Municipales 2026. Jean-Pierre Rivère a rejoint il y a quelques semaines la liste UDR-RN conduite par Éric Ciotti, avec la promesse de devenir premier adjoint en cas de victoire. L’ex-président de l’OGCN détaille pour Nice-Presse Dimanche les raisons de son engagement, son regard sur la politique de Christian Estrosi et sur le développement économique de la ville.
Plonger dans le « grand bain » de la politique, était-ce un défi que vous aviez dans un coin de la tête depuis longtemps ?
Quand je quitte l’OGC Nice, l’un de vos confrères me demande : « Est-ce que vous allez faire de la politique ? » Je lui réponds : « Pas du tout ! » Et à ce moment-là, c’est vrai, je n’ai aucune visibilité politique, aucun projet. En revanche, j’aime cette ville, je réfléchis souvent à ce que l’on pourrait y faire, à la façon dont on pourrait structurer des projets. Quatorze ans dans mes fonctions m’ont permis de voir, d’entendre, de constater énormément de choses…
Comment vous êtes vous rapproché d’Éric Ciotti ?
Début septembre, je discute avec Éric, que je connais bien. Je lui donne ma vision d’entrepreneur, avec un regard qui n’est pas politique du tout. On se revoit quinze jours plus tard. Il me dit : « J’ai réfléchi à ce que tu as évoqué, donne-moi un peu plus d’éléments. » On échange encore. Il me demande : « Tu ne veux pas y aller ? » Je lui réponds : « Non, hors de question. » Et en parallèle, ma compagne me répète : « Jean-Pierre, il faut que tu aides Éric, tu as des idées sur l’urbanisme, la gestion, ça t’a toujours plu. »
Qu’est ce qui a fini par vous convaincre ?
Honnêtement, à ce moment-là, je n’ai pas envie d’entrer dans l’arène. Ça ne m’intéresse pas, je me dis que je peux l’aider dans l’ombre. Et puis un vendredi soir – l’annonce s’est faite le lundi – des amis viennent dîner à la maison. Ils me disent : « Jean-Pierre, aide Éric, il faut que tu y ailles. » Moi, je leur réponds : « Je veux bien aider, mais sans être élu, je ne veux pas de titre. » Éric me dit alors : « Si tu veux réaliser des choses, il faut que tu sois avec nous, et en situation de le faire. » Ce soir-là, on se pose avec ma compagne. La raison nous dit non, l’intuition nous dit oui. On a des vacances programmées, rien n’était prévu… Mais on se dit : « On y va ! »
Qu’est-ce qui pesait le plus dans la balance : l’envie d’agir ou la crainte de prendre des coups, d’écorcher votre image ?
Les deux. En politique, paraît-il, tous les coups sont permis… Je n’ai pas envie d’entrer dans les conflits. Ce qui m’a fait basculer, c’est le regard que je porte sur cette ville. C’est une très belle vitrine, personne ne peut le nier. Mais ce qu’il y a derrière la vitrine, et encore derrière, dans « l’arrière-boutique », n’est pas au niveau. Pour moi, la gestion communale n’est pas bonne du tout. J’ai vu et entendu des choses qui, en tant que citoyen, me heurtent.
Vous insistez beaucoup sur le fait qu’il s’agit d’une élection municipale, pas d’un combat national. L’étiquette, pour vous, n’a aucune importance ?
Aucune. Ce que j’ai demandé à Éric, c’est précisément que ce ne soit pas une « municipale politique ». C’est le cas. Il n’y aura pas de logos de partis sur les affiches, on est une liste de la société civile. Un bon chef d’entreprise, pour moi, c’est quelqu’un qui prend des gens plus forts que lui dans chaque secteur, qui donne le cap et la stratégie. C’est la même chose ici. Il faut une équipe de gens compétents dans chaque domaine, avec des projets clairs, transparents.
On a beaucoup parlé d’une éventuelle rancœur personnelle envers Christian Estrosi. Il y a une part de fantasme là-dedans ?
Totalement. Je n’ai aucune rancœur personnelle. Pendant quatorze ans, je l’ai côtoyé très régulièrement. Ça s’est très bien passé, avec de très bonnes relations, cordiales. Mais je ne partage pas sa vision, cette succession de projets éphémères qui coûtent très cher. Quand j’entends, après des années de compliments dans la presse, que je serais un « affairiste », je réponds simplement : je suis un homme d’affaires, oui. Mais je ne viens pas faire de l’argent en politique.
Dans le milieu du football, votre choix interroge. On vous reproche de « rejoindre l’extrême droite ». Que répondez-vous ?
Je le dis très clairement, je ne rejoins pas le Rassemblement national. Le raccourci est facile, on comprend bien pourquoi il est utilisé. C’est pratique pour nos adversaires qui n’ont pas beaucoup d’armes. On veut toujours vous mettre dans une case. J’ai passé quatorze ans dans le monde du football. Un stade unit toutes les origines, toutes les religions, toutes les couches sociales. Je suis un homme de droite modérée avec un vrai regard social, et je considère qu’une ville, ce n’est pas un parti. C’est tous ses habitants.
Nice est belle et attractive, mais elle attirerait pour vous trop peu de grandes entreprises. Pourquoi ?
Quand une société s’implante, elle regarde beaucoup de choses. Il y a un problème majeur à Nice, c’est le logement des actifs. Il y a quelques années, j’ai participé à une réunion avec des chefs d’entreprise, qui disaient tous la même chose : « On n’arrive plus à loger les salariés, donc on n’arrive plus à recruter. » Je suis convaincu qu’avec notre projet, nous avons des réponses. Nous le dévoilerons en janvier.
Beaucoup d’emplois ont été promis depuis quinze ans sur la commune. Ils ne sont pas tous arrivés. Comment inverser la tendance ?
Une ville dynamique est une ville qui crée de l’emploi. L’emploi, ça ne se décrète pas, c’est l’aboutissement d’une cohérence globale entre logement, transports, fiscalité, formation, cadre de vie. Je trouve que l’on a, ces dernières années, multiplié les projets provisoires. Des équipements temporaires, des solutions transitoires… Il faut arrêter de gérer à court terme. Quand la gestion n’est pas rigoureuse, à un moment, la dette empêche la croissance.
Vous pointez souvent l’endettement, pourquoi cet investissement-là vous inquiète ?
Quand une ville ou une métropole se porte bien financièrement, on n’augmente pas la taxe foncière comme elle l’a été. C’est un signal fort, cela veut dire qu’il y a un problème de gestion. Dans une entreprise, il y a des recettes et des dépenses. Si les dépenses augmentent sans cesse, vous finissez par fermer. Une commune ne ferme pas, elle. On compense avec un mot magique qui est l’impôt. L’une des premières mesures annoncées par Éric Ciotti, c’est d’ailleurs de revenir sur cette hausse.
Quel regard portez-vous sur la Plaine du Var, que vous connaissez bien ?
À mes yeux, c’était un terrain de jeu formidable, et on en a fait un concours d’architectes où chacun sort son projet sans cohérence d’ensemble. Pour moi, en termes d’urbanisme, c’est raté. On peut trouver ça beau ou moche, c’est une affaire de goût. Mais en termes de cohérence et de vision, je trouve que ce n’est pas réussi.
L’attractivité, on la met surtout au service du tourisme, mais pas assez pour aller chercher des partenariats, des entreprises innovantes, des écoles, des ingénieurs.
Vous ciblez la dépendance de Nice au tourisme. Comment se diversifier ?
Le tourisme est essentiel, il serait absurde de s’en priver. En revanche, il ne doit pas oblitérer tout le reste. On ne peut pas penser la ville uniquement comme une carte postale pour les visiteurs. Il faut des équipements structurants – un Palais des Congrès à la hauteur, des infrastructures durables – avec un principe simple, des recettes et dépenses qui doivent être équilibrées. Sinon, ce sont encore les habitants qui payent.
Vous avez confié vouloir être un premier adjoint plus « gestionnaire » que « politique ». Vous avez dirigé un club de Ligue 1, quelle méthode allez-vous transposer à Nice ?
Je ne suis pas un homme de bureau, je suis un homme de terrain. Une ville, ça se respire, ça s’écoute. Pour comprendre ce que vivent les Niçois, il faut être présent au quotidien, pas seulement en campagne. J’entre dans ce « match » à petits pas. Intellectuellement, ce projet me passionne.
L’ambition, si les électeurs nous font confiance, c’est qu’à la fin du mandat, Nice soit un modèle, d’éducation, d’université, pour ses hôpitaux, sa sécurité, sa propreté, sa vie sportive… Une Nice qui aura été redonnée… aux Niçois.
