L’intersaison sans vélo, ce n’est pas pour vous…

En fait, je suis parti un mois en Thaïlande, du 26 octobre au 25 novembre. J‘ai d’abord passé huit jours sans vélo, avec Axel (Laurance) et Eddy (Le Huitouze). J’avais terminé ma saison sur le Tour de Hollande, le 19 octobre, ça faisait du bien d’être avec les copains, de ne pas penser au vélo. Bon, il m’a vite manqué… Pendant une vingtaine de jours, j’ai ensuite repris par du bikepacking. Seul pendant cinq étapes puis avec un copain (Charly Martin) qui m’a rejoint dans le nord de la Thaïlande (à Chiang Mai) pendant les treize autres. On a traversé le pays jusqu’à Bangkok. On a savouré le moment présent. On a kiffé.

Pourquoi avoir choisi la Thaïlande ?

L’Asie me faisait envie et avec ses belles routes et ses beaux chemins. La Thaïlande représentait un bon compromis avec la sécurité, sa qualité d’hébergement, de nourriture, sa nature verdoyante, son climat. L’an dernier, aux USA, sur un rayon de 200 kilomètres, il n’y avait pas une seule maison. En Thaïlande, ce n’était pas le cas. Il y avait toujours un petit village, un agriculteur qui a des rizières etc.

Partir à l’aventure pendant l’intersaison, c’est vraiment votre truc…

Mon vélo, j’arrive à lui mettre plusieurs casquettes… Et ça, c’est vraiment une facette du vélo que j’adore. Partir à la découverte de contrées lointaines, de nouveaux paysages, des gens, des sentiers… Quand tu es sur ton vélo, tu ressens des choses que tu ne peux pas ressentir en voiture. Je ne me souviens évidemment pas de toutes les routes que j’ai empruntées mais j’ai le souvenir de ce petit lézard ou de ce temple caché derrière la montagne. Il n’y a que sur le vélo que l’on peut ressentir cela. J’adore cette déconnexion. Je ne touchais pas au téléphone de la journée. A cette période de l’année, nos entraîneurs nous laissent aussi un peu tranquille. Mon pote, mon vélo et moi… Le bonheur !

Comment se déroulaient vos journées ?

On planifiait nos villes-étapes en prenant des renseignements sur internet ou en discutant avec les gens du coin. Avec les obligations de localisation anti-dopage (ADAMS), je devais planifier deux jours à l’avance et donner un créneau où j’étais localisable. On a fait 2 300 kilomètres en vingt jours, on faisait entre 130 et 190 kilomètres. Cela nous faisait entre cinq et huit heures de vélo. On se faisait masser tous les jours, les massages thaïs, six-sept euros de l’heure. On dormait ensuite chez l’habitant ou dans des hôtels qui, en Thaïlande, restent très accessibles.

« Je me suis retrouvé au milieu des éléphants… » : ce coureur professionnel breton s’est offert un tour de Thaïlande épique pendant l’intersaison (Photo DR)Vous aviez un vélo spécial ?

Non, non, juste mon gravel. Avec toutes mes sacoches. Il pesait 30 kilos parce que je prenais le matériel de mon pote qui n’a pas la même condition physique que moi. Son vélo pesait 14 kilos. Dans mes sacoches, j’avais toute la partie mécanique, un drone… Comme ça, c’était plus dur pour moi et j’aimais ça. Mon pote vous dira que je lui ai fait mal aux crayons. Ah, ça, dans les bosses, je ne restais pas planté.

Vous est-il arrivé des moments imprévus ?

Forcément… Je me souviens d’une journée où l’on pensait prendre un raccourci pour éviter un éboulement. Manque de pot, on s’est retrouvé à traverser une rivière et, sans rire, on a traversé son lit une quarantaine de fois ! On a passé deux heures dans ce bourbier. On avait de l’eau jusqu’au nombril, on portait nos vélos… C’était assez épique. Cela nous est également arrivé de nous retrouver à pédaler aux côtes d’éléphants et plein de singes. Dans les villages traversés, les locaux nous proposaient souvent de nous accrocher à leur voiture. Je me souviens aussi de ce chemin complètement paumé, on ne savait plus trop où on était et on s’est retrouvé devant un temple magnifique. Ah, il y a aussi ces deux traversées de Bangkok…

Racontez-nous…

Avec nos vélos, on était au milieu d’un trafic de fou ! Les gens se demandaient ce que l’on faisait là. C’était assez marrant… Mais le top du top, c’est cette petite musique dans les écouteurs dans les oreilles, cette belle montagne en fond, ces routes bordées de magnifiques palmiers, cette atmosphère humide, ce coucher de soleil. C’est la meilleure sensation que tu peux avoir sur un vélo. Tu te laisses juste porter… Tu termines ta journée de vélo, tu as vu des temples, tu as croisé des locaux, tu as mangé de la « street food », la nourriture qu’ils cuisent sur le pot d’échappement.

Qu’est-ce qui vous a marqué le plus par rapport à votre précédent road-trip ?

Aux États-Unis, tout est grand, tout est fort, tout est puissant. En Thaïlande, j’ai vraiment découvert autre chose. Des gens hyper respectueux, qui vivent leur vie sans embêter personne. Là-bas, j’ai été fasciné par cette paix intérieure. Là-bas, Je n’ai jamais ressenti aucun stress, aucune agression, même dans une ville comme Bangkok, malgré ses millions d’habitants. Là-bas dans les rues, les gens ne couraient pas dans tous les sens. J’ai énormément apprécié cette sérénité, cette façon de vivre.

2 300 kilomètres de vélo pendant l’intersaison, ce n’est pas une véritable coupure…

J’adore le vélo, je ne peux pas m’en passer… Cette année, j’ai réussi à faire huit-neuf jours sans vélo, les précédentes inter-saisons, je n’y arrivais pas. Certains me disent qu’il faudrait que je coupe, que ça me ferait du bien mentalement. Je pense juste qu’ils n’ont pas la même vision que moi. J’aime la compétition mais je n’aime pas que ça. Et puis je suis quelqu’un qui déteste s’ennuyer ou perdre du temps. Après plusieurs heures de vélo, je ne pouvais pas rester dans ma chambre le soir : je sortais me promener, parler aux gens, découvrir. Pour moi, la vie, c’est ça ! Je kiffe, je kiffe. Quand je suis en mode aventure, mon cerveau « swipe » facilement.

Pendant votre périple, vous avez continué de rouler sous les couleurs de votre équipe professionnelle…

Oui, mon équipe m’a donné son accord. Je lui fais un peu de visibilité comme ça. C’est d’ailleurs marrant : un Polonais m’a reconnu grâce à ce maillot. Il a vu que j’avais plus ou moins l’allure d’un coureur professionnel, il est venu me voir, il faisait du vélo en amateur. On est allé boire un coup ensemble.

Dès votre retour en Bretagne, vous n’avez pas pu vous empêcher de repartir…

Au lendemain de mon retour en France, je suis parti rejoindre mes parents qui sont en vacances au Maroc. Là-bas, pendant cinq-six jours, j’ai fait des randonnées de deux-trois heures tous les jours. Le matin, j’allais courir à jeun et le soir, à la séance de musculation.

On imagine que vous avez déjà d’autres idées de bikepacking en tête…

Ce qu’a fait Erwann Guenneugues (depuis la Bretagne, il a rallié le Japon à vélo) me donne super envie. Traverser tout un continent comme ça, ça doit être fou. L’an prochain, j’ai déjà envie de retourner en Asie, j’ai tellement accroché.