Le président Vladimir Poutine a salué ce que ses commandants lui ont présenté comme la prise complète de la ville de Pokrovsk, dans l’est de l’Ukraine, qualifiant cette avancée de victoire majeure qui aidera Moscou à atteindre ses objectifs de guerre plus larges. Kiev, de son côté, affirme que ses troupes sont toujours présentes sur place.
Voici les éléments clés à connaître sur Pokrovsk — que les Russes appellent par son nom soviétique, Krasnoarmeysk — et sur la longue bataille pour son contrôle, engagée véritablement à la mi-2024.
OÙ SE TROUVE POKROVSK ?
Pokrovsk est un noeud routier et ferroviaire situé dans la région de Donetsk, à l’est de l’Ukraine. Avant la guerre, la ville comptait environ 60 000 habitants. Elle constituait un important centre logistique pour l’armée ukrainienne, du fait de sa position sur un axe routier crucial pour l’approvisionnement des autres postes avancés du front. Le conflit a dévasté les immeubles résidentiels, criblé les routes de cratères, et la majorité de la population a fui.
La seule mine d’Ukraine produisant du charbon à coke — essentiel à son ancienne industrie sidérurgique florissante — se trouve à environ 10 km à l’ouest de Pokrovsk. Les activités minières y sont suspendues.
La ville abrite également la plus grande université technique de la région, aujourd’hui abandonnée et endommagée par les bombardements.
POURQUOI LA RUSSIE VEUT-ELLE POKROVSK ?
Moscou vise la conquête totale de la région du Donbass, qui englobe les provinces de Louhansk et de Donetsk. L’Ukraine contrôle encore environ 10 % du Donbass — soit quelque 5 000 km², principalement dans le nord de Donetsk.
La prise de Pokrovsk et de Kostiantynivka, au nord-est, que les forces russes tentent également d’encercler, offrirait à Moscou une base pour pousser vers le nord en direction des deux plus grandes villes de Donetsk encore contrôlées par l’Ukraine : Kramatorsk et Sloviansk.
Cette avancée rendrait également la région de Dnipropetrovsk, à l’ouest — où les forces russes affirment avoir déjà pris pied — plus vulnérable à de nouvelles offensives.
Pokrovsk constituerait le gain territorial le plus significatif pour Moscou en Ukraine depuis la prise de la ville en ruines d’Avdiivka au début de 2024.
La Russie cherche à convaincre l’Occident que la prise du reste de la région de Donetsk est inéluctable, et qu’il serait préférable que Kiev la cède volontairement dans le cadre d’un accord de paix.
L’Ukraine, qui rejette cette idée, tient à démontrer à ses partenaires occidentaux qu’elle peut infliger un coût élevé aux Russes pour des gains territoriaux relativement modestes, et mérite ainsi la poursuite de l’aide militaire et financière.
Poutine affirme que le Donbass fait désormais légalement partie de la Russie. Kiev et la majorité des nations occidentales considèrent cette annexion comme une appropriation illégale du territoire.
POURQUOI LA BATAILLE DURE-T-ELLE AUTANT ?
La Russie menace Pokrovsk depuis plus d’un an. Contrairement aux assauts frontaux menés lors de précédentes batailles, comme la sanglante campagne pour la ville de Bakhmout, de taille comparable, l’armée russe a opté pour un mouvement en tenaille afin d’encercler progressivement Pokrovsk et menacer les lignes d’approvisionnement ukrainiennes.
Les forces russes ont harcelé les troupes ukrainiennes à l’aide de petites unités et de drones pour perturber la logistique et semer la confusion, avant d’envoyer des renforts plus importants.
L’Ukraine affirme que l’offensive russe s’est traduite par de lourdes pertes pour Moscou. La Russie, de son côté, soutient que c’est l’Ukraine, avec une population bien moindre, qui risque de manquer d’effectifs, et que ses propres tactiques plus lentes visent à limiter les pertes.
Une incursion des forces ukrainiennes dans la région russe de Koursk l’an dernier, repoussée par Moscou, a ralenti l’assaut russe sur Pokrovsk.
QUELLE EST LA SITUATION ACTUELLE ?
Une vidéo diffusée par le ministère russe de la Défense montre des soldats brandissant le drapeau russe sur une place du centre-ville — ce que Reuters a pu confirmer — tandis que des bruits d’artillerie résonnent au loin. Reuters n’a pas pu déterminer la date exacte du tournage.
Selon l’armée ukrainienne, ses forces tiennent toujours la partie nord de la ville et ont attaqué des troupes russes dans le sud de Pokrovsk.
Reuters n’a pas pu vérifier de manière indépendante les affirmations des deux camps en raison des restrictions imposées à la couverture du conflit.
La publication de la vidéo en présence de Poutine, tard lundi, semble avoir été calculée pour coïncider avec la préparation des discussions que le chef du Kremlin doit tenir avec des négociateurs américains à Moscou, mardi.
Valery Solodchouk, commandant du groupe de forces Centre, a déclaré à Poutine que les troupes russes poursuivaient des opérations de « nettoyage » contre les forces ukrainiennes autour de Pokrovsk et de la ville voisine de Myrnohrad, où il estime que jusqu’à 2 000 soldats ukrainiens seraient piégés.
L’armée ukrainienne a affirmé, lundi, avoir repoussé plus de 40 attaques russes dans la région de Pokrovsk.