Le spécialiste de la food, Hirmane Abdoulhakime, a entamé il y a quelques années un tour de France des kebabs. Selon lui, la concurrence des autres formes de street food est l’une des raisons principales de la chute de ce sandwich en Île-de-France.
Depuis quand les kebabs ont-ils moins de succès ?
HIRMANE ABDOULHAKIME. Les difficultés ont commencé depuis que l’offre street food s’est diversifiée. Avant, le kebab faisait partie des quatre ou cinq options disponibles sur le marché. Maintenant, le client en a 15. La multiplication des possibilités a altéré leur succès. Par ailleurs, préparer un kebab à l’ancienne nécessite beaucoup de travail : il faut couper la viande, la laisser mariner 24 heures, la remonter sur la broche (c’est très lourd) etc.
Hirmane Abdoulhakime, expert food sur les réseaux connu sous le nom The Dwichtorialist, a entamé il y a quelques années un tour de France des kebabs. DR
Certains optent pour de la viande surgelée pour s’éviter ces tâches artisanales. Or, l’intérêt d’un kebab, c’était justement de déguster une bonne viande fraîche. Ce n’est plus toujours le cas. Résultat, certains clients se demandent : Celui-ci a-t-il de la viande préparée maison ? Cela a introduit une méfiance dans l’esprit du consommateur. L’aspect d’une broche toute faite surgelée est uniforme. Une viande maison a une apparence davantage striée. Enfin, les kebabs sont nettement moins présents sur les réseaux sociaux par rapport aux nouveaux concepts.
Le kebab à l’ancienne disparaît donc peu à peu ?
Des usines en Allemagne exportent de la viande surgelée toute faite depuis environ dix ans. Des gérants se laissent forcément tenter. C’est exactement la même chose chez les boulangers qui se passent de tourier pour leurs croissants. Certaines brasseries proposent aussi du surgelé tandis que d’autres choisissent le fait-maison.
Lors de mon tour de France des kebabs avec le chroniqueur culinaire François-Régis Gaudry, on avait rencontré le cuisinier du Ottoman Palace près de Rouen (Seine-Maritime). Il concoctait une viande incroyablement goûteuse. Il disait qu’être un bon kébabier nécessitait trois ans de formation. Cet artisan avait prévenu : Quand je prendrai ma retraite, elle ne sera pas pareille car mes enfants n’ont pas envie de passer autant de temps à la préparer.
C’est plus facile d’écouler des tacos et du poulet frit ?
Ils ont des produits surgelés. Grâce à ça, ils subissent forcément moins de pertes qu’un kebab artisanal. Ils peuvent mieux gérer leurs stocks. Un bon poulet coûte aussi moins cher qu’une viande de qualité. Il se conserve mieux. Quand on le fait frire, la panure vient masquer facilement le goût du surgelé.
Quel type de kebab séduit encore les clients ?
Ce sont ceux qui ont misé sur une viande de qualité qui a été préparée à l’ancienne. On peut citer celui des Frères Batignolles ou le 129 à Saint Denis en Seine-Saint-Denis. Ces deux-là cuisinent une viande avec toutes les tâches évoquées plus haut. Cela prend du temps. Ils maîtrisent et travaillent leur image sur les réseaux sociaux. Un peu comme les bistrots, on sait lequel propose du fait-maison. Le bouche-à-oreille fonctionne.