’Union européenne» même si Viktor Orban proche du Kremlin y mettrait son veto.

Toujours en matière de défense, la Belgique comme la France se soucie de son réarmement et a décidé elle aussi de rétablir un service militaire volontaire.

«Avec l’espoir», explique Maxime Prévot, «de susciter des vocations qui permettront d’accroître l’enrôlement dans nos forces armées par la suite.»  Il reconnait que la Belgique a souvent été l’un des mauvais élèves de l’OTAN pour ses investissements en matière de défense. «Le gouvernement a décidé de changer cet état de situation. Avec des financements à plusieurs dizaines de milliards d’euros qui vont être mobilisés pour rattraper notre retard et continuer d’être un partenaire fiable de l’OTAN»

Sur la situation économique en Belgique avec une dette publique brute de 107% du PIB en 2025, un déficit de 5,3% du PIB et une grève qui a paralysé le pays plusieurs jours, le ministre estime que l’Union européenne a eu raison de tirer la sonnette d’alarme. «Nous avons fait œuvre de pédagogie auprès de nos populations en expliquant qu’on ne pouvait plus vivre au-dessus de nos moyens, que ces dernières décennies, des réformes indispensables qui devaient être prises, fussent-elles impopulaires, ne l’ont pas été. On se trouve maintenant au pied du mur, avec le risque d’être potentiellement l’un des plus mauvais élèves de la zone euro. Et donc, explique-t-il, «en un an, nous avons fait un effort de redressement structurel de nos finances de 32 milliards d’euros. C’est du jamais vu depuis ces 50 dernières années. Ça se fait évidemment avec des grincements de dents. Nous en sommes conscients, nous l’assumons.»

Le ministre Prévot rappelle par ailleurs, «que la Belgique est connue pour son sens du compromis. Nous avons un gouvernement composé de cinq partis, un socialiste, deux centristes, deux libéraux et conservateurs. Mais nous arrivons à faire bouger le pays parce que de longue date, nous avons compris que faire un compromis, ce n’était pas se compromettre. Je pense que ça peut probablement inspirer d’autres pays qui nous sont proches.»