À seulement 26 ans, Lissandre Mercier n’est plus un espoir de la boxe pieds-poings. Fort d’un palmarès long comme le bras, il espère, d’ici la fin de l’année, monter sur le ring pour son plus grand défi, un titre mondial. Une ascension fulgurante pour celui qui, il y a dix ans encore, aurait pu prendre un chemin différent.

Un scénario à la Rocky Balboa

Né à Rennes, il grandit au sud de la capitale bretonne. Et comme beaucoup de jeunes issus d’un quartier populaire, le jeune Lissandre s’essaye d’abord au foot. « J’y ai joué jusqu’à mes quatorze ans », confie-t-il. Parallèlement, il traîne un peu dans la rue, fait des bêtises, avant finalement de trouver sa voie. Un scénario à la Rocky Balboa.

« À quinze ans, j’ai commencé le muay-thaï (boxe thaïlandaise) dans un club associatif. C’était top, mais comme j’ai rapidement voulu en faire mon métier, je suis parti au bout de deux ans pour rejoindre le Chok Dee Gym ».

Véritable usine à champions, le club rennais a formé des « noms » comme Rafi Bohic (véritable star en Thaïlande), Hamish Willey ou encore Lukas Le Marchand. Reconverti entraîneur, l’ancien champion du monde prend Lissandre sous son aile. Et lorsque le coach décide de monter sa propre structure, le Monkey Gym, Mercier est évidemment dans ses bagages. Il a alors 19 ans et déjà plusieurs « guerres » à son actif.

« Lorsque j’ai démarré en amateur, j’ai, tout de suite, voulu faire beaucoup de combats. Je boxais en muay-thaï et en kick-boxing. » Pour un bilan de 34 victoires, 1 nul, 5 défaites et des titres à la pelle, parmi lesquels un championnat du monde amateur. Le monde pro l’attend.

Toujours vers l’avant

Une fois dans la cour des grands, Lissandre et son entourage décident de délaisser la boxe thaïe pour ne se consacrer qu’au K1, une forme de kick-boxing autorisant les coups de genoux. « Les opportunités offertes par les différentes organisations étant plus intéressantes. » Une transition qui se ressent, aujourd’hui, sur le ring.

Si le K1 est une discipline spectaculaire qui fait la part belle aux coups de pied puissants donnés au corps et à la tête et aux combinaisons en anglaise, le Breton propose un style tout autre. « J’essaye de mettre au maximum la pression, d’avancer constamment sur mon adversaire. Je ne suis pas forcément très explosif, je m’impose au fur et à mesure des rounds. » Pour ce faire, il alterne séquences en anglaise et low-kicks (coups de pied dans les jambes), avant de conclure sur des coups de genoux. Un « gameplan » sans fioritures, efficace, mais parfois risqué.

« Même s’il a une garde hermétique, son style peut l’amener à se mettre en danger sur les premiers échanges parce que celui d’en face est encore frais », explique son coach Lukas Le Marchand.

Avec seulement trois K-O sur 14 victoires (et trois défaites), le Rennais n’est, certes, pas un puncheur mais il use ses adversaires, il gagne et vit de son sport.

Lissandre Mercier est un boxeur qui avance constamment et qui l‘ emporte à l’usure.Lissandre Mercier est un boxeur qui avance constamment et qui l‘ emporte à l’usure. (Le Télégramme/Laurent Rivier)« Je ne suis pas McGregor »

Entre les recettes des combats, le sponsoring, les stages et les séances de coaching qu’il dispense, il a pu « arrêter de travailler il y a deux ans, pour se consacrer uniquement à sa passion. Aujourd’hui, il perçoit un revenu annuel d’environ 20 000 €-25 000 €.

« Je ne suis pas McGregor, ajoute-t-il en riant, faisant référence à la star irlandaise de MMA, aujourd’hui multimillionnaire. Mais c’est une chance. Je ne stresse pas de savoir comment je vais finir le mois. J’aspire à plus, évidemment, pour être plus à l’aise, mais je ne suis pas quelqu’un qui est attiré par l’argent. Je boxe pour moi. Lorsque je viens à la salle pour m’entraîner, je n’ai pas l’impression de travailler. Je suis heureux et c’est le plus important. »

Combattre plus régulièrement pourrait également lui apporter des gains supplémentaires, mais il s’astreint à un rythme de quatre combats par an maximum.
« Je préfère monter sur le ring moins souvent et avoir une belle courbe de progression plutôt que de stagner dans la répétition », assure-t-il avant d’ajouter : « il y en a qui font presque une dizaine de combats par an, mais à 30 ans, leur corps est usé. »

Lissandre Mercier, après avoir remporté une nouvelle fois le titre européen, le 2 février dernier à Saint-Brieuc.Lissandre Mercier, après avoir remporté une nouvelle fois le titre européen, le 2 février dernier à Saint-Brieuc. (Photo Le Télégramme/Laurent Rivier)« J’aurai ma carte à jouer »

Un choix qui ne nuit pas à sa carrière, bien au contraire. Pour preuve, sa victoire acquise en septembre 2023 face au champion Lionel Picord sur le ring du Glory, la promotion de kickboxing la plus prestigieuse au monde. Et si le Rennais a, dans un premier temps, refusé de signer pour un second combat avec l’organisation, la catégorie de poids proposée ne lui plaisant pas, il compte bien y revenir par la grande porte.

Après avoir conquis récemment les titres de champion de France 2024, de champion d’Europe (à Saint-Brieuc, le 2 février dernier) et de champion intercontinental, il lui reste deux dernières étapes : il combattra le 29 novembre au sein du K1 World Max à Rome, un tournoi qualificatif pour accéder à la grande finale réunissant le gratin mondial des super mi-moyens (- de 70 kg) qui aura lieu en 2026 à Tokyo. Puis il boxera le 17 janvier 2026 à Saint-Brieuc à l’Elite Fight, l’événement organisé par Patrick Lepinay, avec la ceinture mondiale ISKA en ligne de mire. Un rendez-vous briochin dont il connaît déjà l’issue. « Une fois la ceinture autour de la taille, j’irai chercher soit le Glory, soit le ONE (*) et là j’aurai ma carte à jouer. » Celle d’un roi, d’un roi du monde…

(*) Le Glory et le ONE Championship sont les organisations les plus lucratives et les plus reconnues mondialement pour les pratiquants de boxe pieds-poings.