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La volonté de Donald Trump (ici en juillet 2025) de gracier Juan Orlando Hernandez, l’ex-président du Honduras, n’a vraiment ni queue ni tête.
EN BREF • Donald Trump veut gracier Juan Orlando Hernández, ex-président du Honduras, condamné aux États-Unis à 45 ans de prison pour narcotrafic.
• Cette grâce suscite la stupeur car elle contredit le discours de Trump sur la lutte contre le narcotrafic.
• Donald Trump s’est aussi immiscé dans la politique locale hondurienne en soutenant le candidat d’opposition à la présidentielle.
Une décision injustifiée et injustifiable. Donald Trump a suscité la stupeur parmi la classe politique aux États-Unis et au Honduras en annonçant vendredi 28 novembre son intention de gracier l’ex-président Juan Orlando Hernández – « JOH » pour les aficionados de la politique hondurienne. Au pouvoir de 2014 à 2022, celui-ci a été condamné à une peine de 45 ans de prison sur le sol américain pour trafic international de drogue. Les faits reprochés lors de son procès début 2024 sont accablants, comme le rappelle l’agence Associated Press.
Le tribunal a conclu que derrière ses beaux discours de lutte contre les cartels et l’insécurité, Juan Orlando Hernández utilisait en réalité l’armée et la police honduriennes pour « acheminer des cargaisons de drogue à travers le pays ». Des témoins lors du procès l’ont décrit comme un « protecteur enthousiaste » de grands trafiquants de cocaïne, dont le célèbre baron de la drogue mexicain El Chapo. Ce dernier a versé un pot-de-vin d’un million de dollars au frère de « JOH », ont déclaré les magistrats américains.
Reconnu coupable d’avoir aidé à expédier des centaines de tonnes de cocaïne aux États-Unis, Juan Orlando Hernández n’était pas tendre avec le pays de l’Oncle Sam. Lors de son procès, un procureur cité par Politico a rapporté que l’ex-président s’était vanté lors d’une réunion avait des narcotrafiquants qu’« ensemble, ils allaient fourrer la drogue dans le nez des gringos » – un terme hispanophone péjoratif pour désigner les étrangers et notamment les Américains.
Cette grâce contredit le discours trumpiste sur le narcotrafic
Ce CV sauce scandale et poudre blanche ne gêne visiblement pas Donald Trump, pourtant en lutte déclarée et brutale contre les « narcoterroristes » latino-américains. Dans un message posté vendredi 28 novembre sur Truth Social, le président américain a annoncé son intention de sortir Juan Orlando Hernández de prison. « Je vais [lui] accorder une grâce totale et absolue, a-t-il écrit, d’après de nombreuses personnes que je respecte énormément, [il] a été traité de manière très dure et injuste. » Difficile de ne pas s’étonner face à cette annonce, comme le relève le New York Times qui estime que Donald Trump « affiche » ici ses « contradictions ».
Le locataire de la Maison Blanche est en pleine escalade militaire avec le Venezuela, qu’il accuse de soutenir le narcotrafic. Son administration « a eu du mal à justifier stratégiquement le déploiement massif de forces américaines dans les Caraïbes », souligne le quotidien américain, selon qui « l’importance de ces forces laisse supposer des ambitions plus vastes ». En privé, les conseillers trumpistes semblent intéressés par les réserves pétrolières vénézuéliennes et parlent de destitution du président et autocrate Nicolás Maduro.
Faut-il voir dans lutte du président américain contre le narcotrafic un simple écran de fumée ? C’est ce qu’a affirmé le sénateur démocrate Tim Kaine, grand détracteur de Juan Orlando Hernández lorsqu’il était encore au pouvoir. Jugeant la situation « choquante » dans une interview dimanche sur CBS, il a affirmé qu’en proposant de libérer « le chef de l’une des plus grandes organisations criminelles jamais condamnées par les tribunaux américains », Donald Trump a prouvé qu’il « se moque du trafic de drogue ».
Trump accusé d’« ingérence » dans la présidentielle hondurienne
Le président américain continue pourtant d’affirmer le contraire. Citée par le New York Times, l’une des communicantes de la Maison Blanche (Anna Kelly) affirmait encore que Donald Trump « a fait plus que quiconque pour lutter contre le fléau des décès liés aux drogues illicites » en « sécurisant la frontière » et « en frappant les narcoterroristes désignés qui font passer clandestinement des drogues pour tuer des Américains ».
Alors que la présidentielle se tenait dimanche au Honduras, la Maison Blanche a apporté son soutien au candidat de droite Nasry Asfura. « S’il ne remporte pas les élections, les États-Unis ne gaspilleront pas leur argent », a même menacé Donald Trump qui donne notamment comme argument… la lutte contre le trafic de drogue. Dans un message sur Truth Social épinglé par le Times et publié avant le scrutin, le président se demandait : « Maduro et ses narcoterroristes vont-ils s’emparer d’un autre pays comme ils l’ont fait avec Cuba, le Nicaragua et le Venezuela ? » Dénoncée comme une « communiste » indésirable par la Maison Blanche, la candidate de la gauche au pouvoir Rixi Moncada a dénoncé les « actions d’ingérence » américaines.
Ces alarmes et les incohérences flagrantes de Donald Trump n’ont visiblement pas suffi à convaincre les électeurs honduriens, qui semblent avoir suivi ses consignes et ployé face à ses menaces. Selon les premières estimations du Conseil national électoral (CNE) parues lundi en début de matinée, Nasry Asfura est arrivé en tête du scrutin avec 40,6 % des voix – 1,8 point devant son concurrent de droite Salvador Nasralla et 21 points devant Rixi Moncada.