L’annonce est tombée jeudi à Brême, et elle met fin à des mois d’incertitude. Pour la première fois depuis le programme Apollo, des Européens fouleront à nouveau le sol lunaire. Josef Aschbacher, directeur général de l’Agence spatiale européenne, a officialisé ce que beaucoup espéraient sans oser y croire : trois astronautes du Vieux Continent participeront aux missions Artemis de la NASA. Un Allemand, un Français et un Italien. Dans cet ordre précis. Thomas Pesquet, présent lors de l’annonce, a accueilli la nouvelle avec un sourire en coin et une pointe de pragmatisme : l’Europe assure enfin sa place dans l’aventure lunaire du 21e siècle. Même si la France devra patienter.

L’Europe obtient son sésame lunaire

Cette confirmation marque un tournant historique pour le programme spatial européen. Jusqu’ici, la participation de l’ESA aux missions Artemis restait floue, conditionnée par des négociations complexes et des contributions techniques dont personne ne garantissait qu’elles déboucheraient sur des sièges dans les capsules.

Désormais, c’est acté : trois Européens iront sur la Lune. Cette garantie récompense l’investissement massif de l’ESA dans le programme américain. L’agence européenne construit la capsule Orion qui transportera les astronautes, et fournit des éléments cruciaux de la station Gateway qui orbitera autour de notre satellite naturel. Sans ces contributions techniques, Artemis ne pourrait tout simplement pas décoller.

La hiérarchie établie par Aschbacher reflète les équilibres politiques et financiers au sein de l’ESA. L’Allemagne, premier contributeur au budget de l’agence, décroche logiquement le premier vol. La France et l’Italie, respectivement deuxième et troisième contributeurs, suivront dans cet ordre.

Thomas Pesquet dans la course

Parmi les astronautes français éligibles figure évidemment Thomas Pesquet, visage le plus médiatique du programme spatial européen et véritable ambassadeur de l’exploration spatiale auprès du grand public français. Sa présence à Brême lors de l’annonce n’était pas anodine, tout comme le soutien explicite de Philippe Baptiste, ministre français dédié à l’espace.

Pesquet a salué cette officialisation avec sa franchise habituelle, note Le Figaro. L’astronaute français souligne que cette décision garantit la place de la France dans une aventure spatiale majeure pour les décennies à venir. Après deux séjours dans la Station spatiale internationale, l’opportunité de marcher sur la Lune représenterait l’aboutissement d’une carrière exceptionnelle.

Reste que Pesquet devra composer avec la réalité géopolitique du spatial européen : il ne sera pas le premier Européen à retourner sur la Lune. Un astronaute allemand lui passera devant dans la file d’attente.

thomas-pesquet-macarons-nourriture-de-l'espace luneCrédit : Crédits : ESA/NASA

La course contre la montre lunaire

Le calendrier d’Artemis se précise, même si les reports successifs ont appris la prudence aux observateurs. Artemis 2, première mission habitée du programme, devrait décoller au début 2026, en avril au plus tard. Cette mission ne se posera pas sur la Lune mais effectuera un survol, ramenant des humains en orbite lunaire pour la première fois depuis 1972.

Artemis 3, prévue pour 2027 ou 2028, marquera le grand retour : des astronautes fouleront à nouveau le régolithe lunaire, plus d’un demi-siècle après Eugene Cernan et Harrison Schmitt d’Apollo 17. Cette mission devrait inclure la première femme et la première personne non blanche à marcher sur la Lune.

Derrière cet agenda se cache une course géopolitique acharnée. Donald Trump avait fait du retour lunaire américain une priorité absolue lors de son premier mandat, avec un objectif clair : devancer la Chine. L’Empire du Milieu ne cache pas ses ambitions et vise un alunissage habité d’ici 2030. La nouvelle guerre froide spatiale se joue désormais sur 384 400 kilomètres de vide intersidéral.

Une aventure partagée avec des partenaires privés

Le programme Artemis incarne également une nouvelle philosophie de l’exploration spatiale. Contrairement à Apollo, projet exclusivement gouvernemental, Artemis s’appuie massivement sur des acteurs privés. SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, joue un rôle central en fournissant notamment le système d’atterrissage lunaire basé sur son vaisseau Starship.

Cette hybridation public-privé redéfinit les règles du jeu spatial et permet d’accélérer les développements technologiques. Mais elle soulève aussi des questions sur le contrôle démocratique de l’exploration spatiale et sur l’influence grandissante de milliardaires dans des programmes autrefois réservés aux États.

Pour l’Europe et la France, l’essentiel est acquis : nous retournerons sur la Lune. Peut-être pas en premier, mais nous y serons. Et cette fois, pour y rester.