Le président français Emmanuel Macron effectuera cette semaine sa quatrième visite d’État en Chine, à l’heure où l’Europe cherche à trouver un équilibre entre les menaces économiques et sécuritaires émanant de Pékin et sa dépendance envers la deuxième économie mondiale, dans un contexte de turbulences commerciales mondiales.

Par le passé, Emmanuel Macron a tenté d’afficher un front européen solide face à la Chine, tout en veillant à ne pas froisser Pékin, dont l’affirmation croissante met à l’épreuve les relations commerciales, sécuritaires et diplomatiques, estiment les analystes.

« Il doit faire comprendre à la direction chinoise que l’Europe réagira face à la montée des menaces économiques et sécuritaires venant de Pékin, tout en évitant une escalade des tensions qui conduirait à une véritable guerre commerciale et à une rupture diplomatique », a déclaré Noah Barkin, analyste Chine au sein du Rhodium Group, à Reuters.

« Ce n’est pas un message facile à faire passer », a-t-il ajouté.

LES EXPORTATIONS CHINOISES FRAGILISENT L’INDUSTRIE EUROPÉENNE

Macron débutera son déplacement par une visite de la Cité interdite de Pékin mercredi. Il rencontrera le président Xi Jinping jeudi dans la capitale, puis à nouveau vendredi lors d’un déplacement à Chengdu, dans la province du Sichuan, au sud-ouest du pays.

Cette visite intervient après un déplacement tendu de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en juillet, au cours duquel elle avait affirmé que les relations entre l’UE et la Chine étaient à un « point d’inflexion ».

Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le chancelier allemand Friedrich Merz effectueront une visite au début de l’année prochaine.

Les tensions commerciales entre la Chine et l’Europe se sont accentuées, les exportations chinoises à bas coût, notamment dans le secteur de l’acier — après avoir été évincées du marché américain –, frappant de plein fouet de larges pans de l’industrie européenne.

L’Europe s’inquiète également de la supériorité technologique croissante de la Chine dans le secteur des véhicules électriques (VE) et de sa domination dans le traitement des terres rares, ce qui pourrait menacer l’approvisionnement de secteurs industriels européens stratégiques.

Alors que les droits de douane imposés par Washington pèsent sur le commerce mondial, Pékin tente de se présenter comme un partenaire d’affaires, espérant ainsi apaiser les inquiétudes européennes concernant le soutien de la Chine à la Russie et son modèle industriel subventionné par l’État.

Avant le déplacement, les conseillers de Macron ont indiqué qu’il plaiderait pour un rééquilibrage des dynamiques commerciales afin que la Chine stimule sa consommation intérieure, tout en espérant que « les bénéfices de l’innovation puissent être partagés », permettant ainsi à l’Europe d’accéder aux technologies chinoises.

Pour répondre à l’inquiétude croissante face au commerce chinois, l’Union européenne devrait dévoiler une nouvelle doctrine de sécurité économique, qui pourrait amener le bloc à utiliser de manière plus offensive sa panoplie d’instruments commerciaux à l’égard de la Chine.

La France, dont les constructeurs automobiles réalisent des ventes négligeables en Chine mais sont sous pression pour réussir leur transition vers le VE sur le marché domestique, a soutenu l’initiative de la Commission européenne visant à relever les droits de douane sur les importations de voitures électriques chinoises.

Paris s’est également retrouvé impliqué pendant plus d’un an dans un différend avec Pékin concernant une enquête chinoise sur les importations de cognac, une mesure largement perçue comme des représailles de la Chine après le soutien de la France aux droits de douane sur les VE, avant d’obtenir une trêve.

Malgré l’ouverture récente d’une nouvelle ligne d’assemblage en Chine, Airbus ne devrait probablement pas décrocher, lors de la visite de Macron, la très attendue commande pouvant aller jusqu’à 500 avions, selon des sources industrielles. De tels contrats donnent à Pékin un levier face à Washington, qui fait pression pour de nouveaux engagements d’achat de Boeing.

MACRON NE PEUT SE PERMETTRE UNE NOUVELLE SORTIE SOLO

Macron veillera également à ne pas répéter les faux pas de son dernier voyage en 2023, lorsque ses propos sur Taïwan lors d’une interview dans l’avion du retour avaient suscité une vive réaction aux États-Unis.

« Macron ne peut pas se permettre de partir en roue libre comme en 2023 », estime Noah Barkin, ajoutant que ces déclarations, dans lesquelles il semblait refuser de choisir entre la Chine et les États-Unis, avaient « donné une image trompeuse de la politique française envers la Chine ».

Les conseillers français précisent que Macron insistera sur le maintien du statu quo concernant Taïwan et exhortera la Chine à ne pas alimenter les tensions, dans la foulée de récents commentaires japonais sur l’île qui ont déclenché une passe d’armes diplomatique avec Pékin.

« Je m’attends à ce qu’il soit plus discipliné cette fois-ci », conclut Barkin. « L’enjeu est bien plus important pour la France et pour l’Europe. »

(Reportage de Michel Rose ; avec la contribution d’Elizabeth Pineau et Tim Hepher à Paris, et Joe Cash à Pékin ; édition par Sharon Singleton)