Le monde du travail « n’a jamais été autant attaqué, mais la mobilisation pourrait être meilleure ». Dans les rangs des manifestants varois se murmure que « c’est une manif de militants ». Façon de dire la déception de ne pas rassembler davantage.

Ce mardi 2 décembre marquait la troisième journée nationale contre « le budget d’austérité de la France ». Avec des cortèges à Toulon et Saint-Raphaël, ainsi qu’une opération escargot à Draguignan.

À l’appel des trois centrales syndicales, CGT, FSU et Solidaires, autour de 400 manifestants ont défilé dans les rues du centre-ville de Toulon, une mobilisation bien en dessous des précédentes des 2 octobre et 18 septembre.

« Prendre la main »

Même constat en Dracénie où la manifestation n’a rassemblé guère plus d’une trentaine de personnes. « Le budget n’étant pas voté, les salariés, comme l’ensemble de la population, sont dans l’incertitude totale. Incertitude qui n’incite pas à la mobilisation », confie Gilles Piazzoli, le secrétaire général de l’union locale CGT de Draguignan. Ce qui n’a pas empêché les manifestants de partir en opération escargot jusqu’à la ZAC des Bréguières dans la commune voisine des Arcs-sur-Argens. Histoire de sensibiliser, de motiver les salariés. Et le leader cégétiste de déclarer : « C’est à eux de prendre la main, de pousser pour que le budget ne soit pas un budget d’austérité ».

« Ils sont en train de pseudo-négocier des miettes »

« Dis-moi quel est ton budget, je te dirai quelle société tu construis. » Applaudissements dans la manif toulonnaise. Au micro, Richard Roméo-Giberti vilipende le régime de faveur des entreprises, « 211 milliards par an, octroyés sans contrepartie », et « la progression hors du commun » de la richesse des plus riches, énumère le responsable de la CGT dans le Var.

« De l’argent, il y en a. C’est pour l’école qu’il faut des moyens, reprend Julie, enseignante à Rocbaron, venue avec son fils et une collègue. Il y a 29 élèves en CM2 dans mon école. Comment tenir compte des besoins spécifiques des enfants, à 30 par classe ? »

Petit salaire, petite retraite

Odette, bientôt 80 ans souffle-t-elle, défile un grand panneau autour du cou. « J’ai travaillé presque toute ma vie dans la grande distribution. Petit salaire, petite retraite. Dix ans en temps partiel imposé. La réforme est injuste », pointe la Seynoise.

« Ils sont en train de pseudo-négocier des miettes, estime Alain Tournay, à la tête de la FSU du Var. Sur le régime des retraites, nous ne voulons pas de miettes, mais l’abrogation. » La crise institutionnelle révèle qu’on « arrive au bout politiquement », grince encore Loïc, mécanicien « à l’arsenal » de Toulon. « Macron force dans son chemin jusqu’au boutiste. Si ni le vote à l’Assemblée, ni la mobilistion dans la rue ne peuvent aboutir, alors une étincelle peut tout faire dégénérer », pense-t-il.

Comment sortir de l’impasse démocratique ? « Nous avons assez discuté avec l’élite politique. C’est le rapport de force qui compte aujourd’hui, analyse Ola Hawryluk, porte-parole de Solidaires dans le Var. C’est difficile, mais c’est le seul moyen. »

« Stop au budget pour la guerre ! »

L’augmentation de 6,7 milliards d’euros défendue par le gouvernement Lecornu pour le budget 2026 des Armées n’a pas échappé aux manifestants dracénois. Gilles Piazzoli, le secrétaire général de l’union locale CGT de Draguignan, en a même fait l’un des thèmes principaux de sa prise de parole devant la sous-préfecture du Var.

Renouant avec la tradition pacifiste de la CGT, Gilles Piazzoli a d’abord déclaré, en ce jour du 220e anniversaire de la bataille d’Austerlitz, que « les guerres n’en finissent plus de faire saigner le monde et ses enfants. Les conséquences sont très concrètes et le recul de la paix dans un très grand nombre de pays, les logiques de guerre sapent les démocraties, tout en favorisant la montée de l’extrême droite ».

Deux conceptions de la société

Et puisqu’on parle d’anniversaire, Gilles Piazzoli se montre, sans surprise, plus sensible aux 80 ans de la Sécurité sociale qu’à celui des victoires militaires napoléoniennes. Or quatre-vingts ans après la naissance de la Sécu, « promesse de jours heureux », ce modèle est « attaqué par une logique inverse : « Celle de l’économie de guerre », dénonce le syndicaliste.

Son discours devient alors plus politique et cible Emmanuel macron. « L’adversaire de classe qui est le nôtre nous précipite dans un avenir toujours plus incertain avec un Président toujours plus guerrier qui hypothèque l’avenir d’une jeunesse. On tente aujourd’hui de nous vendre l’idée que pour assurer notre sécurité, il faudrait sacrifier notre modèle social au lieu de l’améliorer et de l’étendre. L’économie de guerre, telle qu’elle nous est présentée, c’est l’organisation de l’austérité pour le peuple au nom des impératifs militaires, tout en laissant les clés de notre défense à des logiques de marché, de rentabilité financière et de dépendance atlantiste », assène Gilles Piazzoli.

Avant de conclure : « C’est une impasse absolue. On ne défend pas une Nation en démantelant ce qui fait sa cohésion sociale. On ne protège pas un peuple en précarisant son existence ».