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Tout au long des années 1980, et jusqu’au début des années 1990, le promoteur new-yorkais Donald Trump a entretenu une correspondance admirative avec Richard Nixon, ancien président tombé en disgrâce. En 1982, cela faisait moins de huit ans que Nixon avait démissionné [à la suite du scandale du Watergate], et Trump saluait en lui “l’un des grands hommes de ce pays”.
Pourquoi une telle vénération de la part de Donald Trump ? Peut-être était-ce la méthode revancharde du politicien ou parce qu’ils avaient un ami commun en la personne de l’avocat maccarthyste Roy Cohn. Mais le trentenaire coureur de deals était aussi, déjà, un admirateur de ce qui reste comme le plus fameux coup diplomatique de Nixon : sa visite en Chine, en 1972.
Et voilà que le fantôme de Nixon revient hanter la politique étrangère américaine, alors que la nouvelle administration affiche son intention de conclure avec le président russe, Vladimir Poutine, un marché grandiose qui définira un nouvel ordre mondial, en écartant les Européens et en abandonnant Kiev à son sort.
Prendre la Russie à contre-pied
Keith Kellogg, l’émissaire de Trump en Ukraine, a explicité la logique américaine à l’occasion d’une présentation qu’il a faite à la Conférence de Munich sur la sécurité. Le gouvernement Trump, a-t-il expliqué, entend essayer de “briser” les alliances de Poutine avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, visiblement en lui offrant mieux que ce qu’aucun de ces pays n’a à lui donner.
Une méthode qui rappelle très fortement le coup de maître de Nixon en 1972, quand ce président qui s’était taillé une réputation d’anticommuniste intransigeant avait sidéré le monde en devenant le premier dirigeant américain à se rendre en République populaire de Chine. Par sa rencontre avec Mao Zedong, Nixon établissait une nouvelle relation diplomatique qui prenait l’Union soviétique à contre-pied – ce qui devait donner aux États-Unis un avantage pour pousser Moscou à négocier un nouveau traité sur les armes stratégiques.
Obsession antichinoise
Aujourd’hui, Trump cherche visiblement à faire une sorte de “Nixon inversé” : il s’agit d’opérer un rapprochement inattendu avec