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Rédaction Rennes

Publié le

2 déc. 2025 à 12h26

Le drame était survenu jeudi 20 octobre 2022. Tennessee, âgé de 28 ans, était décédé alors qu’il intervenait sur un chantier dans les locaux de l’entreprise M-Extend, spécialisée dans la « fabrication d’équipements de manutention » pour les agriculteurs, à Acigné. Une enquête avait été ouverte pour déterminer les circonstances de l’accident. Lundi 1er décembre 2025, M-Extend comparaissait devant le tribunal correctionnel de Rennes, aux côtés de la société Elitel Energies, basée à Changé (Mayenne), qui employait le jeune électricien, originaire de Fougères.

Des « défaillances » constatée

Pour rappel, la « nacelle » dans laquelle se trouvait Tennessee – alors intérimaire – avait en fait été « percutée » par une « balancelle » du « convoyeur aérien », c’est-à-dire le système de transport industriel qui utilise des rails aériens pour déplacer des objets au sein de l’usine.

Le jeune homme s’était précisément retrouvé « coincé » entre le « garde-corps » de la nacelle et la « structure métallique » du convoyeur, ce qui avait provoqué sa mort par « compression thoracique ».

L’inspection du travail avait alors constaté des « défaillances » dans la « prévention » des risques d’accident du travail : le convoyeur aérien « fonctionnait en permanence » même lorsque des ouvriers intervenaient à proximité. Aucun « balisage » des zones de danger n’avait été prévu, et les salariés n’étaient pas informés du « risque de collision et d’écrasement ».

« C’était chaud patate »

Face aux « arrêts intempestifs » du convoyeur aérien – qui se stoppait « jusqu’à deux ou trois fois par matinée » – les employés avaient même pris l’habitude de le « réarmer » sans faire appel au service de « maintenance »… et sans vérifier la cause de l’arrêt.

Tennessee – qui ne disposait d’ailleurs pas des qualifications nécessaires pour conduire une nacelle à « élévation verticale » – avait réalisé des vidéos avant son décès, dans lesquelles il indiquait être « pas loin de toucher [le convoyeur, N.D.L.R.] » et que « c’était chaud patate ».

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Mais « on n’imaginait même pas qu’il puisse y avoir une intervention humaine à proximité du convoyeur » et « si on l’avait su, on aurait arrêté les travaux », a assuré à la barre du tribunal correctionnel de Rennes le directeur général de M-Extend.

Des « créneaux » d’arrêt de la machine étaient d’ailleurs ponctuellement mis en place pendant le chantier et les salariés étaient « formés » à sa mise en marche, a assuré Benjamin Gauchenot.

« L’environnement direct » du chantier n’a de toute façon « pas évolué » entre les différentes phases des travaux, ce qui explique que le plan de prévention n’a pas été « mis à jour », a abondé Christophe Ridard, cogérant de l’entreprise Elitel Energies.

Reste que les deux entreprises ont une « culture de la sécurité » et avaient les « outils juridiques et pragmatiques » pour éviter cet accident, a souligné la procureure de la République.

« On n’imagine pas une seule seconde qu’on puisse mourir au travail »

Le plan de prévention des risques n’était en définitive « pas suffisant » et ne répondait pas aux « exigences du Code du travail », a estimé la magistrate.

Elle a donc requis la condamnation de M-Extend à une amende de 240 000 euros et Elitel Energies à une amende de 270 000 euros, notamment pour « homicide involontaire ».

« Cela semble évident pour tout le monde qu’il aurait fallu que ce convoyeur soit interrompu », a appuyé Me Quentin Blanchet-Magon, l’avocat de la mère et des sœurs de Tennessee, décrit par ses proches comme un jeune homme « serviable », « dévoué » et « travailleur ».

« Tous autant qu’on est, on n’imagine pas une seule seconde qu’on puisse mourir au travail », a insisté l’avocat.

Verdict mi-décembre

Ce dernier a donc réclamé la condamnation solidaire des deux entreprises à verser à ses clientes une première « provision » de 20 000 euros pour leur « préjudice moral » et 800 euros de frais d’avocat pour chacune des sociétés.

Il a également demandé 50 000 euros de dommages et intérêts au titre des « souffrances endurées » de Tennessee de son vivant et 10 000 au titre de son « préjudice d’angoisse de mort imminente ».

L’avocat d’Elitel Energies a estimé pour sa part que la « sévérité » des peines requises par le parquet « ne va pas réformer profondément le monde du travail ».

Pour Me William Pineau, les dirigeants de l’entreprise n’ont pas « laissé glisser des situations scabreuses ou porteuses de danger » et n’ont pas « décidé, pour des raisons de rentabilité, de passer outre » : ils n’ont « tout simplement pas suffisamment bien vu » les risques, alors que l’environnement du travail ne présentait « pas de réel danger la plupart du temps ».

L’avocate de l’entreprise M-Extend a rappelé quant à elle « tout ce qui a pu être déployé tout au long de ces années de travaux » pour « faire vivre » le plan de prévention des risques professionnels : des « réunions de chantier », des « échanges réguliers » entre entreprises et avec les salariés…

« On n’a pas oublié, on n’a pas négligé, on a alerté tout un chacun sur les dangers que présente le travail avec un convoyeur », a conclu Me Élodie Stierlen.

Le tribunal correctionnel de Rennes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son jugement dans une dizaine de jours.

RB et GF (PressPepper)

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