Il suffit de quelques lignes pour
comprendre qu’on entre ici dans un récit qui touche juste, là où
l’on ne s’y attend pas.

Chaque année, le Prix Femina met en lumière une
œuvre qui marque durablement les esprits. En 2025, c’est
Nathacha Appanah qui a
ému le jury avec La nuit au
cœur
, un roman d’une sensibilité rare sur
le féminicide conjugal. Un sujet dur, traité
pourtant avec une délicatesse et une humilité qui ont immédiatement
conquis le jury. Mais cette distinction prestigieuse nous rappelle
qu’avant ce titre bouleversant, un autre roman avait déjà
chamboulé le paysage littéraire
.

Il s’agit de S’adapter, de Clara
Dupont-Monod
, lui aussi couronné du Prix Femina quatre ans plus
tôt. Direction les Cévennes, au cœur d’une famille pas tout
à fait comme les autres
, pour comprendre pourquoi ce livre
continue de toucher en plein cœur celles et ceux qui l’ouvrent.

Dans S’adapter, Clara Dupont-Monod livre un récit
inspiré de son histoire personnelle

Publié en 2021 aux éditions Stock, S’adapter s’était
imposé comme l’un des grands succès de la rentrée
littéraire
. Couronné du Prix Femina, du Prix
Landerneau et du Goncourt des Lycéens
, le roman a
immédiatement séduit par son écriture lumineuse, sa pudeur et sa
force émotionnelle. Et si l’histoire résonne avec autant
d’intensité, c’est qu’elle s’enracine dans l’expérience
intime de l’autrice
. Enfant, Clara Dupont-Monod a
elle aussi grandi aux côtés d’un frère atteint d’un
handicap lourd
.

Le roman raconte la naissance d’un enfant
“inadapté”
, incapable de voir, de marcher ou de
communiquer autrement que par quelques sons ténus. Cet enfant,
éternel bébé, devient le centre gravitationnel d’une
famille cévenole
jusque-là “banalement heureuse”.
Pour donner à cette histoire une dimension presque mythique,
l’autrice confie la narration… aux pierres de la
cour
. Témoins immobiles, elles observent, écoutent et
racontent la lente métamorphose de chacun face à l’arrivée de cet
enfant fragile.

Le thème du handicap vu à travers le prisme d’une fratrie

La force du roman réside dans son exploration minutieuse
des réactions contrastées des trois enfants face à
ce petit frère inadapté. L’aîné, profondément
dévoué, tisse avec lui un lien fusionnel : ne
pouvant ni voir ni parler, l’enfant écoute, et le grand frère
transforme le monde en une symphonie sensorielle faite de voix
murmurées, de verveine froissée et de pierres qu’on laisse tomber
pour offrir un écho discret. Cette relation d’amour absolu finit
par isoler l’adolescent, mais lui permet aussi de créer un langage
qui n’appartient qu’à eux.

La cadette, en revanche, vit la présence du
petit enfant comme une injustice. Elle
éprouve du rejet et de la colère
, se protège comme elle
peut, cherche refuge auprès de sa grand-mère et se cabre face à
cette famille qui semble se dissoudre autour de la douleur. Enfin,
la naissance du petit dernier, des années après la
mort de l’enfant, ouvre une nouvelle ère. Portant en lui la mémoire
familiale, il devient celui qui recolle les
fragments
, celui qui “réconcilie les
histoires”.

“Un bijou de livre, bijou
d »humanité et de sensibilité…” : les lecteurs sont
conquis

Les lectrices et lecteurs ont accueilli S’adapter avec
un enthousiasme remarquable. Beaucoup évoquent
un texte “éblouissant”, capable de “faire
vibrer les sens”
, porté par une langue
“poétique, aérienne, subtile”
. L’émotion suscitée
est souvent décrite comme profonde, certains disant avoir été
“touchée en plein cœur” ou encore bouleversés par la
justesse avec laquelle Clara Dupont-Monod dépeint les
réactions face au handicap, sans apitoiement mais avec une rare
humanité
.

Les critiques saluent aussi la singularité du dispositif
narratif
et la finesse psychologique du
roman
. L’un parle d’un “roman franchement touchant,
d’une portée universelle”, un autre d’un texte qui “ouvre
les yeux sur la réelle richesse des inadaptés”. Beaucoup
soulignent la beauté lumineuse du récit, qui transforme la
douleur en une forme d’espoir
. Et puis il y a cette phrase
: “Un bijou de livre, bijou d’humanité et de
sensibilité…”. Peut-être la meilleure façon de résumer le
sentiment que laisse S’adapter laisse derrière lui.