Si un projet devait illustrer à lui seul l’incurie de l’État en matière d’aménagement du territoire, l’aéroport de Nantes pourrait prétendre haut la main à ce statut peu enviable. C’est ce que confirme, sans surprise, le rapport publié sur le sujet par la Cour des comptes, le week-end dernier. Bientôt huit ans après l’abandon par Édouard Philippe, alors Premier ministre, du projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes – c’était le 17 janvier 2018 – la plate-forme nantaise vit un paradoxe.

Contrairement à d’autres aéroports, elle a retrouvé son niveau de fréquentation d’avant-crise Covid (7 millions de passagers annuels). Sur le plan financier, elle a doublé son chiffre d’affaires entre 2012 et 2023 (107,70 M€ aujourd’hui), tout en cumulant des résultats confortables (142,70 M€), dus, il est vrai, à l’interdiction faite par la tutelle – l’État – au gestionnaire Vinci de toucher des dividendes au regard de la situation juridique plus que bancale depuis l’abandon de Notre-Dame-des-Landes. Pour autant, malgré ces bons chiffres, le site est aujourd’hui figé dans le temps. « La situation d’attente actuelle a fait suite à une longue période de gestion terminale d’une infrastructure destinée à être remplacée, qui n’a pas été davantage propice à la réalisation de travaux de modernisation et d’adaptation », écrit la cour.

Nouvelle concession fin 2026 ?

Les passagers fréquentant le site aéroportuaire – dont de très nombreux Bretons contraints de franchir la Loire, faute d’une meilleure offre à Brest ou à Rennes – le constatent par eux-mêmes. Gestion des flux difficile, aires de stationnement pour les avions sur le tarmac insuffisantes, absence de salles réellement dédiées aux départs et aux arrivées, inconfort des espaces sécurisés étriqués, temps d’attente important avant l’embarquement ou pour la récupération des bagages, insuffisance de places de parking : la liste des griefs établie par les magistrats est longue. « Pendant près d’un quart de siècle, l’infrastructure n’a fait l’objet d’aucun réaménagement d’ampleur », soulignent ces derniers. Un immobilisme dû aussi aux contraintes environnementales – les avions survolent l’agglomération –, dont on ne voit pas le bout.

D’abord annulé en 2023 – seul Vinci avait alors candidaté –, un appel d’offres pour un nouveau contrat de concession est aujourd’hui en cours d’examen. Et le choix du nouveau gestionnaire devrait être connu à la fin de l’année 2026. Au mieux. Car les tensions entre Vinci et l’État, qui bataillent au tribunal administratif, ne facilitent pas la tâche. Le groupe privé réclame entre 1,4 et 1,6 milliard d’euros de dédommagement aux pouvoirs publics en raison de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes.

500 M€ d’investissements

Dans ces conditions, les travaux pour moderniser l’aéroport, dont le montant avoisinerait les 500 M€, ne sont pas lancés. Ils sont pourtant urgents, surtout si la fréquentation continue de croître. « La Cour des comptes aurait dû se positionner sur les investissements financiers. On attendrait d’elle un rapport plus ambitieux. L’enjeu est de savoir jusqu’où peut aller la plate-forme en matière de passagers », regrette un bon connaisseur du dossier. Tout en rappelant que les coûts de l’aménagement de Notre-Dame-des-Landes, hors accès, approchaient, eux, les 315 M€.