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Karina Pujeolle

Publié le

30 nov. 2025 à 17h11

Comme la fin d’un chemin de croix. À tout le moins d’un long combat. C’est ce que représente symboliquement la dénomination du stade Laurent Hugo pour Jean-Paul Carrère.

L’émotion qui l’a saisi, dimanche 30 novembre 2025, à l’heure du dévoilement de la plaque en fut le témoignage.

L'ensemble des amis, des sportifs et de la famille de Laurent Hugo autour de la plaque du stade qui porte désormais son nom.
L’ensemble des amis, des sportifs et de la famille de Laurent Hugo autour de la plaque du stade qui porte désormais son nom. ©L’Orne hebdoPlaqué au sol

Jean-Paul Carrère était président du Rugby club d’Alençon (RCA) en 1985. Le 3 mars de cette année-là, alors que l’équipe phare évoluait en 2e division, les 18 ans, engagés en national, se déplaçaient à Nantes.

« Laurent rentrait tout juste d’une semaine de sports d’hiver avec son lycée Saint-François-de-Sales et ce dimanche matin, l’équipe étant incomplète, sans réfléchir après une nuit dans un car, il avait saisi ses crampons pour aller jouer ce match ».

Plaqué au sol dans une action de jeu, Laurent Hugo ne s’est pas relevé. Ses blessures l’ont rendu tétraplégique, à 18 ans.

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S’en est ensuivi « un long calvaire de 40 ans pour une vie brisée », a confié Jean-Paul Carrère, à l’heure de dévoiler la plaque du stade qui porte désormais le nom de son protégé sur lequel il a veillé jusqu’à son dernier souffle, le 4 février 2025, « à la veille de ses 58 ans ».

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Lucide, digne, courageux, résiliant

Après cet accident, Laurent Hugo a vécu deux années à l’hôpital de Garches « où il a retrouvé goût à la vie ». Il a décroché son Bac « qu’avec des épreuves orales » puis a rejoint Grenoble « pour des soins de rééducation et de réhabilitation ». Là-bas, dans une fac adaptée au handicap, il a obtenu une licence puis une maîtrise de Sciences économiques. Et a vécu dans cette ville « dans un appartement tout équipé à son handicap ».

Durant ces quatre décennies, « Laurent a fait preuve de lucidité, de dignité, de courage, d’une résilience forçant l’admiration. Il était très ouvert et s’intéressait à plein de choses », a souligné Jean-Paul Carrère avant de saluer, face à un important auditoire composé de rugbymen et d’amis du joueur, « une personnalité attachante, intelligente, saine et aux traits d’humour particulièrement sentis ».

Jean-Paul Carrère (dans la lumière) entouré de Raphaël, le frère de laurent Hugo, et e sa maman, de son ami Stéphane Guy, de Gilles Rodia, un ancien joueur de D2 du RCA, et de Michaël Masson, un ami d'enfnce de Laurent.
Jean-Paul Carrère (dans la lumière) entouré de Raphaël, le frère de Laurent Hugo, et de sa maman, de son ami Stéphane Guy, de Gilles Rodia, un ancien joueur de D2 du RCA, et de Michaël Masson, un ami d’enfance de Laurent. ©L’Orne hebdo« Il n’a jamais eu de rancœur envers ce sport »

Laurent Hugo avait créé sa société « de sites internet » et, « loin de s’apitoyer sur son sort », il présidait une structure médicale et paramédicale d’aide à domicile.

Au fil de ces 40 ans de handicap, « il n’a jamais eu de rancœur envers ce sport qui a causé son malheur » et il livrait à Jean-Paul Carrère « des analyses pertinentes sur le déroulé des matchs de rugby ». Et notamment ceux de son équipe préférée, Grenoble.

Il repose désormais en région parisienne, « à côté de son papa ».

Jean-Paul Carrère a remercié la famille de Laurent « pour nous avoir insufflé une part de leur force morale » et « pour ne nous avoir jamais incriminés » après « cette douloureuse épreuve ».

Et l’ancien président du RCA de conclure son vibrant hommage en empruntant la conclusion de l’officiant lors des obsèques de Laurent Hugo : « Il ne faut pas que la douleur de l’avoir perdu dépasse le bonheur de l’avoir connu ». « Ce fut même un privilège », a-t-il rajouté.

Le maire Joaquim Pueyo a décerné la médaille de la Ville d'Alençon à Laurent Hugo à titre posthume et l'a remise à sa maman, dimanche 30 novembre, sur le stade d'Alençon.
Le maire Joaquim Pueyo a décerné la médaille de la Ville d’Alençon à Laurent Hugo à titre posthume et l’a remise à Françoise, sa maman, dimanche 30 novembre, sur le stade d’Alençon. ©L’Orne hebdoLa médaille de la Ville à titre posthume

« La fédération française de rugby se devait d’être là aujourd’hui », a relevé son représentant non sans insister sur le fait que, depuis cet accident, l’instance sportive « est vigilante et attentive et a mis des choses en place et développe une politique pour faire en sorte que l’accident de Laurent ne se reproduise plus ».

La représentante de la Ligue de rugby a remercié le RCA et la Ville d’Alençon « pour avoir accepté que Laurent fasse partie de ce club encore très longtemps ».

Pour Joaquim Pueyo, le maire d’Alençon, « il nous appartient de faire vivre l’héritage de Laurent, de perpétuer son énergie, sa passion et l’amour inaltérable qu’il portait à ce sport et à ceux qui l’entouraient ». Il a décerné, « à titre posthume », la médaille de la Ville d’Alençon à Laurent Hugo et l’a remise à sa maman, présente avec Raphaël, l’un de ses trois fils.

Raphaël, le jeune frère de Laurent Hugo, ici avec son maillot du RCA.
Raphaël, le jeune frère de Laurent Hugo, ici avec son maillot du RCA. ©L’Orne hebdo« Laurent a été heureux une partie de sa vie »

Raphaël, qui avait 5 ans en 1985, s’est dit « honoré de voir la mémoire » de son frère Laurent salué par la dénomination du stade à son nom et a remercié l’ensemble des acteurs qui ont permis cela mais aussi la fédération française de rugby qui, par son soutien auprès de Laurent, a fait qu’il a gardé intacte sa passion pour ce sport.

« Laurent a été heureux une grande partie de sa vie même si la fin fut plus difficile car il était au bout du rouleau. Mais conformément à sa volonté, il n’y a pas eu d’acharnement thérapeutique », a déclaré Françoise Hugo, sa maman, avant d’adresser ses remerciements « à sa ville, à son sport et à M. Carrère qui l’a accompagné physiquement et qui a toujours été là pour prendre de ses nouvelles ».

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