Une nouvelle étude finlandaise met en
cause les vieux moteurs diesel dans la santé de notre cerveau.
Entre pollution automobile et microglie, certaines autos inquiètent
les chercheurs.

On pense souvent que la pollution automobile
s’arrête à nos poumons. Pourtant, derrière chaque accélération, nos
neurones pourraient aussi en faire les frais. En 2019, pas moins de
37,7 millions de véhicules ont été responsables de
16 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre en
France
, et la pollution de l’air est liée à plus de 40 000
décès par an sur le territoire. Un chiffre qui parle surtout de
cœur et de respiration… mais l’histoire est en train de s’élargir
au cerveau.

Une équipe de l »University of Eastern
Finland
, vient de mettre en lumière un maillon longtemps
sous-estimé. Certaines particules issues de vieux moteurs
diesel
seraient capables de dérégler en profondeur les
cellules immunitaires de notre cerveau. Les chercheurs ne parlent
plus seulement d’irritation passagère, mais de mécanismes qui
rappellent ceux des grandes maladies
neurodégénératives
.

Pollution des voitures : quand le diesel menace aussi le
cerveau

Les gaz d’échappement de moteurs diesels ne se ressemblent pas
tous. Rejetées lors de la combustion d’énergies fossiles, les
particules fines qu’ils transportent peuvent être
plus ou moins toxiques pour l’environnement et pour la santé, selon
la technologie du moteur et l’âge du véhicule. Pour leur étude, les
chercheurs se sont intéressés à des particules appelées A20
et A0
, typiques des moteurs diesel les plus
anciens
, souvent dépourvus de systèmes modernes de
filtration.

Sans filtre à
particules
, ils ont observé une émission très élevée
de ces particules dans l’air. Selon les auteurs de l’étude,
« Ces particules de diesel sont riches en carbone noir et en
hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) », considérés
comme parmi les composants les plus toxiques des gaz d’échappement,
avec un potentiel génotoxique bien documenté.

En face, les scientifiques ont étudié des moteurs plus récents,
conformes à la norme Euro 6,
dotés de filtres à particules et alimentés par un
carburant de meilleure qualité. Ceux-là émettent
des particules dites E6, beaucoup plus « propres ». Elles ne
contiennent ni carbone noir, ni HAP, et leur concentration en
polluants est décrite comme très faible.

Depuis 2018, tous les modèles diesel sont normalement annoncés
conformes à la norme Euro 6d-Temp. Mais ce qui inquiète surtout les
chercheurs, ce sont donc les émissions des anciens moteurs,
directement testées sur un acteur clé du système nerveux : la
microglie.

Vieux diesels, microglie et maladies du cerveau

La microglie est une sorte de service de
protection et de nettoyage du cerveau. Le Dr Sohvi Ohtonen, premier auteur de l’étude,
résume son rôle en expliquant : « La microglie joue un rôle
crucial en tant que première ligne de défense immunitaire du
cerveau, et les polluants menacent son bon
fonctionnement. »
Dans leurs expériences, les chercheurs ont exposé ces cellules
immunitaires aux particules issues des vieux moteurs (A20, A0) et
aux particules E6 provenant de moteurs modernes. Résultat : avec
les particules anciennes, ils ont observé des modifications
marquées de l’expression de nombreux gènes
, une baisse de
l’activité des lysosomes et de la phagocytose, qui servent au
nettoyage des déchets cellulaires, ainsi qu’une activation de voies
de stress cellulaire comme la ferroptose et la pyroptose.

D’après l’équipe de chercheurs, ces enchaînements perturbent
l’élimination des déchets et le maintien de l’équilibre cérébral,
ce qui augmente nettement le risque de neuroinflammation
chronique
et donc de maladies neurodégénératives. Les
particules modernes E6, elles, ont eu « quasiment aucun
impact » sur ces cellules dans les conditions de l’étude. Les
chercheurs rappellent tout de même qu’une exposition
prolongée à la pollution diesel
, même issue de modèles
récents, pourrait accroître le risque de maladies du
cerveau
. Ils suggèrent que la réduction des composés
aromatiques et du carbone noir dans les carburants pourrait limiter
la toxicité, y compris pour les véhicules anciens, tout en
soulignant que des travaux supplémentaires restent nécessaires pour
comparer plus finement les différentes technologies de moteurs et
de carburants.

Quelles autos vraiment en cause ?

Concrètement, les autos les plus visées sont donc les véhicules
équipés de moteurs diesel anciens, « souvent
dépourvus de systèmes modernes de filtration », là où se
forment ces particules A20 et A0 particulièrement riches en carbone
noir et en HAP. À l’inverse, les modèles conformes à la
norme Euro 6, avec filtre à particules, émettent
surtout des particules E6 beaucoup moins chargées en composants
toxiques. Pour savoir dans quel camp se situe votre voiture, un
simple coup d’œil à la carte grise suffit. Dans la
rubrique V.9 doivent apparaître les mentions « EURO
6 », « EURO 6b » ou « EURO 6d-TEMP » si le véhicule bénéficie de cette
homologation.

Cette différence technologique rejoint un constat plus large
issu d’autres travaux : la pollution de l’air, en particulier les
particules fines et ultrafines liées notamment au trafic routier,
ne s’attaque pas qu’aux poumons. De grandes études ont mis en
évidence une hausse du risque de démence lorsque les niveaux de
particules fines PM2,5, de dioxyde d’azote et de suie augmentent,
en lien avec une inflammation cérébrale au long cours.

Dans ce tableau, les vieux diesels sans filtration finissent par
occuper une place à part. Ils émettent justement les particules les
plus chargées en carbone noir et en HAP, celles que la microglie
semble le plus mal supporter.