Le Black Friday, symbole de la consommation à l’approche des fêtes de Noël, a été choisi par les salariés de la Fnac pour un mouvement de grève. Ils dénoncent la perte de sens de leur travail, mais aussi une menace sur leurs salaires et leur pouvoir d’achat.
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Pour nuancer l’impact du mouvement, Karl Baly, syndicaliste Sud à la Fnac de Lille, lance : « Le Black Friday a commencé il y a 15 jours ! ». Car, c’est bien à ce symbole de la consommation de masse et donc de promesses ventes mirifiques que s’attaquent les salariés de la Fnac. Ils seront en grève samedi dans les magasins des Hauts-de-France.
Même si, « ce sont toutes les Fnac de France qui sont mobilisées », assure Yann Sablon de la CGT. Il dénonce, « un manque de personnel chronique qui s’accentue d’année en année. On perd l’équivalent de la valeur d’un magasin en salariés par an ». Pour être précis, il ajoute l’exemple du magasin de la capitale des Flandres : « à Lille, on est 66 aujourd’hui. Il y a 10 ans, nous étions plus de 100 salariés ».
A Lille, on est 66 aujourd’hui. Il y a 10 ans, nous étions plus de 100 salariés.
Yann Sablon lâche : « Les produits qu’on vend, les prix sont fixes, le seul critère pour nourrir les actionnaires, c’est la masse salariale ». Conséquence, les salariés se disent surchargés. D’autant que les modes de consommation ont changé et que la Fnac s’est adaptée, confiant davantage de tâches aux vendeurs. Le syndicaliste de la CGT poursuit : « avec la market-place, nous recevons des palettes de disques ou de livres en plus à mettre en rayon », les commandes sur internet représentent, elles, « des tonnes de colis à stocker puis à donner, entre deux conseils clients ».
Il dénonce que les salariés deviennent des « manutentionnaires au lieu d’être des vendeurs qualifiés. Ils n’ont plus le temps de mettre en rayon avant l’ouverture. Les caisses restent parfois en magasin jusqu’à 16 heures. Ça dégrade le service client, il n’y a pas que les salariés qui sont pénalisés ».
Karl Baly confirme les difficultés. « On nous demande de vendre en plus du service, des assurances, des cartes Fnac, des abonnements, c’est du temps qui n’est plus consacré au cœur de métier, qu’un libraire ne va plus faire qu’entre deux caisses ! ».
Karl Baly, le syndicaliste Sud, explique aussi que les achats réalisés sur le site internet sont livrés en magasin. Dans celui de Lille, « pour 7 millions euros de colis en 2024. Mais le magasin n’est rémunéré qu’à hauteur de 30 000 euros. Ce n’est donc pas rentable puisque c’est du temps pour les salariés, entre manutention et distribution, du temps qu’on ne donne pas aux clients venus pour des achats ».
D’après lui, ces tâches supplémentaires font perdre le sens du métier aux vendeurs spécialisés, libraires, photographes, ou spécialisés en informatique. Un syndicaliste régional va même plus loin, il raconte que dans certains magasins : « On donne des tâches logistiques, on demande à un vendeur d’aller 3 heures par semaine délivrer des colis alors qu’il est déjà débordé. On casse les métiers, la direction veut remettre sur la table les fiches métiers ».
Car la Fnac a longtemps été une entreprise où les salaires n’étaient pas liés aux ventes de tel ou tels produits. Une tendance qui évolue notamment depuis le rapprochement de l’enseigne avec Darty.
Yann Sablon explique que la direction veut dénoncer l’accord de branche à laquelle ils sont affiliés. « Avec cet accord, la grille des salaires augmente tous les ans. La Fnac veut l’arrêter pour introduire un complément de salaire variable », précise le Cgtiste. Son collègue, Karl Baly, enfonce le clou : « On veut conserver cette neutralité du service au client. Ne pas avoir de pression sur la vente, pour forcer la personne à un produit ». Dépité, il lâche : « La Fnac a perdu son âme ».
Conséquence, à Lille, « on a facilement 80 % des salariés en CDI qui sortiront à 15 h, samedi, en signe de protestation ». Les magasins resteront, eux, ouverts.