Depuis trois ans, certain(e)s habitant(e)s des Docks Citadelle tentent d’alerter sur la situation du parking Dock 1 aux Deux-Rives. Présence régulière de personnes sans domicile fixe, point de deal régulier, effractions répétées et aucune sécurisation du parking, la liste des griefs est longue. Désemparé(e)s face au manque de réponse de la Ville de Strasbourg, qui nous a répondu, on a donné la parole aux habitant(e)s.
« Ce parking est une catastrophe. » Excédées, en colère, désabusées… La liste de qualificatifs est longue pour définir les personnes rencontrées par Pokaa concernant le parking Dock 1. Situé juste en face de l’arrêt de tram Citadelle aux Deux-Rives, il a été inauguré en mai 2022. Depuis, ses plus de 400 places sont très souvent vides, et l’imposant bâtiment sonne creux.
Si le nom vous dit quelque chose, c’est normal : il est concomitant au bâtiment des Docks Citadelle, où certain(e)s propriétaires de la résidence sont en conflit avec leur bailleur social. Un conflit que Pokaa avait documenté en octobre dernier. Et dans leurs griefs, se trouvait déjà le parking, ouvert aux quatre vents, avec des accès non contrôlés.
Plus globalement, elles pointent un parking sans « aucune sécurité, et où on peut rentrer de n’importe où », qui est devenu un « point de deal régulier et lieu de squats » et a été témoin de « scènes de nudité, errance, voire détresse psychologique ». Désemparées face à l’absence de réponse de la Ville et de l’Eurométropole [qui nous ont répondu, ndlr], elles sont également révoltées contre les tarifs pratiqués.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Portes fracturées, saleté et lieu inoccupé : un parking insalubre
Visité le 14 novembre dernier, Dock 1 donne l’impression d’être à l’abandon. Pour une raison simple : il est souvent presque complètement vide, et pourrait même ravir les pratiquant(e)s d’urbex.
Étant régulièrement inoccupé, et étant donné qu’il est très simple d’y entrer, de nombreuses personnes sans domicile fixe ont ainsi déjà été remarquées sous les escaliers du rez-de-chaussée, ou alors au 4e et au 5e étage [une personne était présente lors de notre visite, ndlr]. Le tout donnant un sentiment d’insécurité résumé par une habitante des Docks : « Seule, je ne mets pas les pieds ici. »
Ici, c’est du low cost.
Habitant(e) des Docks Citadelle
© Nicolas Kaspar / Pokaa
La liste de ce qui ne va pas dans ce parking est longue selon les personnes rencontrées : effractions répétées (portes fracturées, matériels endommagés, coupures volontaires d’eau, barrière plusieurs fois cassée), aucune sécurisation de l’accès au parking malgré des demandes formulées depuis plus de trois ans, multiples dégradations matérielles, rodéos dans le parking ou encore un ascenseur côté quai resté hors service plusieurs mois, faute de téléassistance.
« Des problèmes qui ne datent pas d’hier », qui consternent les personnes concernées. Surtout qu’elles ont l’impression de faire face à un mur avec la Ville et l’Eurométropole, où « il n’y a que du mépris », selon un(e) habitant(e) : « Tu envoies des mails à 23 personnes, t’as pas une personne qui te répond. » Elles ont plusieurs fois rencontré des membres de l’opposition strasbourgeoise, pour essayer de politiser l’affaire.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Les réponses de la Ville sur l’insalubrité
Contactées à ce sujet, la Ville et l’Eurométropole ont répondu par la voix d’Antoine Dubois, adjoint de quartier du Neudorf [d’ailleurs plusieurs fois mis en cause personnellement par les personnes interviewées, ndlr]. Pas surpris par notre sujet, celui-ci affirme être « au courant depuis le début du mandat » des problématiques du parking Dock 1 et du quartier.
On est dans un quartier en pleine construction qui n’a pas encore trouvé son équilibre, dans un site qui était encore en friche il y a peu.
Antoine Dubois, adjoint du quartier Neudorf
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Ne niant pas les incivilités, il déclare comprendre « les proportions que prend cet agacement » de la part des habitant(e)s. Il annonce que des réparations sont prévues sur les luminaires cassés, les blocs lumières de sécurité et les dégradations au dernier étage : « Ça va être réparé dans le délai qui est celui de mobilisation du prestataire. Ça peut paraître long mais ça va être fait. »
Surtout, il met en lumière le sujet de la porte d’accès au parking côté quai : « Entre les mauvais usages, les jeunes qui s’amusent, une personne qui cherche à se mettre à l’abri… A priori, il faudrait mettre un accès de contrôle. » Si le bon mode n’est pas encore trouvé (entre une caméra, un badge, des codes), Antoine Dubois assure que le sujet est en réflexion très avancée. Reste à voir quand il sera traité.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Des habitant(e)s ressentant une « injustice » face aux tarifs des parkings et le manque de stationnement dans les rues
En plus de l’insalubrité, le parking Dock 1 a un autre problème selon les habitant(e)s interviewé(e)s : ses tarifs, considérés comme injustes par rapport au découpage des zones de stationnement. Pour faire simple, les habitant(e)s des Docks Citadelle sont dans la zone 16, celle du parking Dock 1. Ils et elles doivent payer 90 €/mois pour y garer leur voiture… ou aller à Danube vert [17 min à pied, ndlr], Bateliers ou Austerlitz [40 min à pied chacun, ndlr].
Le tout, alors que cette zone 16 ne comprend que 37 rues, dont 14 sans aucune place de stationnement. Un objectif assumé du projet des Deux-Rives repris en main par la municipalité, qui souhaitait faire en sorte d’avoir le moins de voitures possibles en stationnement.
Si on arrivait à remplir un peu plus le parking, moins de gens y squatteraient.
Habitant(e) des Docks Citadelle
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Dans le même temps, les habitant(e)s de la zone 15 (soit presque tout le Neudorf en dessous de l’avenue du Rhin) peuvent se garer dans les parkings Dock 1, Danube Vert, Austerlitz ou Bateliers, pour 60 €/mois. Enfin, celles et ceux de la zone 14 (Neudorf au-dessus de l’avenue du Rhin) peuvent payer 60 € pour se garer au parking Dock 1. Sachant que, dans les deux cas, l’accès au Dock 1 est plus court pour certain(e)s habitant(e)s à l’extrémité de ces deux zones.
Un ensemble de données qui mettent en colère les habitant(e)s des Docks Citadelle, qui y voient une injustice de traitement, ainsi qu’une explication de pourquoi le parking est si souvent vide : « Il y a 10% à peu près du parking rempli, parce que les gens peuvent pas se le permettre. »
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Une Ville qui justifie le fait de « poser un trait », ce qui « n’est pas une science exacte »
Face à cette colère, Pierre Ozenne rappelle que la collectivité a baissé les tarifs des parkings, et que 90 € est à peu près le prix de location d’un garage sur le marché. Elle a décidé de mettre un deuxième tarif à 60 €, afin de soutenir les « personnes plus éloignées d’un parking qui vont faire un effort de garer leur voiture plus loin, donc la collectivité fait un effort aussi. »
Rappelant que le fait de tracer un trait n’est « pas une science exacte » et devait « être simple à mémoriser pour les habitants », l’adjoint à l’espace public explique qu’il fallait trouver « un équilibre entre le nombre de foyers et le nombre de places sur l’espace public pour avoir quelque chose de cohérent ».
Il fallait mettre un trait à un endroit.
Antoine Dubois, adjoint du quartier Neudorf
Face à la notion d’injustice ressentie par les habitant(e)s des Docks Citadelle, Pierre Ozenne répond que « c’est quelque chose qui n’était pas nouveau, qui était annoncé depuis longtemps ». S’il reconnaît qu’il y a effectivement moins de place, il rappelle que « des espaces existent rue du Havre ou rue de Soultz, ou le parking Danube Vert ». Il explique aussi que la situation pourra tout à fait « varier dans le temps ».
Pour aller plus loin, il explique que la collectivité attend une évolution législative concernant la tarification des parkings en ouvrage, qui puisse intégrer la tarification sociale comme c’est le cas pour le stationnement résident. Avant de conclure : « Entre la théorie, la mise en oeuvre, et ce que les habitants recherchent et ce qu’on leur a promis… parfois ça coince. Et il y a beaucoup d’autres exemples dans la ville. »
Pas sûr néanmoins que cela rassure cette habitante des Docks : « Ils m’ont vendu du rêve. Il va falloir me le rendre. »