Le sujet d’une brigade de policiers municipaux affectée aux transports, vieux de 6 ans, un temps sur la table métropolitaine ressurgit. La concrétisation imminente d’un modèle approchant mais différent a été annoncé par le maire de Saint-Etienne dans le Progrès du 20 novembre. Confirmé cette semaine, à l’échelle donc de sa ville. Il ne s’agira pas d’une brigade d’employés municipaux mais d’une expérimentation utilisant quelques réservistes de la Police nationale et de la Gendarmerie. La Métropole annonce observer de près et n’écarte pas l’éventualité d’aller plus loin, en cas d’affinités et, surtout, de suffisants deniers…

Jeudi, la Ville et la Stas ont présenté ce dispositif à venir, d’ici la fin de l’année donc, qui emploiera bien des nationaux et gendarmes et non des policiers municipaux comme ceux sur la photo. ©Jérôme Abou/Ville de Saint-Etienne

« Une police des transports métropolitaine ? Ce n’est pas pour demain », avions-nous titré fin mai 2024. Un article précisément déclenché par un appel à la grève revendicatif porté par la CFDT SNTU Stas à la suite, ce printemps-là, d’une série noire d’agressions sur des agents. A l’échelle de Saint-Etienne Métropole, collectivité derrière la compétence transports en commun urbain et donc la Stas, confiée par contrat de délégation au groupe Transdev, la donne n’a pas changé : ce n’est toujours pas pour demain, ni après-demain. L’idée de cette « police », de cette brigade a pour origine une promesse de campagne d’échelle pourtant purement municipale de Gaël Perdriau aux élections communales 2020.

Il faut dire que la série d’agressions du printemps 2024 n’était qu’un épisode « dense » au milieu du constat d’un problème de fond montant. Certes, pas forcément plus intense dans l’agglomération stéphanoise que dans les autres de France, voire un peu moindre à la moyenne selon Nicolas Besset, directeur général de la Stas, questionné par If à ce sujet en septembre 2024 à l’occasion du point presse de rentrée de la Stas. Reste que « cela fait des années que l’on pointe la problématique de la sécurité dans les transports et que nous portons cette idée d’une police municipale puis métropolitaine spécifique », relevait le 30 mai 2024 Hicham Tamsna, délégué syndical Stas de la CFDT qui pointait, au passage aussi une réduction, selon lui, des moyens humains consacrés à la médiation / prévention… 

2 M€ de coût par an à l’échelle métropolitaine

Une CFDT qui revendiquait même d’avoir poussé Gaël Perdriau à intégrer cette coûteuse idée dans son programme 2020 : « Au début de son mandat, on nous a indiqué que le coût était conséquent et qu’il convenait sans doute de rendre ce projet métropolitain. » Le montant à mettre sur la table ? Selon le syndicat, alors plus de 2 M€ par an, en charges de fonctionnement supplémentaires, principalement humains. De quoi embaucher quelques dizaines de personnes, une quarantaine tout au plus pour l’ensemble du réseau allant de Firminy à Rive-de-Gier. If avait alors interrogé Luc François, vice-président aux transports de la Métropole pour avoir le point de vue de la gouvernance métropolitaine : « Cela reste en réflexion, avait répond l’élu. Ce n’est pas quelque chose d’impossible. Toutefois, si on devait arriver à un accord au sein de l’assemblée (convaincre une majorité des élus de 53 communes, sachant qu’une partie n’est absolument pas concernée par le bienfait de cette dépense), il n’est pas envisageable de voir le projet concrétisé avant plusieurs années.« 

Il existe normalement déjà une brigade nationale dévolue à la sécurité dans les transports. C’est à l’Etat, pas à une collectivité d’assurer cette sécurité.

CGT Stas

Par comparaison, il précisait alors que « Montpellier y travaille depuis 4 ans et n’y est toujours pas. Il y a le choix financier, il y a les problématiques administratives, la délégation de pouvoir de police des maires en particulier. » Métropole ou Ville, ce serait en tout cas encore accentuer le rôle – et la prise en charge financière – des collectivités locales dans le domaine de la sécurité, fait exponentiel depuis les années 2000, en particulier depuis les sévères coupes d’effectifs commises dans la police nationale par la présidence de Nicolas Sarkozy. La CGT de la Stas tout en pointant, elle aussi, la problématique sécurité et le manque de moyens humains donnés aux services, n’a pas suivi la CFDT sur cette demande de police locale des transports, parce qu’« il existe normalement déjà une brigade nationale dévolue à la sécurité dans les transports. C’est à l’Etat pas à une collectivité d’assurer cette sécurité.»

A l’origine, il y avait… Bruno Retailleau

A l’approche des Municipales 2026, voilà que le sujet ressort brusquement du panier à la seule échelle de Saint-Etienne… Dans une série d’entretiens accordés à nos confrères du Progrès la semaine passée consacré au bilan de son mandat écoulé, actes manqués compris, Gaël Perdriau a annoncé la création imminente d’un dispositif de sécurité dans les transports faisant appel aux forces de l’ordre à l’échelle de Saint-Etienne intramuros tout en regrettant que le projet original n’ait pas vu le jour au niveau métropolitain pour des raisons « bassement politiques » (observation contestée par Luc François sur la base des faits que nous indiquions déjà en 2024). Lancement confirmé depuis avec une invitation presse jeudi, au lendemain d’un conseil métropolitain qui s’est, justement, penché sur le sujet à la suite d’une question de Lionel Boucher, élu d’opposition stéphanois.

Le syndicat CFDT Stas exigeant des élus métropolitains réunis en assemblée le 30 mai 2024 la création d’une police métropolitaine des transports. ©If Média/Xavier Alix

De quoi mieux comprendre ce qui s’est tramé au préalable de la brusque annonce de Gaël Perdriau. Selon Sylvie Fayolle, c’est une demande de l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau auprès des préfectures fin 2024 qui a tout déclenché. Demande consistant à dénicher des innovations localisées anti-délinquances sur quatre thèmes dont la sécurité dans les transports. Début 2025, émerge, au moins dans la Loire (peut être ailleurs aussi ? Nous n’avons pas la précision) cette idée de fournir des réservistes de la Police Nationale et de la Gendarmerie pour des interventions dans le réseau Stas. Selon Sylvie Fayolle, proposition a donc été faite au maire d’expérimenter l’idée à Saint-Etienne. En cette fin d’année, on s’approche donc de la concrétisation. La Ville va financer pour un peu plus de 200 000 € la présence physique, « d’ici la fin de l’année », de deux équipes : quatre policiers réservistes et quatre gendarmes réservistes dans les transports en commun de la Stas.  

Quatre conventions signées ou à signer

A priori, en privilégiant le tramway (« sur l’ensemble du réseau de transports en commun, bus, trolleys, tramways » dit cependant la communication de la Ville) au regard de leur faible nombre – cela reste une expérimentation -, et sans aller plus loin, donc, que La Terrasse : après cette station, la ligne franchit la « frontière » communale avec Saint-Priest-en-Jarez. Cette application exige, enfin, quatre conventions. La Ville nous indique que celle entre Transdev (Stas donc) et la Police nationale est signée, celle entre Transdev et la Gendarmerie « va l’être prochainement ». Après quoi, la Ville qui paie donc seule, cette mise à disposition d’effectifs devra en signer une avec Transdev.

La Métropole qui a confirmé mercredi le coût de 2 M€ annuels en charge de personnel supplémentaires en cas de brigade des transports propre à elle de 40 agents, annonce par la voix de Luc François observer de près cette expérimentation pour en tirer les enseignements et éventuellement aller plus loin si les nouveaux exécutifs – mairies et agglomération – le souhaitent. Faut-il encore avoir la garantie de trouver 32 réservistes supplémentaires présents chaque jour sur le réseau et donc lâcher près d’1 M€ par an en fonctionnement en se basant sur le un « peu plus » de 200 000 donnés par la Ville centre pour 8 personnes. Quant à payer 2 M€ en employant directement 40 brigadiers intercommunaux, l’hypothèse semble hors-jeu au regard de l’inquiétante trajectoire budgétaire présentée mercredi.