Par
Anaelle Montagne
Publié le
2 déc. 2025 à 6h04
Mickaël O. a failli mourir là, sur le sol de la rue Henri Ziegler, à Toulouse. Le 27 avril 2025, il s’est fait renverser par une voiture alors qu’il se trouvait sur la chaussée, avant d’être placé dans le coma, entre la vie et la mort. Au volant du véhicule qui l’a percuté ? Une certaine Chayma B., 23 ans. C’est en tout cas ce qu’elle clame. Mais cet accident, tragiquement banal de prime abord, pourrait cacher de sombres manœuvres : mensonges, délit de fuite, intrusion à l’hôpital, tentatives d’intimidation de témoins… un imbroglio que le tribunal de Toulouse a tenté d’éclaircir ce jeudi 27 novembre 2025, durant le procès de la jeune femme et son frère Otman.
Chayma B. dit être la conductrice
Il est 23 heures le dimanche 27 avril lorsque les policiers interviennent sur les lieux de l’accident, dans le quartier de Saint-Martin-du-Touch.
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À leur arrivée, les pompiers sont déjà sur place et prennent en charge la victime : vers 22h20, le jeune Mickaël O. a été renversé par une voiture qui roulait à 50 km/h devant le 3 rue Henri Ziegler, où la vitesse est limitée à 30.
Ensuite, la Peugeot 3008 – louée par la belle-sœur de Cheyna B. – a été déplacée dans une rue adjacente « par une tierce personne ». La jeune femme qui dit en être la conductrice explique avoir percuté Mickaël O. alors qu’elle dépassait un véhicule stationné en double file ; le piéton se trouvait au milieu de la route, elle l’aurait aperçu trop tard.
Les graves blessures de la victime
La jeune victime est immédiatement transportée à Purpan. Son pronostic vital est alors gravement engagé. Il souffre d’un trauma crânien sévère avec épanchement cérébral, d’une contusion pulmonaire et de très nombreuses fractures. Placé dans le coma, il en sort finalement une semaine plus tard et se voit prescrire 45 jours d’ITT. Et lorsque la police parvient finalement à l’interroger… « trou noir ». Aucun souvenir.
Les enquêteurs doivent donc s’appuyer sur les vidéos de surveillance, les analyses de la téléphonie et les témoignages pour retracer le déroulement de l’accident. Et au fil de l’enquête, de nombreuses zones d’ombre émergent.
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Le petit frère de Chayma était-il au volant ?
D’abord, le téléphone de la conductrice présumée ne borne pas sur les lieux de l’accident au moment des faits, mais bien au domicile familial, à Colomiers. Étrange. Le récit des témoins, qui concordait initialement, finit aussi par semer le doute : plusieurs d’entre eux assurent que le conducteur serait son petit frère, Otman B. Âgé de 20 ans et défendu par Me Jacques Derieux, il s’avère être l’un des amis de la victime.
Devant les enquêteurs, le jeune homme à la longue queue-de-cheval finira par avouer qu’il était bien présent au 3 rue Henri Ziegler au moment de l’accident, mais pas dans la voiture : il « traînait simplement là, à jouer au foot ». Mickaël O. serait allé chercher le ballon sur la chaussée et Chayma B., qui arrivait en voiture, l’aurait percuté pendant qu’elle doublait le véhicule garé en double file… Mais les enquêteurs ne retrouveront jamais le ballon, ni le fameux véhicule.
Qu’est-ce qui aurait poussé le jeune homme à renverser son ami, et pourquoi aurait-il fait accuser sa sœur ?
Un jeu dangereux
L’avocate de la victime, Me Virginie Chasson, relate une autre version. Un témoin – qui craignait des représailles – parle d’un jeu dangereux « où les jeunes devaient éviter les voitures, et qui aurait mal tourné ». La victime aurait été tenue au milieu de la route par un ami, et Otman n’aurait pas ralenti assez pour qu’il puisse l’éviter à temps.
Rappelant que la question de poursuites pour tentative de meurtre s’est posée dans le dossier, l’avocate insiste : « On parle d’un jeu un peu prémédité, à mon sens. » Elle rappelle qu’Otman B. est déjà connu de la justice, et qu’il « joue un rôle central dans le quartier ». « Il sait se faire respecter, et les gens ont peur de lui ».
Des témoins relatent en effet avoir subi des tentatives d’intimidation, pour qu’ils ne témoignent pas. Et puis, il y a cet incident, survenu alors que la victime était toujours dans le coma.
Tentative d’intrusion à l’hôpital de Purpan
Deux jours après l’accident, deux individus se sont présentés à l’hôpital Purpan à deux heures du matin, en se faisant passer pour ses cousins. Ils voulaient impérativement le voir.
Me Virginie Chassier
Avocate de Mickaël O.
L’avocate présume qu’ils voulaient « s’assurer que [son] client n’était pas en état de parler et de dire qui était au volant ». Une infirmière finira par les empêcher de monter, avant d’en informer les enquêteurs.
« Monsieur B. sait se faire respecter, dire ce qu’il faut faire. Il a une influence sur son entourage, y compris familial. » Ce qui inclut sa sœur Chayma ?
Otman avait enlevé et violenté sa sœur
La présidente de l’audience, Anne-Cécile Krygiel, plonge l’assistance dans un nouveau volet de l’affaire.
« Avez-vous subi des menaces de votre famille ? », demande la magistrate à celle qui assure avoir conduit la voiture. Cette question ne sort pas de nulle part. Il y a un an, cette même présidente avait condamné Otman B. et son frère… pour avoir enlevé leur sœur Chayma, avant de lui faire subir des violences aggravées.
Stupeur dans la salle d’audience.
« Il l’a mise dans un coffre »
« Non, je ne subis pas du tout de menaces », insiste fermement la jeune femme aux longs cheveux lisses, la tête haute, son petit sac Yves Saint-Laurent sur l’épaule.
« Madame B. est bien courageuse de vouloir assumer ce rôle [de conductrice, ndlr] », lâche ensuite l’avocate de la victime. « Elle ferait ça pour son frère, même s’il l’a mise dans un coffre ! »
Les réquisitions
Le procureur a requis 20 mois de prison ferme à l’encontre d’Otman B., accusé de « délit de fuite » et de « blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois » – même si les faits devraient être requalifiés pour s’accorder aux 45 jours d’ITT finalement prescrits à la victime.
Contre sa sœur, Chayma B., accusée de « complicité de délit de fuite », le procureur a requis 8 mois d’emprisonnement (elle n’est pas éligible au sursis, ayant « déjà été condamnée pour des violences du même joug »).
Le dossier a été mis en délibéré et la décision de justice devrait tomber ce mardi 2 décembre 2025.
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